Par Gérard POL.
Les Français ont donc ressenti le terrible incendie de Notre-Dame comme un drame national.
Mais plus qu’un drame comme un autre, plus qu’un drame comme tant d’autres. Une peine collective. Une tristesse partagée. Le regret et le sentiment d’une perte matérielle et plus encore immatérielle : celle d’un bien très précieux venu d’une France très lointaine, et où se sont pourtant déroulés quelques-uns des événements essentiels de notre histoire récente. Des événements du temps passé et du temps présent qui parlent à nos mémoires personnelles et émeuvent le cœur de tous. Cette permanence de Notre-Dame dans le temps long, le fait qu’elle témoigne toujours de l’héritage des siècles, dressée comme immuable au cœur de la Ville aux bouleversements inquiétants, le fait qu’elle demeure si singulièrement présente à la vie des Français d’aujourd’hui, qu’elle soit vivante après tant de siècles dont elle garde toutes les gloires et toutes les beautés, est source de respect, d’admiration, et même d’une sorte d’affection immémoriale, partagée par un très grand nombre de Français, jeunes ou vieux, pauvres ou riches, chrétiens ou non. Croyants ou non.
On a vu, depuis hier, Notre-Dame apparaître comme un bien commun par excellence, dans un pays qui semble n’en avoir plus guère. Ainsi, hier mardi, l’excellent site Atlantico résumait l’événement en titrant un article de Bertrand Vergely : « Incendie de Notre-Dame : et notre mémoire ancestrale fit irruption dans la post-modernité ». Cette irruption, éclipsant tout, est aussitôt devenue le centre du débat public. Le centre d’une amitié nationale jamais vraiment abolie et transcendante au fardeau du quotidien.
Reporté le discours d’Emmanuel Macron de lundi soir que l’on attendait religieusement depuis des jours. Reportée sa conférence de presse prévue ce mercredi. Le sort de Notre-Dame a pris naturellement le pas dans l’esprit et le cœur du pays sur les paroles contingentes que l’on y aurait entendues. La survie de Notre-Dame de Paris s’est révélée instantanément d’une dimension tout autre. Et le Président de la République, en radicale contradiction avec nombre de ses propos offensants pour la France, a eu raison de déclarer que Notre-Dame est « au centre de notre destin profond ». Ainsi, nous aurions un « destin profond » ! Dans l’épouvante des flammes de Notre-Dame, c’est cela la bonne nouvelle de ces jours-ci.
La France ressemble à Notre-Dame. Elle est en flammes, fissurée, fragilisée, effondrée, torturée. Peut-être trahie. Spontanément, la France retrouve dans l’instant le sens de son destin profond. Pas n’importe lequel. Celui que définit son histoire. Il est possible qu’elle ne demande, elle aussi, sans trop le savoir, qu’à être redressée, restaurée, reconstruite. Qu’à se retrouver. Il n’est pas interdit – il est même peut-être commandé – de persévérer dans cette espérance. ■
[Archives – Article publié le 17 avril 2019].
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Cette puissante tribune n’a pas pris une ride. La « post modernité » s’affiche de plus en plus clairement comme le temps des cataclysmes. Souhaitons que le confinement aide chacun à en prendre conscience.