Par Henri Peter.
Il s’agit là d’un intéressant commentaire reçu le 29 avril, à la suite de notre publication dont voici le lien :Tribune du Comte de Paris dans le Figaro de ce jour : « La France a besoin de commémorer le bicentenaire de la mort de Napoléon » –
Je remercie le Comte de Paris de sa tribune courageuse sur la nécessité de ne pas effacer notre histoire et sa volonté de réconcilier les différentes sensibilités qui ont façonné notre pays. Et je l’en remercie.
Puis -je quand même faire une remarque, qui concerne plus le passé que l’actualité plus brûlante à propos de son ancêtre Louis-Phillipe. ?
On se réconcilie avec les hommes, avec une idéologie, c’est parfois plus difficile, pour ne pas dire impossible. Louis XVIII a su utiliser avec bonheur les Ministres les plus lucides de l’Empire, Fouché en 1815 et Talleyrand en 1814, qui au nom de l’intérêt bien compris de la France, l’ont aidé à préparer son retour pour pacifier une France exsangue.. Louis Philippe saura aussi s’aider du talent diplomatique du grand négociateur du Traité de Vienne pour renouer les liens avec l’Angleterre, donc s’inscrire dans une continuité pacifique d’équilibre européen.
Mais je ne suis pas sûr que le retour des cendres de Napoléon, voulu par Louis-Philippe dans un souci de réconciliation fut une bonne idée. Ce geste n’a-t-il pas nourri la nostalgie de l’Empire, nostalgie qui pèse sur notre histoire tout au long du 19 siècle et au-delà. Il est possible, souhaitable pour un Roi de de se réconcilier avec les hommes, donc les grognards, mais est-il possible de réconcilier avec une idéologie, qui n’a cessé de combattre le régime que Louis-Philippe incarnait. Ce Roi ne s’est-il pas alors tiré une balle dans le pied ? On peut en discuter. Et surtout de flirter avec la dangereuse hubris napoléonienne, déjà reconnue et dénoncée par ses deux ministres cités plus haut dès 1810, qui nous a coûté si cher en 1870, la désastreuse entrée en guerre et puis après l’enchainement jusqu’en 1945
Peut-être pourrait-on lire ou relire Bainville bien sûr, mais aussi « Achevez Clausewitz » de René Girard pour mesurer les enjeux de « cette montée aux extrêmes » que R. Girard date de la bataille de Iéna ? Ou d’un historien volontairement oublié l’italien Guglielmo Ferrero, qui est mort de chagrin des convulsions de l’Europe dont il date l’origine aux journées de juillet 1789 et de la vacance du pouvoir légitime qui s’ensuivit ?
Louis-Philippe fut courageux quand il quitta la France après Jemmapes, quand il vit le sort réservé au Roi Louis XVI , et quand il écrivit cette lettre à son père le Duc d’Orléans pour lui reprocher de n’avoir pas sauvé le Roi légitime. ( C’est raconté dans le film « l’Anglaise et le Duc « de Rohmer.) .
Comme tout Roi, Louis-Philippe a eu sa part de gloire et d’ ombres. Et si nous sommes indéfectiblement attachés et fidèles à son descendant, que nous aimons, c’est aussi en vertu des paroles du Comte de Chambord, qui nous les a désignés. (Les Princes d’Orléans).
Puis- encore faire une remarque ? A Saint Pétersbourg, tous les Tsars depuis Pierre le Grand sont honorés et leurs statues s trônent aux carrefours les plus en vue de la ville. Certes, Lénine garde sa statue mais en périphérie.
Et en France ? A part Louis XIV , aucune statue à Paris de Louis XV, Louis XVI, du malheureux Luis XVII, ni bien sûr de louis XVIII, Charles X, et Louis – Philippe. Aucun ne mérite cette injustice. Ne déboulonnons pas les statues de Napoléon, mais rendons justice à nos Rois et suivons la leçons de nos amis Russes, qui eux ont su dépasser leurs divisions. ■
Les réflexions Henri Peter montrent la complexité de notre rapport à notre Histoire.
– Ce qu’il faut exclure, c’est la censure de notre Histoire ; les erreurs de nos dirigeants n’ont pas à être mises comme poussières sous le tapis. L’idéocratie, c’est de reconstruire le passé comme dans 1984 de Georges Orwell. Je dirais presque : « nous assumons tout », si je savais ce qu’assumer voulait dire. Nous devons reconnaître l’ombre et la lumière.
– Mais « la tradition est critique »; on ne mettra pas sur le même plan ce qui rate et ce qui réussit. L’empirisme organisateur permet de hiérarchiser l’heure des actions passées. Si le critère est le bien commun, « les 100 jours » sont impardonnables.
On peut ressentir la gloire des grandes épopées, mais de deux chefs d’Etats qui ont tous deux dû composer avec la royauté et la révolution, l’intelligence classera Louis XVIII bien au-dessus de Napoleon.