Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Dès son premier numéro, au printemps dernier, la revue de Michel Onfray donne le ton : « Le problème n’est plus d’opposer ceux qui votent à droite et ceux qui votent à gauche mais ceux qui croient à la France et ceux qui n’y croient pas. »
Au-delà de son titre très connoté (Front Populaire) la revue s’adresse ainsi explicitement aux « souverainistes de droite, de gauche, d’ailleurs [comme nous] et de nulle part ». Pour désigner l’ennemi, Onfray propose, comme antonyme de souverainiste, le néologisme de « vassaliste », défini comme « un adepte de la soumission néolibérale de droite et de gauche à l’ordre économique mondial du capital qui aspire au gouvernement universel ». Approbation.
L’idéologie de la gauche internationaliste, d’abord au service de la volonté de puissance communiste, a enfanté par la suite le tiers-mondisme, l’ humanitarisme, le sans-frontiérisme, l’écologisme façon Greta Thunberg et même rejoint, par social-démocratie interposée, l’européisme néolibéral originellement « de droite ». Dans la France de gauche, M. Chevènement a longtemps paru bien esseulé. Voici pourtant que la fibre nationale et souverainiste semble recommencer à vibrer là où on ne l’attendait pas (ou plus).
Début novembre, M. Montebourg, ancien ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique (premier gouvernement du quinquennat de M. Hollande), jette le trouble parmi la gent médiatique en reconnaissant à M. Trump d’avoir bien défendu les classes populaires par un « protectionnisme vertueux » et en affirmant qu’en France même « on a besoin du protectionnisme pour reconstituer nos forces » (France Inter, 4 novembre ; RMC, 9 novembre ; etc.). Nous avions déjà, dans ces colonnes, salué certains de ses propos et prises de position. Donnons-lui acte une nouvelle fois de son engagement lucide et courageux.
Début décembre, et c’est plus étonnant, M. Ruffin, député La France Insoumise de la Somme, déclare à France Inter (« matinale » du 2) : « Je suis favorable au retour des frontières sur capitaux, marchandises et personnes […] ». Mieux, il ajoute, ce qui en fait bondir plus d’un dans « son » camp : « Les frontières ne sont pas quelque chose de négatif, elles permettent de se construire aussi. » Ce sont là des propos conformes aux nôtres. M. Ruffin n’est pas, on le sait, le premier de LFI à faire preuve de souverainisme, il est en revanche une des figures emblématiques de ce parti.
Bien entendu, MM. Montebourg et Ruffin se sont attiré les foudres de leurs admirateurs d’hier (inutile de les nommer) : tel, plutôt polémique, voit dans la frontière le souhait de la mort de l’UE (c’est qu’à gauche, on croit désormais volontiers à l’UE et à l’euro, comme on croyait à l’Internationale et au Grand Soir) ; tel autre, plus intellectuel, essaie de noyer le poisson par des considérations historiques, voire lyriques, en rappelant que Jaurès prônait en 1911 (!) « une fédération des nations fraternelles où les frontières seraient les limites de l’association des peuples mais pas des remparts de repli ».
Les frontières circonscrivent le territoire où s’exercent les prérogatives régaliennes de l’Etat – autorité politique et contrôle économique des flux (de biens, de personnes, de capitaux, etc.). Ceux qui ne veulent pas admettre que les frontières sont là pour nous protéger refusent l’évidence. Tant mieux en revanche si d’autres que nous sont prêts à s’engager dans le combat souverainiste. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
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Il y a une ligne de fracture fondamentale qui sépare ceux qui croient ce qu’ils voient à la télévision et ceux qui n’y croient pas; elle rejoint largement les autres fractures.