Par Jean-Philippe Chauvin.
Lorsque j’étais élève au lycée Chateaubriand de Rennes à la fin des années 1970, il y avait un professeur d’histoire que nombre de lycéens soupçonnaient d’être royaliste et la rumeur courrait que, tous les 21 janvier, il portait une cravate noire en souvenir de la mort brutale et républicaine du roi Louis XVI.
Aussi étrange que cela puisse paraître, je n’ai jamais cherché à en avoir confirmation, même si j’étais ravi qu’un des maîtres du lycée puisse avoir les mêmes sentiments politiques que moi, devenu royaliste à l’orée de mes classes de Terminale. Et, en 1981, lors de mon « premier » 21 janvier, si je n’arborais pas de crêpe noir ni de cravate de la même couleur de deuil, je me rendais à la messe pour le repos de l’âme du souverain déchu et décapité, messe qui se tenait dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu, et j’étais accompagné de l’ami Olivier, celui-là même qui m’avait invité à ce qui fut ma première réunion royaliste en 1978 (avant même que je sois convaincu de la nécessité monarchique) au lycée Jean-Macé, organisée par le « Cercle Charles Maurras » (1). A la cérémonie de ce 21 janvier 1981, l’assistance pieuse était fort réduite (une quinzaine de personnes), groupée principalement autour de Yolande de Prunelé, figure bretonne de la Nouvelle Action Royaliste, et quelques uns des militants « nafistes » présents portaient un badge avec la fleur de lys stylisée, de couleur rouge, qui était celle, alors, de la revue Lys Rouge.
Aussi quarante ans après, ai-je été amusé (cela sans ironie aucune) de lire l’article de Franck Ferrand publié cette semaine dans Valeurs Actuelles sous le titre « Cravate noire », article dans lequel il rapporte quelques souvenirs de ses jeunes années et de ses 21 janvier : « Adolescent, je mettais un point d’honneur à porter, le 21 janvier, la cravate noire des nostalgiques et des dandys ; c’était mon tribut au souvenir du malheureux Louis XVI et à celui de ses proches, sacrifiés sur l’autel de la République naissante. (…) Il était pénible à ma jeune conscience civique d’admettre qu’au nom du peuple – le souverain nouveau – on ait pu légalement, à l’issue d’un vote serré de la Convention nationale, choisir de tuer cet homme – l’ancien souverain – plein de grandeur et de bonté et qui avait toujours épargné le sang de ces Français qu’il regardait comme ses enfants. » Mais aujourd’hui, ce souvenir semble moins présent et les journaux ne rapportent plus, comme ils le faisaient il y a encore une vingtaine d’années, les cérémonies en mémoire tragique de l’événement. Et, si j’ai constaté que nombre de mes élèves savaient à quoi faisaient référence mes petites allusions de jeudi dernier, l’écho s’en est largement perdu au-delà des murs de Versailles…
Peut-être n’est-ce pas forcément plus mal, en fait. Car le souvenir a parfois tendance à « gêner l’avenir », comme le dit la formule, et le 21 janvier, par sa célébration habituelle, a souvent été l’occasion, une fois passée la journée, d’attendre l’année suivante sans plus rien faire de politique et de constructif. Commémorer est utile, sans doute nécessaire, mais ce n’est pas suffisant et même un peu vain si cela ne s’accompagne pas d’une réflexion sur l’événement lui-même, ses causes et ses conséquences, mais aussi sur les moyens de renouer les fils tranchés en ce jour tragique, renouer non pour se faire plaisir mais pour relier l’arbre et ses branches à ses racines qui peuvent lui permettre, encore, d’avoir de nombreux printemps. J’avoue que je ne porte pas vraiment de cravate noire le 21 janvier mais que j’arbore tous les jours la fleur de lys, et cela depuis plus de 40 ans !
Et la suite de l’article de Franck Ferrand semble confirmer mon acharnement à concevoir le royalisme, non comme une nostalgie satisfaisante (et cela même si je ne méconnais pas les puissances de ce sentiment qui peuvent nourrir les actes d’honneur du présent), mais comme une espérance à faire advenir : « Car, vingt-trois décennies après la décollation de Louis Capet, le délitement accéléré de nos institutions tend à ouvrir une brèche dans ce républicanisme unanime. Les monarchistes qui, hier encore, concédaient plus ou moins le caractère illusoire de leurs prétentions se surprennent à y croire de nouveau. Même hors de leurs rangs, certains esprits pondérés, sans en appeler au droit divin ni regretter le toucher des écrouelles, se disent que le retour à une monarchie parlementaire aurait cela de bon qu’il détournerait nos politiciens de l’ambition suprême et débarrasserait notre vie publique de mille combats d’ego. » Si l’on peut discuter la forme de la Monarchie évoquée par l’historien, l’argument fort de préserver des querelles électorales et partisanes la magistrature suprême de l’Etat est tout à fait approprié et bienvenu, à l’orée d’une nouvelle séquence de « combat des chefs » présidentiel. Surtout au moment où l’on nous annonce la répétition désespérante du second tour de 2017 (répétition qui, à mon avis, n’est pas écrite…), et que l’abstention risque, en cette élection de 2022, de battre tous les records connus, la démocratie sombrant actuellement dans une sorte de grande fatigue civique dont il n’est pas certain que la perspective soit heureuse pour notre pays et sa société vivante… La Monarchie conviendrait mille fois mieux à notre pays que ce « confinement démocratique » qui épuise les bonnes volontés et décourage les initiatives (2) : si la démocratie semble tomber en dormition, une monarchie royale, incarnée et populaire (dans le double sens du terme) aurait l’immense avantage de revivifier les démocraties « parlementaires » (de la Région à la Nation) et locales (de la Commune aux Métiers, ce qui constitue le pays réel, loin de l’artificiel et du distanciel…) : « Le Roi au sommet, les républiques françaises à la base », c’est-à-dire aux citoyens. Rapprocher la démocratie des peuples de France et éloigner la magistrature suprême de l’Etat des appétits politiciens : n’est-ce pas là ce que, au travers des revendications de « RIC » et de démocratie de proximité, nombre de citoyens qui ne veulent plus être passifs réclament ? ■
Le blog de Jean-Philippe Chauvin
Très belle analyse ! La question est de savoir comment rallier à la cause monarchiste, tous les déçus ,de plus en plus nombreux ,d’une république laïque qui se délite petit à petit avec la menace de conflits en ligne de mire .
« détourner les politiciens de l’ambition suprême »,
« éloigner la magistrature suprême de l’Etat des appétits politiciens »: voilà ce à quoi j’adhère…à condition de bien préciser « dans le cadre d’une démocratie constitutionnelle et parlementaire dont les responsables politiques soient issus d’élections libres .
Les Français n’aiment pas l’histoire. Il faut donc penser présent et avenir. Cette occasion que l’on perçoit, ne se représentera pas deux fois.
Quelle est la situation actuelle.
Une pandémie qui sévit on ne sait jusqu’à quant, déjà un an, et après. Une oligarchie républicaine si libérale , arrêtée dans son idéologie mondialiste par un petit virus chinois, semble dépassé par le problème de santé collective, car ce n’était pas sur sa feuille de route!
La situation politique internationale va nous conduire, avec un retour Américain gravissime sur l’Europe et la Méditerranée. Un souverain saurait analyser les dangers pour son pays vis à vis de la Russie bousculée par la Chine et sur le coté occidental faciliter les relations entre les trois pays France , Allemagne et Angleterre. L’histoire ne change pas et la république n’est pas et ne peut pas être, à la hauteur de enjeux mondiaux. Notre oligarchie s’ouvre et rêve de mondialisme, quant se sont les grandes nation qui commandent.
Combien va couter l’économie arrêtée, à la fin de la pandémie. Qui vérifie que les prêts , les donations, les rentes sont bien distribuées et ne servent pas à enrichir les mauvais entrepreneurs qui mettent leurs employés au chômage et vendent leurs usines, pour acheter encore et encore en Chine.
Cette gestion républicaine n’a plus d’avenir serein, les vieux le savent, les jeunes commencent à le sentir, ils ont du mal a percevoir leur avenir , pire quant on les poussent à partir à l’étranger. Il ne faut pas espérer qu’un « de Gaulle » sorte du chapeau, pour fonctionnariser tout le monde. Un monde se meurt , un autre est en gestation, celui qui saura le mettre en marche. pour la France, a besoin de l’ensemble des Français.
Alors il est venu le temps, de démontrer qu’une royauté avec une démocratie parlementaire n’est pas moins démocratique que notre constitution républicaine, qui semble avoir retrouvé l’hystérie de 1791. . Oui, les élus devraient représenter le peuple et non faire carrière. Il faut sortir du mensonge deux fois centenaire. Il y a du pain sur la planche , mais cela en vaut la peine…
Prononcer république ne permet pas de penser pays, mais plutôt aux révolutionnaires; alors que le Royaume c’est de fait le pays, et donc la France. Dire la Royale pour la marine de guerre c’est plus profond que de prononcer flotte de la république. Les mots ont une profondeur d’esprit.
Cher compatriote,
Moi j’étais à Saint-Martin (48-61) et nous étions un certain nombre à porter la cravate noire le 21 janvier. J’ai fait partie de la Restauration nationale dirigée par Michel Gauvain avec lequel je suis toujours en contact. Nous nous réunissions chez les demoiselles Villemain rue Martenot à deux pas de la préfecture. Nous avons eu une conférence de Xavier Vallat. J’ai peut-être connu votre professeur ou mon père Prosper Jardin (1907-1988) ami de Pierre Boutang qu’il a présenté à Rennes quand celui-ci est venu donner des conférences.
Je partage totalement l’esprit qui anime l’article ci-dessus de Jean-Philippe Chauvin. Il nous faut en effet réinstaller le roi au sommet des institutions du pays, à cette place éminente à la fois symbolique et réelle qui rappelle que la France fut créée peu ou prou il y a deux mil ans par nos rois, à travers les difficultés, les succès, les épreuves et malgré des échecs sans renoncer jamais, pour constituer un royaume à force de volonté, de ténacité, persévérance dont la taille est à peu près celle que notre pays connaît aujourd’hui dans l’espace terrestre et maritime du continent européen. Survenue il y a deux cent trente deux ans, la Révolution commencée sous les auspices favorables de la compréhension du roi, a dégénérée en quelques années dans les excès de toues sortes puis dans la terreur dont l’un des plus marquants fut le vote de la condamnation à mort du roi suivie incontinent de son exécution en place publique. Par certains côtés la république française d’aujourd’hui fait penser à une sorte d’orphelinat ouvert à tous les vents pour les enfants perdus de toute la terre qui échouent là au milieu d’une population d’indigènes, les français dits de souche, qui se reconnaissent de moins en moins dans le nouveau paysage national mais qui n’ont pas le droit de s’en plaindre.
« Ne nous mentons pas » Résumons.
Le royaume c’est le Nord appuyée par le Pape de Rome qui impose le catholicisme sut toute la population de France. La troisième république c’est le résultat des contraintes de l’empire et les erreurs politiques de Napoléon III, la Crimée, le Mexique sa chute à Sedan . La cinquième c’est le général, or il n’est plus.
Le résultat c’est un peuple qui ne cesse de quémander sa liberté d’action. L’athéisme n’étant pas la réponse, la loi sur le séparatisme va le démontrer. Une spiritualité ouverte sur ses racines, non imposée, mais comprise, répondrait à la demande actuelle des jeunes Français.
A des fins économiques notre actuelle oligarchie impose un monde nouveau, le libéralisme mondialisé, le bonheur de l’individu sans frontière. Mais les cultures ne se sont pas des structures qui se dissolvent entre elles. Alors les Français ne reconnaissent plus leur pays , la fronde incessante gronde et le balancier de l’histoire est en marche.