Par Antoine de Lacoste.
Il y a bien longtemps que Russes et Syriens subissaient des coups de main islamistes venus du désert. Difficiles à repérer dans ces étendues caillouteuses parsemées de grottes et d’accidents de terrain propices aux caches, plusieurs centaines de djihadistes surgissaient tout à coup pour attaquer barrages ou convois de l’armée syrienne. Depuis début 2020, les Russes ont reconnu deux morts et l’on évalue les pertes iraniennes à 150 morts et les pertes syriennes à 1200 morts. C’est beaucoup pour une armée déjà exsangue.
Les attaques pouvaient se produire aussi bien à l’est qu’à l’ouest de Palmyre, cette dernière étant maintenant parfaitement sécurisée depuis l’installation d’une base russe.
Des renseignements parvenus ont fait état de projets d’attaques d’envergure élaborés à partir de bases camouflées. Après plusieurs recoupements le ministère russe de la Défense a annoncé lundi 19 avril l’intervention de l’aviation : « Les forces aériennes russes ont effectué plusieurs frappes à la suite desquelles deux abris ont été détruits et environ 200 combattants tués. » Les Russes précisent encore que « 24 pick-up équipés de mitrailleuses lourdes et environ 500 kg de munitions et de composants pour la fabrication d’explosifs improvisés » ont également été détruits.
L’affiliation de ces djihadistes n’a pas été précisée mais il serait logique qu’il s’agisse de membres de Daech, ceux-ci s’étant réfugiés en nombre dans le désert syrien après les derniers combats perdus de Baghouz en mars 2019.
Toutefois, le communiqué russe donne une précision étonnante : il dit que ces combattants ont été formés dans plusieurs régions « y compris dans la zone d’Al-Tanf qui est contrôlé par les forces américaines ». Rappelons que les Américains occupent en toute illégalité une partie de la Syrie : tout d’abord une vaste zone à l’est de l’Euphrate lui permettant d’exploiter la plupart des puits de pétrole syriens avec leurs alliés kurdes. Ce fait est bien connu.
Mais les Américains ont également construit au sud de la Syrie, le long de la frontière jordanienne, une vaste base appelée Al-Tanf. La plus grande discrétion règne sur le sujet et personne ne peut s’approcher de cette base. On sait juste qu’un nombre indéterminé d’ex « rebelles » y ont trouvé refuge après leur défaite contre l’armée syrienne. Qu’y font-ils ? Mystère. Mais cette accusation russe assez explicite est intéressante. Elle témoigne bien sûr d’une montée croissante des tensions entre les deux pays depuis l’élection de Biden mais aussi, les Russes ne parlant jamais au hasard, d’un possible regain d’intérêt des Américains pour déstabiliser à nouveau la Syrie.
Décidemment la guerre en Syrie, qui implique un nombre impressionnant de participants extérieurs peut encore provoquer bien des surprises. Mais deux choses sont certaines : les Russes tiennent la main et ne la lâcheront pas et les Américains n’ont pas l’intention de laisser la Syrie se reconstruire sous la houlette russo-iranienne. ■
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