Philippe Conrad met régulièrement en ligne, sur les réseaux sociaux, de brèves notes toujours particulièrement intéressantes en matière d’Histoire et d’édition. Il évoque ici la mort de Robert Braasillach étrangement exécuté un 6 février, en 1945, onze ans après celui de 1934. Sur ce que fut la politique de Brasillach durant l’Occupation, l’Action Française n’a pas de leçons à recevoir. La rupture fut radicale. Quant à l’écrivain – critique, romancier, poète – et à l’homme de foi et de courage, qui fut des nôtres, c’est une autre affaire où l’ostracisme n’est pas de mise. Nos lecteurs liront cette note avec intérêt.
« Quel don offrir à ma patrie / Qui m’a rejeté d’elle-même ? / J’ai cru que je l’avais servie, / Même encore aujourd’hui je l’aime » (Poèmes de Fresnes)
6 février 1945, exécution de Robert Brasillach au fort de Montrouge, pour intelligence avec l’ennemi.
L’auteur de « L’Enfant de la nuit » (1934) et de « Les Cadets de l’Alcazar » (1936) est condamné à mort à la Libération. François Mauriac, Paul Claudel et Paul Valéry se mobiliseront contre cette condamnation.
En septembre 1944, sa mère et son beau-frère, Maurice Bardèche, ayant été arrêtés, il se constitue prisonnier. Il est emprisonné à la prison de Fresnes et poursuivi pour intelligence avec l’ennemi. Son procès, qui s’ouvre le 19 janvier 1945 devant la cour d’assises de la Seine, dure 6 heures. Il est condamné à mort le jour même après une délibération de vingt minutes. Sa défense avait été assurée par Me Jacques Isorni.
Dans les jours qui suivirent, une pétition d’artistes et intellectuels renommés, parmi lesquels Paul Valéry, Paul Claudel, François Mauriac, Daniel-Rops, Albert Camus, Marcel Aymé, Jean Paulhan, Roland Dorgelès, Jean Cocteau, Colette, Arthur Honegger, Maurice de Vlaminck, Jean Anouilh, André Barsacq, Jean-Louis Barrault, Thierry Maulnier… demanda au général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, la grâce du condamné. Le général choisit de ne pas commuer la peine prononcée, ce qui entraîna l’exécution de la sentence, le 6 février suivant.
Quelles raisons poussèrent le général de Gaulle à laisser exécuter Robert Brasillach. Selon les témoignages successifs de Louis Vallon et de Louis Jouvet, qui l’interrogèrent sur le sujet, de Gaulle aurait vu dans le dossier de Brasillach la couverture d’un magazine le montrant sous l’uniforme allemand. Il y aurait eu une confusion avec Jacques Doriot. Lacouture, qui rapporte cette rumeur, ne croit pas à cette interprétation. Il penche pour l’hypothèse d’une concession faite aux communistes pour pouvoir être plus ferme sur d’autres points.
« […] Le général de Gaulle a écouté Mauriac, et a refusé la grâce. Quoi qu’il en pensât, de Gaulle ne pouvait s’opposer à toutes les exigences des communistes ils exigeaient la tête de Brasillach…. Je pense que de Gaulle a fait la part du feu. […] »
LE 6 février 1945, Le Monde, daté du 7, publiait l’information suivante : « Robert Brasillach a été fusillé ce matin. Le condamné a été réveillé vers 7 h 30 dans sa cellule de la prison de Fresnes par M. François, substitut qui représentait le procureur de la République. Le magistrat était accompagné de M. Reboul, commissaire du gouvernement qui requit la peine capitale, de M. Raoult, juge d’instruction accompagné de son greffier M. Linker, de M Jacques Isorni, défenseur de Brasillach, et du docteur Paul, médecin légiste. » Robert Brasillach a appris avec sang-froid que sa grâce était rejetée puis, après s’être confessé, il s’est acheminé vers la voiture cellulaire. Parvenu au fort de Montrouge où l’exécution devait avoir lieu, il demanda à s’entretenir brièvement avec M. Reboul, commissaire du gouvernement. « Vous avez fait votre devoir, dit-il, moi j’ai agi pour ma patrie. Dieu nous jugera. » » Enfin, conduit au poteau d’exécution, il repoussa le bandeau qu’on lui tendait et, avant que la salve n’éclatât, il cria : « Courage : Vive la France ! » Il était exactement 9 h 30. »
Ainsi s’achevait tragiquement la vie d’un homme de trente-six ans, écrivain et journaliste, riche de tous les talents, nourri comme son maître Charles Maurras de tous les miels du classicisme.
Robert Brasillach repose au cimetière de Charonne, dans le XXe arrondissement de Paris. ■
Aph Philippe Conrad
Je me souviens très bien de l’horreur causée par l’exécution de monsieur Brazillach , mes parents le connaissant par relations . Jusqu’au bout son entourage s’est battu et le général a fait une concession de plus aux communistes..
Ce n’était pas la peine d’y ajouter les fers aux pieds que le condamné bien incapable de d’échapper à porté jusqu’au bout.
Il n’était pas un traître à sa patrie mais farouchement anti communiste et beaucoup comme lui ont été sacrifiés.
Je gage que si ce « doux jeune homme élégiaque » entraîné presque sans s’en rendre compte dans le torrent invraisemblable de la dénonciation antisémite, si ce doux jeune homme n’avait pas été fusillé le 6 février 1945 par le général de Gaulle qui lui a fait l’honneur de ne pas le gracier, je gage qu’il serait aujourd’hui assez oublié, hors par les amateurs et spécialistes de l’histoire littéraire et les amateurs de Mémoires… Car « Notre avant-guerre » est sans doute ce qu’il a écrit de mieux…
Tout ceci mériterait évidemment des gloses infinies et subtiles.
Paul Chack fut également fusillé, et de manière encore plus injuste, et pourtant il est totalement oublié.
Certes, Antiquus ; mais outre que le genre du récit maritime est sûrement moins porteur que le talent pluriel des oeuvres de Brasillach, il faut noter que Chack avait 68 ans lorsqu’il a été fusillé. Brasillach n’en avait que 35. et la jeunesse donne un peu davantage d’aura aux destins tragiques. Parlerait-on d’André Chénier s’il n’avait pas été guillotiné à 31 ans ? Et pourtant il est à peu près illisible…
Mon père Prosper Jardin (1907-1988) était en khâgne à Louis-Le-Grand (1925-1927) avec Robert Brasillach, Maurice Bardèche et Jacques Talagrand (Thierry Maulnier). Mon père a publié dans Les Cahiers des amis de Robert Brasillach ses souvenirs sous le titre En khâgne avec Robert Brasillach que j’ai repris dans un livre publié après sa mort Mémoires d’un enfant du pays gallo. Après la découverte des fosses de Katyn, les Allemands avaient fait venir des journalistes dont Robert Brasillach qui le premier dans la presse française a dénoncé le crime des Soviétiques, ce qui ne pouvait que déplaire aux Communistes. Lors de cette mission, entrant en zone des combats, les Allemands avaient fait revêtir à la délégation une capote militaire ce qui peut expliquer la confusion avec Doriot qui lui aussi portait des lunettes. Et puis Brasillach a été un des premiers écrivains jugés et De Gaulle voulait peut-être faire un exemple. C’est d’autant plus injuste que Robert Brasillach, voulant atténuer le collaborationisme, avait quitté en septembre 1943 la rédaction-en-chef de Je Suis Partout laissant la place à Paul-Antoine Coustau plus radical. Paul-Antoine Coustau et Lucien Rebatet ont été jugés plus tard et ont échappé au peloton d’exécution car graciés…par Vincent Auriol.
Je pense que si Robert Brasillach avait survécu, il ne serait pas oublié car il aurait été un des plus grands écrivains de sa génération. C’est pourquoi à mon sens tant de grands écrivains, qui n’étaient pas de son bord, se sont mobilisés pour sauver sa peau. Les Poèmes de Fresnes, surtout lus par Pierre Fresnay, qui faisaient pleurer mon père, sont une merveille. Je lis en ce moment son Corneille. Quel talent ! quelle érudition !