La mort de Valéry Giscard d’Estaing a été annoncée trop tard, hier en début de nuit, pour que la presse en fasse ses gros titres de ce matin.
C’est l’avantage des médias audiovisuels et du numérique de ne pas dépendre des rotatives et des messageries pour réagir « en temps réel » – ou presque – à l’événement. Est-ce d’ailleurs vraiment un avantage ? L’immédiateté de l’information peut tout aussi bien réduire la réflexion à peu de chose, faire obstacle à sa maturation et partant à sa qualité.
Voilà qui précisément nous introduit au monde que Giscard a voulu ou cru incarner.
Ceux qui ont déjà évoqué sa vie ont reconnu en lui l’homme qui aurait modernisé la France. Le terme est particulièrement flou, sans substance réelle et, tout compte fait, ne recouvre pas grand-chose, si ce n’est un certain type de relativisme, qui voit dans toute modernité en tant que telle un plus et un mieux. L’essentiel réside alors dans le mot lui-même et dans les apparences. Giscard sut les manier ou crut le savoir. Et cela lui réussit un certain temps. Un temps, en fait, assez court.
Pompidou, de son regard d’aigle carnassier, avait eu le temps de discerner son principal défaut : « le problème de Giscard, c’est le peuple ». Giscard voulut faire peuple : s’inviter chez les gens, se présenter en chandail à la télé, jouer de l’accordéon, présenter ses vœux à la nation en y joignant sa femme, une Anne-Aymone figée et glaciale auprès d’un feu de cheminée qui aurait dû la réchauffer…Ces apparences artificieuses ne plurent pas. Ne fait pas peuple qui veut. Mitterrand ne chercha jamais à faire peuple. Il en était, avec une certaine majesté qui ne déplaisait pas. Giscard fut battu en 1981 au terme d‘un unique septennat, dont les derniers temps furent noircis par l’affaire des diamants de Bokassa. Cette défaite fut, jusqu’au ridicule de son départ théâtralisé, le drame de sa vie. Mitterrand malgré la maladie et les revers électoraux passera 14 ans à l’Elysée dont il partit populaire.
Si l’on nous permet de nous souvenir, nous savions, nous pressentions, quel type de modernisation Giscard allait tenter d’imprimer à la France. Mais, dans le camp d’en-face, Mitterrand, c‘était le programme commun, l’alliance avec les communistes, Georges Marchais, Moscou… La bourgeoisie française en fut effrayée. Elle craignait pour son épargne, son argent. Et sans-doute aussi pour de plus nobles raisons. Nos critiques envers Giscard étaient critiquées. Après son élection, nous avions titré notre mensuel de l’époque* : « A compter du 19 mai, l’adversaire s’appelle Giscard ». Au rassemblement royaliste des Baux de Provence qui suivit, en juin 1974, nous fûmes assaillis de reproches. Au bout de quelques mois, tout le monde avait compris.
Ce n’est ni le temps, ni le lieu de dresser un bilan critique de cette modernisation de la France dont on crédite Valéry Giscard d’Estaing sans trop de discernement et d’esprit critique. Nous dirons que ce grand bourgeois aux prétentions aristocratiques, dont on a rapporté qu’il lui arrivait de se prendre pour Louis XV, a introduit en France les premières mesures, le premier état d’esprit, qui ont marqué, avant et après mai 68, la phase actuelle de notre grand déclin, sociétal, institutionnel, et, au sens le plus large, politique. En matière sociétale, selon le mot en usage aujourd’hui, il y eut la légalisation de l’avortement, le divorce par consentement mutuel, l’abaissement à 18 as de l’âge de la majorité civile ; le regroupement familial, décidé par Giscard et mis en œuvre par Chirac, inaugure l’ère d’immigration massive dont nous subissons aujourd’hui les tragiques conséquences ; en matière institutionnelle, Giscard a entamé le processus de déconstruction de ce qu’il pouvait y avoir de monarchique dans la constitution de 1958, notamment par l’extension du champ des pouvoirs du Conseil constitutionnel et, plus tard, par son intervention dans le débat public, il a été le véritable instigateur du funeste quinquennat… Enfin, Giscard a incessamment fait preuve d’un européisme idéologique sans faille, présidant le comité qui a rédigé le projet de constitution européenne qui a donné lieu au traité de Lisbonne.
Il serait malséant de méconnaître son intelligence brillante, supérieure, ses capacités et talents divers qui étaient grands. Mais si l’on se place du point de vue des intérêts et du destin de la France, nous n’hésitons pas à écrire, que nonobstant les qualités que nous venons de dire, il aura fort mal servi son pays. Après quoi, comme De Gaulle l’a écrit par ailleurs, « que la terre de France recueille tous les corps, que Dieu accueille toutes les âmes ».
* L’Ordre Provençal, mensuel édité par l’Union Royaliste Provençale, mai-juin 1974
Très bonne analyse ! Comme vous le dites, ce fut une grande intelligence, même brillante, grande culture…mais tout le reste marque malheureusement le début du déclin de la France…il a fait le « lit » de tout ce dont aujourd’hui nous souffrons profondément !
Paix à son âme : devant le juge suprême qu’est Dieu, il doit rendre des comptes….Miséricorde et prions pour le repos de son âme.
Le regroupement familial avait été signé lors des traités internationaux sous De Gaulle et Pompidou, VGE voulait la fin de l’immigration et renvoyer certains mais le Conseil d’Etat l’a contraint à signer les décrets liés aux traités internationaux, et l’année suivante, il était revenu dessus mais coincé par les centristes.
Ce que vous dites est un point d’histoire très important qui mérite d’être développé. Avez-vous les éléments qui permettent de le soutenir ?
Il a eu un SEUL mérite : envoyer, la Légion, le 2ème REP sur KOLWEIZI, où la population blanche avait été prise en otage, sinon il ne fut que le bourgeois qui voulut se faire aussi peuple que le Peuple, telle la grenouille de la fable. Sinon comme vous l’avez très bien rappelé, son bila, fut négatif
Pour Kolwesi, il a failli faire capoter l’opération en voulant l’annuler au dernier moment. Le colonel Gras sur place a répondu que c’était trop tard, que les avions avaient décollé et qu’on n’avait pas la liaison avec eux, ce qui n’était pas vrai. En réalité, le REP était en train d’embarquer et les avions n’avaient pas encore décollé.
Le seul vrai mérite de Giscard (l’opération de police de Kolwezi ne me paraît pas être de la compétence d’un Chef d’État, mais du simple niveau du ministre de la Défense) me semble avoir été le sauvetage de la gare d’Orsay et sa transformation en merveilleux musée du 19ème siècle.
Par ailleurs, si cela amuse quelqu’un, je mets sur mon Facebook personnel deux articles que j’ai écrits pour « Je suis Français » .
L’un dans le n°29 de mars 1980, à propos de la « Lettre ouverte au colin froid » de Jean-Edern Hallier, l’autre dans le n°39 de février 1981 qur le « Précis de foutriquet » de Pierre Boutang.
Naturellement, le colin froid et le foutriquet sont la seule et même personne, c’est-à-dire Giscard.
~ Voici » un ancien président ruineux & profiteur en moins !!! !! ! .
Significativement Macron a salué en Giscard un président qui a « transformé la France » . Ces deux-là se reconnaissent . La question est de savoir si c’est le rôle d’un chef d’état de « transformer » ; parfois certes il faut « réformer » et surtout « gouverner » , mais pas « transformer » avec tout ce que cela implique de progressisme constructiviste .
Peut -être a-t- il été victime de sa trop grande intelligence. A tout peser disséquer et vouloir dominer , les décisions apparaissent dénuées du simple bon -sens et on en oublie les conséquences. Faussement hautain en affichant une distance aristocratique il fait oublier le côté midinette de sa personnalité illustrée par ses romans. Comme tout un chacun c’est une personnalité complexe , reste son bilan qui est celui d’un post soixante huitard axé sur le bonheur de l’individu en opposition avec l’intérêt de l’Etat et les devoirs du citoyens.
La porte ouverte aux changements de société inévitables par la suite et dont nous souffrons aujourd’hui
https://souvenirchouandebretagne.over-blog.com/2020/12/mort-d-un-ex-president-de-la-republique.html