Par Jean-Luc Porquet
Amusant… terrifiant ! Cet article a déjà plus de quatre mois. Mais il est fort drôle, documenté, intelligent et il brise en s’ébrouant sans complexe parmi les matières premières, les techniques, les hommes, les conséquences, une idée reçue. Et imposée avec une insistance, une certitude si unanime et répétée, qu’elle finit par en devenir suspecte. Ou même antipathique. Nous n’entendons rien au sujet dans l’ordre technique. Mais, comme l’auteur, nous n’aimons pas les croyances obligatoires par décision venue d’en haut. C’est à dire par les gouvernants, la technostructure et les médias, coalisés. Comme d’habitude. De qui est l’article, quel est le média ? Nous laissons le lecteur le deviner. Merci, en tout cas, à Pierre Builly de nous l’voir transmis.
Il S’EN VEND de plus en plus, et demain, promis, on ne verra plus qu’elles sur les routes : les voitures électronucléaires, dites « voitures électriques ».
On ne cesse de nous le rabâcher, la voiture électrique est très écolo et très bonne pour la planète. Toutes ces vertueuses centrales nucléaires dont elle aura besoin ! Ces milliers de bornes à installer sur les routes pour qu’elle puisse recharger sa batterie !
Sa batterie, justement. Regardons-la de près. Très lourde, très coûteuse, bourrée de métaux très rares. Voyez celle de la Tesla Model S. Elle pèse pas moins de 544 kg (soit le quart du poids total de la voiture). De quoi lui permettre – quel exploit ! – une autonomie d’un peu plus de 500km.
Dans la batterie, on trouve 16 kg de nickel. Ce qui affole les industriels. Le nickel est plutôt rare, sur cette terre. « Le goulet d’étranglement de la transition énergétique se fera sur le nickel », vient d’ affirmer le patron français de Tesla ( « Les Echos », 6/10). Dans dix ans, il en faudra dix fois plus qu’aujourd’hui. Et ce ne sera qu’un début…
En prime, extraire du nickel, c’est une vraie galère. Non seulement il faut aller le chercher dans des pays exotiques, l’Indonésie, surtout, ou la Nouvelle-Calédonie, mais on ne le trouve jamais à l’état pur. Dans les minerais, il n’existe qu’en très faible proportion… Il suffit qu’ils en contiennent plus de 1,3 % pour qu’on les exploite. Creuser, extraire, broyer, cribler, hydrocycloner, etc. Résultat : de colossales montagnes de résidus. La plupart du temps, on les déverse dans la mer. Tant pis pour la biodiversité et les coraux. La mobilité verte n’a pas de prix.
Il y a aussi du lithium. Il en faut 15 kg. On en trouve sur les hauts plateaux des Andes, à plus de 3 000 mètres d’altitude. n faut pomper sous les salars (lacs de sel asséchés) la saumure riche en lithium, ce qui fait migrer l’eau douce vers les profondeurs. « Une catastrophe écologique », disent les autochtones, qui souffrent déjà du manque d’eau (Reporterre, 2/9).
TI y a aussi 10 kg de cobalt. On va le chercher surtout au Congo. Son cas inquiète particulièrement les constructeurs automobiles soucieux de leur image d’amis du genre humain. Le cobalt est en effet « associé au travail d’enfants qui creusent à mains nues dans des mines artisanales pour à peine 2 dollars par jour » ( « Les Echos », 23/9). C’est embêtant. Faudrait faire quelque chose. Mais il y a plus urgent. Il faut rattraper la Chine. Elle est déjà le champion mondial de la batterie électrique. L’Europe va lancer l’« Airbus des batteries », « un enjeu de souveraineté européenne » , a dit Macron.
Ah, un détail : comme la batterie électrique est affreusement lourde, tout le reste doit être léger. La carrosserie de la Tesla est donc en aluminium. Dont l’extraction produit des boues rouges très toxiques et est très gourmandes en énergie. On nous promet donc pour demain matin un « aluminium vert », Les pauvres amish doivent en rester babas. ■