Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Il aurait donc bien caché son jeu. Ne voilà-t-il pas, en effet, que M. Biden, affublé par M. Trump du surnom de Sleepy Joë, vient de donner l’exemple d’une diplomatie bien peu diplomatique !
D’abord en insultant M. Poutine, un « tueur » à qui il compte bien « faire payer » tout ce que l’Amérique croit pouvoir lui reprocher (son attitude envers l’Ukraine, son ingérence dans les deux dernières élections présidentielles, l’emprisonnement de M. Navalny, etc.) ; ensuite en mandatant pour la rencontre sino-américaine d’Anchorage MM. Blinken (secrétaire d’Etat) et Sullivan (conseiller à la sécurité nationale) qui s’y sont montrés particulièrement critiques voire agressifs avec leurs homologues chinois (répression de Hong-Kong, menaces sur Taïwan, génocide des Ouïghours, mesures économiques hostiles, etc.).
Les professionnels du droit-de-l’hommisme se bercent de l’illusion que le slogan America is back pourrait bien signifier le retour (mais ce mot « retour » est-il bien choisi ?) d’une « Amérique des valeurs ». La double et si brutale démarche de la semaine dernière ne serait donc pas une faute mais répondrait à un calcul, mélangeant éthique et politique. On aimerait savoir dans quelles proportions. On aurait aussi des raisons de s’inquiéter. En effet, depuis que, suite à l’implosion de l’U.R.S.S., les cartes ont été rebattues à leur profit, les Etats-Unis se sont lancés, avec ou sans leurs alliés, dans quelques aventures militaires aux conséquences catastrophiques que l’on sait. Et ils l’ont fait à leur convenance, en instrumentalisant plutôt qu’en servant la morale et sachant mentir à l’occasion.
Certes, la situation géopolitique a évolué, davantage encore depuis que le vice-président de M. Obama, M. Biden donc, pouvait dire : « Ce n’est jamais un bon pari que de miser contre l’Amérique. » Si les Etats-Unis restent « la » superpuissance, ils ne maîtrisent plus la totalité du jeu dans un monde devenu multipolaire et d’ailleurs sans plus aucune règle du jeu. Or, à Moscou comme à Pékin, on semble considérer que les démocraties occidentales, Etats-Unis en tête, minées de l’intérieur, sont sur un déclin irréversible. On peut comprendre alors que M. Biden, désormais président et soucieux de sa propre image, cherche à faire passer, et vite, un message contraire : l’Amérique, en train de vaincre la crise sanitaire et de relancer son économie, entend être à nouveau respectée, voire obéie.
Mais est-ce bien réaliste ? Russes et Chinois ne semblent pas effarouchés. M. Poutine a su faire preuve de flegme et d’ironie : après un classique rappel d’ambassadeur, il vient de proposer à M. Biden, ce qui est surprenant, une conversation téléphonique qui serait retransmise en direct. Notons qu’il pourrait à bon droit s’y plaindre de toutes les attentions inamicales dont son pays a été victime de la part des Etats-Unis depuis 1991. Cette façon de prendre les choses montre plutôt que la Russie ne constitue pas un réel danger pour les Etats-Unis et leurs alliés qu’elle ne menace en rien.
Ce n’est en revanche pas le cas de la Chine dont l’ambition de supplanter les Etats-Unis est une évidence – au point que la possibilité même d’un conflit militaire classique en mer de Chine, autour de Taïwan, est un scénario désormais sérieusement retenu par les experts militaires. D’ailleurs, c’est dans un registre musclé, qui souligne bien qu’ils entendent traiter d’égal à égal avec les Américains, que les Chinois ont dénoncé la condescendance et l’hypocrisie de ces derniers, lesquels à Anchorage se seraient arrogé le droit de « promouvoir leur démocratie dans le reste du monde » et de donner des leçons alors qu’ils ont leurs propres problèmes.
Au moment où ils ont tellement de mal à quitter un Afghanistan où ils se sont embourbés, on voit mal les Etats-Unis de M. Biden chercher vraiment quelque confrontation que ce soit dans quelque domaine que ce soit avec Russes et/ou Chinois. M. Biden montre ses muscles, c’est de bonne guerre, mais c’est sans doute tout. En tout cas pour le moment. Cependant, un risque existe forcément à terme. Aussi la question est-elle posée de savoir dans quelle mesure les Européens, via l’U.E. et l’OTAN, seraient alors impliqués et quel serait le prix à payer. ■
** Agrégé de Lettres Modernes.
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© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
« Bizarrement », l’on n’entend plus les journalistes du Système, l’on n’entend plus parler de censure par twitter, qui s’acharnaient contre Donald Trump. Pourtant il y aurait, Là, beaucoup à dire. La manipulation de l’oligarchie éclatait au moment du dénigrement systématique et grotesque de Trump, le silence actuel confirme cette manipulation.