Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Il y a quatre mois, peu après la décapitation de Samuel Paty, le ministre de l’Education nationale dénonçait un « islamo-gauchisme [qui] fait des ravages à l’université », suscitant une vive émotion de la C.P.U. (Conférence des présidents d’université) mais aussi un soutien remarqué de nombreux professeurs et chercheurs signataires du « manifeste des cent » (beaucoup plus en réalité et des noms connus).
Dimanche 14 février, Mme Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, déclare « que l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et que l’université n’est pas imperméable » (CNews) ; deux jours après, elle demande au C.N.R.S. « un bilan de l’ensemble des recherches » qui se déroulent en France, afin de distinguer « ce qui relève de la recherche académique et ce qui tient du militantisme et de l’opinion ».
Voilà qui paraît relever du bon sens et de sa compétence mais qui provoque par là même une mise en ordre de bataille de l’univers intellectuel gauchisant. Le C.N.R.S. se montre plutôt réticent ; Mediapart, soutien et promoteur de l’ultra-gauche, monte au créneau ; six-cents universitaires demandent dans Le Monde la démission de la ministre. Trotskistes et crypto-staliniens réunis l’accusent de vouloir instaurer une « répression intellectuelle » et une « police de la pensée ». Pas moins. Les loups sortent du bois même masqués derrière l’anonymat de certaines communications. Ces loups, ce sont toutes ces personnes, ces structures et ces associations présentes dans l’Université française qui se rejoignent dans un commun intérêt pour – et une commune défense de – tout ce qui relève de l’islam mais aussi des idéologies indigéniste, racialiste et décoloniale. Quoi que puisse dire le communiqué du C.N.R.S., c’est tout un.
Du coup, on a pu craindre toute la semaine que le projet de la ministre ne fasse long feu. Son propre camp politique semblait prêt à la sacrifier. D’ailleurs – elle ne pouvait l’ignorer – M. Macron lui-même avait déjà donné des gages à l’ultra-gauche intellectuelle en parlant de « privilège blanc » ou en confiant au très suspect Pascal Blanchard une sorte de mission « décoloniale ». Pourtant, Mme Vidal vient de confirmer dans Le Journal du Dimanche que l’enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université aura bien lieu. Acceptons-en l’augure !
La violence de la réaction prouve en effet que l’islamo-gauchisme est touché. Touché d’abord parce qu’il est nommé donc identifié sans détour pour la seconde fois en quatre mois et par un ministre. Or on ne veut pas que le mot « islamo-gauchisme » fasse autorité pour parler de certaines personnes, certaines associations, certains courants de pensée. En laisser l’usage à des intellectuels ou à des publications politiquement marquées (comme Je Suis Français qui l’utilise régulièrement) permet de le discréditer voire de le vider de tout contenu. Sans doute est-il souhaitable de s’interroger sur la pertinence du mot composé « islamo-gauchisme ». Le concept naît en Angleterre en 1994 quand M. Harman, militant trotskiste (tiens, tiens…) commet un ouvrage au titre sans ambiguïté, Le Prophète et le Prolétariat, où il théorise l’alliance tactique entre la gauche et l’islam ; on doit le terme français à M. Taguieff, directeur de recherche au…C.N.R.S. (re – tiens, tiens ! ) ; à partir de 2002, donc, le mot, et c’est bien normal, est employé dans divers contextes et devient même pour certains polysémique. Mais, aujourd’hui, sans contestation possible, l’islamo-gauchisme « c’est l’alliance directe ou indirecte entre une partie de la gauche (politique, syndicale, médiatique, intellectuelle…) et l’islam politique ou l’islamisme » (dixit M. Valls). M. Legrand a donc tort une fois de plus (France Inter, vendredi 19) lorsqu’il dit que ce mot constitue un « piège » à éviter.
Touché ensuite parce qu’on ne veut surtout pas qu’une autorité, quelle qu’elle soit, cherche à savoir ce qui se passe réellement dans une institution publique financée par l’argent des Français. Or il s’en passe des choses et, ironie, la « police des idées » que M. Mélenchon vitupère, existe bel et bien dans le monde universitaire où les islamo-gauchistes font régner un véritable terrorisme intellectuel. Preuve en est ce nombre impressionnant d’interventions ou conférences chahutées ou simplement interdites par des groupes de pression étudiants, plus ou moins approuvés, si ce n’est manipulés, par certains enseignants très accueillants à leurs idées dans leur enseignement (thèses, programmes, colloques et séminaires – ce que vise justement l’enquête demandée). En ont été victimes MM. Bensoussan, Val, Sifaoui, Rougier, Finkielkraut, etc. ; mais aussi Mme Agacinski et même Eschyle… In-ter-dits !
Comment ne pas penser, ici, au Soumission de Michel Houellebecq où le naufrage du monde universitaire est flagrant ? On y suit François, le narrateur, professeur de l’Université Sorbonne-Nouvelle. L’élection à la présidence de la République du candidat de « La Fraternité musulmane », facilitée par une sorte de front républicain, provoque la métamorphose islamique du pays et en particulier des universités : jusqu’à son collègue, Robert Rédiger, devenu recteur de la Sorbonne après conversion et polygamie assumées.
La leçon est limpide : la peur, le déni et/ou la mauvaise conscience face à l’islam(-isme) conduisent à la soumission. Rien n’est certes joué mais l’ennemi est très fort. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Nos politiques sont déjà malheureusement déjà soumis .Si un réveil national ne se produit pas rapidement ,nous le serons probablement aussi dans un avenir proche .
Ajoutons que Mme Vidal a reçu samedi dernier le soutien de M. Blanquer, son ministre de tutelle.
« Ce serait absurde de ne pas vouloir étudier un fait social. Si c’est une illusion, il faut étudier l’illusion et regarder si cela en est une. Pour ma part je le vois comme un fait social indubitable », a affirmé M. Blanquer sur BFMTV, estimant que « certains essayent toujours de minimiser ce projet politique ».
Surtout ne pas relâcher la pression (bis).