TRIBUNE – Le comte de Paris, explique pourquoi le président de la République doit s’incliner sur la tombe du vainqueur d’Austerlitz le 21 mai.
« La première bataille que doit livrer notre France aujourd’hui est un combat sur elle-même, c’est le désir d’ÊTRE. »
Napoléon Bonaparte meurt le 5 mai 1821. Quoi qu’on pense de lui, il est une des grandes figures de notre histoire. Nous sommes ses héritiers, pour le meilleur et pour le pire ; nous le sommes de nos cinq Républiques comme de la Révolution française, des quarante rois qui ont fait la France et de la Gaule romaine.
Napoléon, c’est aussi l’un des noms français les plus connus dans le monde avec celui de Victor Hugo ou de Jeanne d’Arc, un nom dont la puissance nous aide encore à rayonner malgré notre déclin relatif. C’est aussi un nom admiré par les peuples mêmes qui l’ont vaincu. Le commémorer, c’est s’unir. Lui rendre honneur, c’est rendre honneur au peuple français, se rendre honneur à soi-même.
Le roi Louis-Philippe ne s’y trompe pas lorsqu’il décide et obtient de la Grande-Bretagne le retour des cendres de l’Empereur. Il charge le prince de Joinville, celui de ses fils qui s’illustra dans la marine, d’aller chercher sa dépouille à Sainte-Hélène et de l’escorter jusqu’à Paris.
En 1840, 25 ans après la défaite de Waterloo et la Restauration, c’était une décision audacieuse, d’une grande intelligence politique et d’une modernité étonnante ; quand tant de grognards ou fils de grognards étaient encore en vie comme les opposants à l’Empire, des jacobins aux ultras en passant par les libéraux. Quelle émotion, quel risque aussi de rallumer nos querelles intestines! Et pourtant, ce retour des cendres, l’ensevelissement de l’Empereur aux Invalides, «au bord de la Seine, au milieu du peuple français que j’ai tant aimé» (Napoléon Bonaparte), forme l’un des actes marquants de notre conscience nationale.
C’est d’ailleurs dans ce même esprit que Louis-Philippe entreprend la sauvegarde du château de Versailles et dédicace son musée «à toutes les gloires de la France».
Cette largeur de vue doit nous inspirer aujourd’hui. La France traverse une période de doutes, de difficultés sociales et matérielles. Elle ne croit plus en la force de son destin. Des territoires entiers sont abandonnés. Nous ne savons plus intégrer les nouvelles générations de ceux qui sont venus chercher sur notre sol une vie meilleure.
Ce n’est pas la première fois que notre pays doit affronter des épreuves. Pour construire l’avenir, retrouvons le temps long et puisons dans nos propres fondements.
L’unité du pays ne peut se maintenir sans l’attachement à cet héritage millénaire qui nous apprend à regarder vers l’avenir en le façonnant pas à pas, dans un esprit de civilisation et avec un sens profond de l’homme.
Si le génie de la France est de tendre à l’universel, comme le veut notre pacte national, alors célébrons avec nos différences la fierté et la joie d’être français, et donnons à nos enfants le goût de la vie et la foi en l’avenir.
Oui, nous devons commémorer Napoléon. Oui, le chef de l’État, chef des armées, doit aller s’incliner sur la tombe du vainqueur d’Austerlitz.
C’est le descendant d’un combattant de Jemmapes qui vous le dit, mais aussi de Bouvines et de bien d’autres batailles. La première bataille que doit livrer notre France aujourd’hui est un combat sur elle-même, c’est le désir d’ÊTRE. ■
Le Prince a raison. Avec une parfaite intelligence de la situation face aux déconstructeurs de notre Histoire. Dont le Chef de l’Etat. Merci, Monseigneur.
Je remercie le Comte de Paris de sa tribune courageuse sur la nécessité de ne pas effacer notre histoire et sa volonté de réconcilier les différentes sensibilités qui ont façonné notre pays. Et je l’en remercie.
Puis -je quand même faire une remarque, qui concerne plus le passé que l’actualité plus brûlante à propos de son ancêtre Louis-Phillipe. ?
On se réconcilie avec les hommes, avec une idéologie, c’est parfois plus difficile, pour ne pas dire impossible. Louis XVIII a su utiliser avec bonheur les Ministres les plus lucides de l’Empire, Fouché en 1815 et Talleyrand en 1814, qui au nom de l’intérêt bien compris de la France, l’ont aidé à préparer son retour pour pacifier une France exsangue.. Louis Philippe saura aussi s’aider du talent diplomatique du grand négociateur du Traité de Vienne pour renouer les liens avec l’Angleterre, donc s’inscrire dans une continuité pacifique d’équilibre européen. ; .
Mais je ne suis pas sûr que le retour des cendres de Napoléon, voulu par Louis-Philippe dans un souci de réconciliation fusse une bonne idée. Ce geste n’a-t-il pas nourri la nostalgie de l’Empire, nostalgie qui pèse sur notre histoire tout au long du 19 siècle et au-delà. Il est possible, souhaitable pour un Roi de de se réconcilier avec les hommes, donc les grognards, mais est-il possible de réconcilier avec une idéologie, qui n’a cessé de combattre le régime que Louis-Philippe incarnait. Ce Roi ne s’est-il pas alors tiré une balle dans le pied ? On peut en discuter. Et surtout de flirter avec la dangereuse hubris napoléonien, déjà reconnue et dénoncée par ses deux ministres cités plus haut dès 1810, qui nous a coûté si cher en 1870, la désastreuse entrée en guerre et puis après l’enchainement jusqu’en 1945
Peut-être pourrait-on lire ou relire Bainville bien sûr, mais aussi « Achevez Clausewitz » de René Girard pour mesurer les enjeux de « cette montée au extrêmes » que R. Girard date de la bataille de Iéna ? Ou d’un historien volontairement oublié l’italien Guglielmo Ferrero, qui est mort de chagrin des convulsions de l’Europe dont il date l’origine aux journées de juillet 1789 et de la vacance du pouvoir légitime qui s’ensuivit ?
Loudi Philippe fut courageux quand il quitta la France après Jemmapes, quand il vit le sort réservé au Roi Louis XVI , et quand il écrivit cette lettre à son père le Duc d’Orléans pour lui reprocher de n’avoir pas sauvé le Roi légitime. ( C’est raconté dans le film « l »Anglaise et le Duc « de Rohmer.) .
Comme tout Roi, Louis-Philippe a eu sa part de gloire et d’ ombres. Et si nous sommes indéfectiblement attaché et fidèles à son descendant, que nous aimons, c’est aussi en vertu des paroles du Comte de Chambord, qui nous les a désignés.
Puis- encore faire une remarque ? A Saint Pétersbourg tous les Tsars depuis Pierre le Grand sont honorés et leurs statues s trônent aux plus carrefours les plus en vue de la ville. Certes, Lénine garde sa statue mais en périphérie. Et en France ? A part Louis XIV , aucune statue à Paris de Louis XV, Louis XVI, du malheureux Luis XVII, ni bien sûr de louis XVIII, Charles X, et Louis – Philippe. Aucun ne mérite cette injustice. Ne déboulonnons pas les statues de Napoléon, mais rendons justice à nos Rois et suivons la leçons de nos amis Russes, qui eux ont su dépasser leurs divisions.