Cette photo a fait le tour du monde, en tout cas de l’Europe, cette dernière, à l’aune bruxelloise ne comptant plus pour grand-chose à l’échelle planétaire, c’est à dire à l’aune des rapports de force, les seuls qui comptent, une fois prononcés et immédiatement oubliés, les mots magiques et creux que l’on sait.
Henri Guaino en a dit ceci : « Si cette image d’Erdogan et Von der Leyen était un tableau, le titre qui lui conviendrait serait “Soumission” ». Les titres de Houellebecq, eux, font désormais la loi du débat public. Tant mieux : ils peuvent ouvrir les yeux clos. Quelques-uns, du moins.
Peu d’heures ont passé depuis cet épisode grotesque et beaucoup d’encre a coulé de même qu’un flot de paroles médiatiques. Le Français moyen ne nous donne pas le sentiment d’en avoir été autrement surpris : « L’Europe » accumule depuis des mois les démonstrations de son incapacité. Une de plus, une de moins, se dit-on dans la France d’en bas, plus sage que les élites, surprises d’accumuler les déconvenues, ou feignant de l’être. En outre, désormais, pour des millions de Français les critiques d’Eric Zemmour, ses explications du soir sur CNews, portent dans des proportions inégalées à ce jour.
Nous épargnerons au lecteur de JSF, la reprise des raisons systémiques, structurelles, originelles, économiques, géopolitiques, culturelles, pour lesquelles l’Europe des commissions et des commissaires de Bruxelles, ne peut se constituer comme puissance. Nous l’avons dit et redit et les preuves abondent. Dont cette dernière qu’on n’a rien trouvé de mieux que de baptiser sofagate, autre manifestation de notre soumission, au grand impérium protecteur, celui d’Outre-Atlantique, cette fois.
Pour être puissant, encore faut-il, selon la formule gaullienne, qu’il y ait un Chef et qu’il y ait un Etat. Nous ajouterons, ce qui va de soi, qu’il y ait un peuple, une nation, une culture. Eventuellement une civilisation. Que cela nous plaise ou non, Erdogan, ou quelque successeur qu’il pourrait avoir, dispose de ces ingrédients de la puissance. Ils sont au mode turc, pas au nôtre, L’Europe n’a ni chef ni État, elle a même rejeté les éléments communs de sa culture ou de sa civilisation et refusé de les nommer. On a cru – ou fait croire – qu’additionner des Etats répondrait au vieil adage L’Union fait la force. Oui, à condition d’être unis, rappelle invariablement Zemmour. Et jamais peut-être dans son histoire, l’Europe n’a été plus désunie qu’aujourd’hui.
Les Turcs, dont Erdogan, nourris de leur histoire, jusqu’à l’exaltation, rêvent de rebâtir l’empire ottoman et le califat, auxquels Atatürk avait renoncé au début du siècle passé. Cet empire, ce califat qui ont si souvent menacé l’Europe chrétienne et qui furent proches, deux ou trois fois, de l’anéantir, ont ressurgi dans leurs mémoires et animent leur volonté politique. Nous vivons au siècle des nations, pas des conglomérats, pas du seul marché. Il faut s’en faire une raison ! Il faut relire Maurras !
Pour eux, pas pour nous qui sommes aux mains des commissaires, il s’agit bien d’un choc de civilisation et d’organiser, Turcs, en tête, un grand retour de l’Islam-puissance. Que Madame Ursula von der Leyen, ait été reléguée sur un sofa, à Ankara, loin de MM. Erdogan et Michel, en tête à tête, atteste, bien-sûr, de la volonté de la partie turque d’humilier l’Union Européenne, mais cela résulte tout autant de ce qu’elle est une femme.
Il paraît qu’elle ne sut dire que Heu ! Heu ! ou quelque chose d’approchant, et Charles Michel crut préférable de ne pas relever l’affront. L’épisode nous a rappelé cette remarque lue dans un roman de Marc Dugain :« un canapé profond, quand on s’y installe, on ne sait pas si on aura le courage de s’en extirper un jour. » (En bas, les nuages).
Un autre sens est sans-doute à donner à la photo qui est désormais connue de millions d’Européens : en désignant Charles Michel comme son interlocuteur véritable, Erdogan privilégie le Conseil des vingt-sept chefs d’Etats qui constituent l’Union Européenne plutôt que la présidente de la Commission, qui a statut de fonctionnaire au service de ladite Union. Si peu que soit Charles Michel, Erdogan n’a pas tort : Michel se trouve là en tant que représentant des Etats et de leurs Chefs. Des réalités, malgré tout, fussent-elles fourvoyées dans un impossible système.
Il faut relire Maurras ! Que ce soit bien ou non, nous vivons à l’heure des nations. Sur ce sujet turco-européen, comme sur les autres, qui agitent le monde. G.P.
Les articles d’Henri Guaino (un entretien) et Céline Piana publiés dans FigaroVox méritent d’être lus…
Henri Guaino: «Si cette image d’Erdogan et Von der Leyen était un tableau, le titre qui lui conviendrait serait “Soumission”»
Ursula von der Leyen à Ankara: «Erdogan pense pouvoir tout se permettre parce que l’Europe est prête à tout lui céder»
En septembre 2016, rencontre « entre hommes » : Jean-Claude Juncker, Donald Tusk et Recep Tayyip Erdogan
On continue à baisser la culotte ! L’Europe est devenu un conglomérat de technocrates incapables et impuissants