PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique est parue dans Le Figaro d’hier samedi. Le constat est glaçant. Alors même que nous savons bien qu’en dépit de ses longues et fortes traditions, en dépit de l’homogénéité séculaire de son peuplement de de sa civilisation de naguère, qui ne sont pas le lot des sociétés d’Outre-Atlantique, l’Europe d’aujourd’hui finit toujours assez rapidement par s’aligner sur les tendances américaines, par les importer, voire les outrepasser. Les réactions qui montent en Europe seront-elles assez puissantes ? Les peuples seront-ils assez veules pour accepter ? Lancinantes question pour ceux qui ne veulent pas mourir. Nous voulons dire : en tant que peuples, en tant qu’héritiers.
La Stasi a de beaux jours devant elle.
Plusieurs ont tendance à voir dans le politiquement correct une excentricité universitaire, exaspérante mais condamnée à demeurer cloisonné dans certains campus américains aux airs d’hôpitaux psychiatriques.
Ses concepts ont pourtant pénétré intimement le corps social. Depuis un bon moment déjà, il s’est déconfiné et contamine la culture, comme un virus idéologique.
« Jeunesse, j’écoute » est un organisme canadien très respecté qui prétend s’occuper de la détresse des adolescents, invités à téléphoner à une ligne d’urgence lorsqu’ils sont hantés par de noires pensées. Mais mardi, on découvrait sur Twitter un message de l’organisme, invitant les jeunes Blancs à prendre conscience de leur « privilège blanc » et à réformer leurs comportements pour devenir des alliés des minorités « racisées ».
Être blanc, c’est mal, et il faudrait se déblanchir. Que le régime diversitaire ose instrumentaliser la détresse de la jeunesse pour lui administrer la potion woke, cet état d’esprit censé se caractériser par une hypersensibilité à l’endroit des « minorités », avait de quoi choquer même ceux qui ne s’étonnent plus de rien. On imagine la scène: un adolescent appelle pour confesser son mal-être, le téléphoniste en profite pour lui demander s’il est blanc et le pousser à l’expiation et la déconstruction de ses «privilèges». D’ailleurs, toute une section du site internet de l’organisme était consacrée à ce sujet. Sur les réseaux sociaux, le commun des mortels s’est manifesté vivement. Le bon sens a encore ses droits, et «Jeunesse, j’écoute» a partiellement reculé.
À travers l’accouplement morbide du multiculturalisme canadien et du racialisme américain, le Canada, et plus particulièrement sa partie anglaise, se transforme en camp de rééducation à ciel ouvert. La liberté d’expression en souffre. Depuis quelques mois, sa remise en question s’est cristallisée autour du droit ou non de prononcer le titre Nègres blancs d’Amérique, un classique de la littérature québécoise écrit par Pierre Vallières et publié en 1968. La simple prononciation du mot «nègre», même s’il s’agit d’en faire l’histoire ou de nommer le titre d’un livre, relèverait de la «suprématie blanche», et entraîne automatiquement un scandale – il faut désormais dire le «N* word» ou «le mot qui commence par N». Un manuel scolaire se référant au livre de Vallières a été retiré de certaines bibliothèques d’écoles anglophones pour qu’on puisse caviarder le passage le mentionnant.
La polémique a culminé en octobre à l’université d’Ottawa, où une professeure, Verushka Lieutenant-Duval, a connu l’enfer pour avoir prononcé le mot litigieux dans le cadre d’un cours d’histoire de l’art. Harcelée par des étudiants, elle fut ensuite suspendue par la direction de l’université. Le recteur justifiera sa décision en écrivant: «Ce qui peut sembler banal pour un membre de la communauté majoritaire peut être perçu par plusieurs membres de la minorité comme étant profondément offensant. Les membres des groupes dominants n’ont tout simplement pas la légitimité pour décider ce qui constitue une microagression.»
Il appartient aux «minorités» de définir un nouveau délit de blasphème. Justin Trudeau s’est rangé du côté du recteur. On ne sera pas surpris qu’il ait trahi ensuite la France au moment de la question des caricatures.
Lieutenant-Duval, qui adhérait intégralement à la religion woke, a trébuché sans le savoir sur un interdit et s’en est excusée en réclamant au bureau universitaire responsable de l’inclusion qu’il établisse une liste des mots interdits pour permettre une pédagogie inclusive. Certains représentants des «minorités» en ont appelé, quant à eux, à la rééducation du corps enseignant pour le contraindre à assister à des ateliers de «diversity training» où les professeurs examineront leurs biais implicites et déconstruiront leur «privilège blanc», dans un processus d’expiation sans rédemption, pour devenir des alliés des «racisés». Ces formations, normalisées dans les départements de ressources humaines, sont partout implantées dans les administrations publiques et privées du pays. Elles sont devenues banales.
L’Europe est aussi frappée par cet appel à la censure et le porte encore plus loin. Le ministre écossais de la Justice, Humza Yousaf, cherche actuellement à ce que sa nouvelle loi sur les propos haineux s’applique aux propos tenus à l’intérieur des demeures privées, qu’il faudrait désanctuariser. Pourquoi, demande-t-il, les propos interdits à la télévision ou au pub devraient être autorisés chez les particuliers? Il s’agira de transformer l’individu en délateur chez ses hôtes s’il n’apprécie pas les conversations qui s’y tiennent. Et les enfants qui apprennent à l’école à se sentir microagressés en permanence, ne pourront-ils aussi un jour dénoncer leurs parents?, lui répondra-t-on. Au rythme où ces idées progressent, on peut craindre que ce projet ne représente l’avenir de l’Europe. La Stasi a de beaux jours devant elle. ■
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).
Publié dans JSF à 6h550
Sur cette folie du politiquement correct et de la tyrannie des minorités, deux ouvrages passionnants du philosophe Pierre-André Taguieff : » Race, un mot de trop ? » et »L’imposture décoloniale : Science imaginaire et pseudo-antiracisme ». Tout y est dit. Ces mouvements sont animés non pas par un sens de la justice, mais par un pur et simple ressentiment et c’est ce qui explique leur caractère haineux.
Bonjour ,
Hélas ,nous aussi en FRANCE, nous y sommes en plein .Dans beaucoup d’entreprises c’est déjà le cas .La fameuse inclusion a ses petits commissaires politiques et gare aux réfractaires .En ce moment ,c’est l’inclusion féminine mise à toute les sauces .Le petit salarié que je suis, qui n’est rien dans une gare ,d’après MICRON Premier ,a plutôt intérêt de faire attention .Bien évidemment, il faut aussi mesurer ses propos face aux minorités « opprimés » par l’affreux privilégié blanc prolétaire de plus de 50 ans .
La difficulté réside dans le fait que c’est nous, les blancs, qui avons soutenu comme un dogme, depuis deux siècles, et de plus en plus dogmatiquement depuis trois quarts de siècle qu’il n’y a pas de différence entre un noir et un blanc. Or que nous disent les tenants de cette guerre culturelle des « racisés »? Ils se fondent sur ce que nous leur avons appris à savoir que les races n’existent pas, pour constater qu’en fait les noirs sont proportionnellement beaucoup plus nombreux que les blancs dans les échelons les plus bas de la société, et beaucoup moins dans les échelons les plus hauts. Ils en concluent que (puisqu’il n’y a point de différence) c’est par notre faute, par une ignoble hypocrisie, que nous les cantonnons à un niveau inférieur. Nous sommes donc sommés de nous condamner nous-mêmes au nom de nos propres principes. A cela j’ai entendu plusieurs types de réponses:
– La première, récemment lue sur un site ami: nous ne sommes pas comme les américains, qui ont discriminé, asservi et séparé les blancs des noirs. Donc nous ne sommes pas coupables. Cette réponse me paraît inadéquate car elle répond à côté de la question. Il n’est d’ailleurs jamais sensé de vouloir se disculper, car c’est du temps perdu et une preuve de faiblesse, puisque l’on admet ainsi la légitimité du procès.
– La seconde, plus liée à l’idéologie occidentale, se résume ainsi: « Nous ne raisonnons pas en terme de communauté ou de race, mais en terme d’individualités. Chacun peut réussir, noir ou blanc, s’il le veut vraiment, et on ne doit pas rechercher de déterminisme dans la construction sociale. » Argumentation inopérante car elle se résume, suivant la logique libérale, à dénier toute valeur à toute constatation sociologique. Louis de Bonald, puis Karl Marx, ont répondu avec pertinence à cette question.
– La troisième, fondée sur des recherches anglo-saxonnes, consiste à dire que si les noirs ne réussissent pas aussi bien que les blancs, ce n’est pas la faute des blancs, mais celle des noirs eux-mêmes, soit par un héritage génétique, soit par un héritage culturel déficient. C’est possible, et nous ne trancherons pas sur cette question, mais il est vain de vouloir persuader les noirs de cette infériorité. Nous le voyons bien en Afrique du sud où la coexistence entre les races ne peut se faire sans un conflit sanglant.
M. Bock Coté nous montre avec son brillant habituel, combien la théorie de la racisation est destructrice de nos libertés les plus élémentaires. Il a raison, mais ne donne guère de solution à ce problème. Je regrette de le dire à M. de Maistre, mais M. Taguieff ne le fait pas davantage, car il admet malgré son honnêteté, l’absence de différence entre les noirs et les blancs (et bien plus encore).
Pour résoudre cette énorme difficulté, il faut d’abord porter le fer sur ce dogme de l’indifférenciation, mais aussi aider les noirs à concevoir une manière de vivre compatible avec leurs héritages. Ce serait plus facile si nous n’avions pas laissé entrer depuis un demi-siècle une masse gigantesque (entre 10 et 25%) d’allogènes sur notre sol. Aurons-nous l’audace de prendre à bras-le-corps ce piège tragique? Je n’en suis pas sûr.
C’est effrayant de voir ce qui se passe : au nom d’un fantasme d’une pureté idéologique, idolâtrée, ici un racisme inversé violent qui annonce la couleur ( si j’ose dire) , c’est la pire des surveillances policières qui est mise en place. La Stasi est dépassée. Elle au moins agissait dans l’ombre, maintenant c’est officiellement que la chasse à l’homme est lancée, avec l’approbation de Monsieur Trudeau ou du « très honorable » Ministre de la Justice écossais Humza Yousef… Oui, les « chasses du Comte Zaroff » sont officialisées et nous sommes le gibier, au sens moral, j’entends, pour le moment bien sûr, mais c’est bien la relégation qui nous attend ! ,
Ce qui est aussi effroyable ou très inquiétant, c’est le manque de résistance de nos élites intellectuelles, , gouvernants homme politiques tétanisée, à part Mathieu Bock- Côté et bien sur le tenace P.A. Taguieff, qui ont beaucoup travaillé sur la question, et qui très courageusement prennent le temps d’analyser et de nous avertir de cet énorme danger ; IL n’est plus temps de philosopher sur la richesse et la vocation de chacun, noir ou blanc , comme en témoigne par exemple nos Cardinaux Africains , l’avenir est à l’accueil des cultures et leurs greffes, non à leur éradication promise et annoncée. Il s’agit donc d’organiser la résistance à cette dé-civilisation, sinon nous risquons de vivre dans un avenir plus ou moins proche dans des camps d’expiation. ( même plus de rééducation ! ) .
Le Grand Inquisiteur, la grande parabole prémonitoire de Dostoïevski, est aussi dépassée. Ce n’est plus la sécurité offerte par Lui (le GI) à une masse éprise de sécurité illusoire, abandonnant et sacrifiant sa liberté vraie, celle qui fonde sa vie, qui nous est offerte, mais notre Rédemption ( sans Christ) sous surveillance, le goulag total quoi, incluant âme et esprit. Finalement.
La crise sanitaire nous a habitué à être parqués à être et confinés, mais le pire est peut-être à venir, si nous ne résistons pas enfin un jour. .
Vous nous dites: « l’avenir est à l’accueil des cultures et leurs greffes, non à leur éradication promise et annoncée. » Pouvez-vous nous dire ce que cette formule signifie? Comment imaginer que ce soit dans la mixité indifférenciée que réside notre espérance? Quelles sont les sociétés métisses qui nous donnent une image de rigueur et de mesure? Cuba? le Brésil? Le Cap Vert? Le Mexique? Une seule société métisse échappe à la médiocrité: le Japon, mais son métissage a connu vingt siècles d’isolement et un des systèmes sociaux les plus hiératiques de l’Histoire.
Antiquus. La greffe n’est pas le métissage , du moins , comme nous l’entendons comme une fusion, elle peut être culturelle et l’occasion de valoriser une culture spécifique et réciproquement. Rien ne m’ a plus choqué que d’entendre de notre président dire qu’il n’y a pas de culture française , c’est nier qu’il fait jour à midi, c’est quasi criminel, comme négation de nous ; mais cette culture française , qui a su trouver sa voie propre, est aussi héritière d’un vieux fond Athènes, Jérusalem et Rome qui est partagée à divers titres par l Europe celle des fameuses racines chrétiennes de l’Europe, savamment niées, éradiquées par le nihilisme ambiant. (merci Chirac) Sans Balzac , ni Dostoïevski, ni Tolstoï et peut être Pouchkine ou Tourgueniev etc.. n’auraient pu exister avec autant d’éclat, et cette efflorescence ou âge d’or de la culture russe, nous a marqués de sa griffe dans toute notre littérature, la vraie.; celle qui nous enrichit, nous densifie, pensons à Camus. .. idem pour Shakespeare? Se greffer, n’est pas renoncer à être ce que nous sommes, au contraire, cela permet d’être encore plus nous mêmes, c’est à dire de répondre à notre vocation propre.
Me semble-t-il!