L’ex-ambassadeur Albert Salon qui préside le haut conseil pour la langue française et la francophonie nous alerte sur l’effacement progressif des langues de l’union européenne au profit quasi exclusif de la langue anglaise. Cet « abus de langage » était déjà difficilement acceptable quand la Grande Bretagne comptait parmi les membres de l’UE, mais devient complètement absurde après le Brexit. Il nous demande de rappeler au public sa missive de septembre 2020 pour laquelle il n’a pas reçu de réponse claire et satisfaisante. Nous nous plions bien volontiers à ses attentes.
Haut Conseil pour la Langue française et la Francophonie
14 Septembre 2020
A Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République
Palais de l’Élysée, 55, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008
Monsieur le Président,
Les personnes et associations portées dans la liste jointe se sont constituées le 18 juin 2020 en un réseau informel de la société civile française : Haut Conseil pour la Langue française et la Francophonie, afin de veiller collectivement à une meilleure application de la Constitution par tous les acteurs français. D’abord de son article 2 : « La langue de la République est le français », puis de son titre XIV, article 87, sur la participation de la France à la Communauté francophone.
Nous avions accueilli en 2017 avec un vif intérêt vos engagements de candidat pour le français et la Francophonie. De même le 20 mars 2018 lorsque, dans la présentation de votre politique, vous reprîtes les propositions des associations et leur projet (lancé en 2001) d’« Institut de la Francophonie » à Villers-Cotterêts, dont vous avez bien mis en place les moyens humains et financiers nécessaires à son inauguration en 2022.
Les signaux contraires émis en même temps par vous-même ont été publiquement critiqués, y compris par les associations. Mais nous avons voulu croire qu’ils ne l’emporteraient pas sur votre rôle et votre volonté de Président de promouvoir les intérêts fondamentaux de la France et de sa civilisation. Ainsi nourrissons-nous l’espoir que vous les ferez prévaloir face à des évolutions dangereuses, dont la plus immédiate découle du vote du Brexit du 23 juin 2016.
Le Conseil de l’Union a adapté aux nouveaux entrants son règlement n°1 de 1958 sur les langues officielles et de travail. Après le Royaume-Uni, l’Eire fut le seul à déclarer l’anglais langue officielle pour l’UE, mais ajouta son gaélique. Le Conseil ne peut ignorer que le Brexit fragilise le statut actuel de l’anglais officiel, et surtout de travail.
Or, un puissant mouvement s’est développé pour, au contraire, le conforter. Voire le promouvoir comme « langue commune » de fait. En invoquant sa domination conquise depuis 46 ans grâce à l’opiniâtreté des nouveaux, et au laxisme persistant des anciens. En osant même plaider que l’anglo-américain deviendrait « neutre » en UE : une sorte de commode et consensuel « volapük ». Mme Ursula von der Leyen ne donne-t-elle pas déjà le ton à Bruxelles en n’employant plus guère que l’anglais, « hégémon » mondial, sans réaction française.
Monsieur le Président, c’est d’abord de la France qu’est attendue partout l’opposition à cette « langue commune », réduisant à une les trois « de travail » du règlement n°1.
Vous en avez le pouvoir. Le moyen consisterait à informer officiellement le Conseil de l’UE de la décision de la France de tenir, pour sa part, compte du Brexit, en :
– ne souffrant plus que ses administrations soient contraintes de travailler sur des documents de l’UE non traduits, et d’y répondre uniquement en anglais ;
– demandant que le Conseil des Chefs d’État décide de se réunir pour fixer lui-même le statut post-Brexit des langues officielles et de travail, dans l’esprit du règlement n°1.
Monsieur le Président, votre position aura des effets et un retentissement considérables. Elle peut se hisser à la hauteur des grands « non » lancés au nom de la France : 1940 à la capitulation ; 1944 à l’AMGOT, 1966 à l’OTAN militaire, 2003 à G.W. Bush en Irak ; 2005 à la « Constitution européenne » cette fois par le peuple lui-même.
Monsieur le Président, à votre tour, vous tenez en vos mains le destin de la France. Pour le français, les cultures en Francophonie, et pour l’Europe, vous seul pouvez dire « non » aux menées impériales, soutenues par certains milieux français.
Monsieur le Président, nous vous en prions : empêchez cette promotion post-Brexit de l’anglais à Bruxelles ! Elle serait un abandon d’intérêts fondamentaux, une forfaiture au regard des devoirs de tous les États membres d’affirmer leur langue nationale, surtout lorsqu’icelle a une dimension mondiale. Elle serait un « écocrime » de l’Union contre la diversité des langues et cultures, donc contre la civilisation.
Veuillez, Monsieur le Président, recevoir l’expression de notre vif espoir en votre volonté et votre pouvoir d’agir, et de notre très haute considération. ■
réflexions d’un simple chaland:
Le français est indéniablement plus compliqué que l’anglais, moins que le latin ou l’allemand, quand même. Sur ces derniers, le français à l’avantage d’une lecture « linéaire », sans trop de pièges, grâce à des mots distincts et des phrases structurées par les articles, prépositions et autres copules. Le français est-il plus clair que l’anglais ? je ne le crois pas, et de moins en moins, vue la propension de nos élites à l’emphase, au sabir, au jargon, au ronflant, à la copie servile et au bric-à-brac, aggravés par ce qu’on pourrait qualifier de fuite devant les réalités. Les conjugaisons, quand nous les pratiquons, donnent au français (et à l’italien, l’espagnol, l’allemand….) une capacité à nuancer que l’anglais n’a plus. Il y a aussi la question du vocabulaire. L’anglais serait plus riche. Plus que la langue, ce sont les anglo-américains qui sont plus créatifs. De ce point de vue le français semble éteint mais, ici encore, la responsabilité n’est pas dans la langue mais dans les locuteurs.
Ces banalités rappelées, je vois deux arguments méconnus en faveur du français comme langue commune principale pour l’Union Européenne :
1-Sa relative difficulté le réserve à des locuteurs réfléchis et qualifiés. S’il peut ainsi décourager la logorrhée débridée ou fadasse du globish, on ne peut que s’en trouver mieux.
2-L’absence quasi-totale d’accentuation du français a, me semble-t-il, la conséquence heureuse que le français pratiqué par les étrangers est, le plus souvent, harmonieux, mélodieux, amusant, sympathique. C’est tout le contraire avec l’anglais. Sans sa « musique », dont la complexité contraste avec la simplicité de sa syntaxe, il devient (pour celui qui le connaît tant soit peu) cacophonique, déplaisant à l’oreille, risible, ridicule et, parfois, périlleux. Alors que le français rend les accents étrangers sympathiques, l’anglais met, le plus souvent les étrangers en position d’infériorité, en fait des cibles facile à moquer.
Moins de discours et des discours plus mélodieux, une plus grande égalité d’armes. On devrait pouvoir convaincre les eurocrates.
La langue anglaise est championne du commerce. Elle est précise rapide et concise alors que la langue française est davantage celle de la diplomatie , elle se prête aux circonlocutions aux jeux littéraires et à toutes les interprétations . Chaque langue a ses spécificités qui reflètent l’état d’esprit et les mœurs de ses habitants.
Dans notre époque où on favorise la vitesse le français n’est pas gagnant face à l’anglais utilisé dans les ordinateurs .
C’est un bon combat, pertinemment mené, mais c’est un combat perdu.
Qu’on le veuille ou non, l’anglais est le latin de notre époque. Le français a été la langue des élites et de la diplomatie , mais n’a jamais été une langue de communication dans un ensemble mondial, ou même européen.
De façon assez amusante, il demeure la langue de l’escrime… poyr combien de temps ?