PAR PIERRE BUILLY.
À l’aube du cinquième jour de Giuliano Montaldo (1969).
La discipline, force principale des armées…
Introduction : la débâcle allemande. Un camp est récupéré par des Canadiens pour accueillir les prisonniers. Deux civils allemands, Bruno Grauber et Reiner Schultz, qui sont en fait des déserteurs, ont réussi à se faire engager par le capitaine canadien Miller. Regroupés autour du colonel von Bleicher, les détenus allemands exigent de Miller le droit d’exécuter les deux déserteurs. Sous la pression de son supérieur, le général Snow, l’officier abandonne les deux hommes. Cinq jours après la proclamation de la fin du conflit, les deux hommes sont fusillés à l’aube par les captifs allemands, à qui les Canadiens ont prêté armes et munitions…
La guerre est finie ! beugle le malheureux Bruno Grauber (Franco Nero), qui n’y comprend rien quand ses compatriotes le bouclent avec son camarade Reiner Schultz (Larry Aubrey) dans une cage d’isolement. Mais non, pauvre couillon, la guerre n’est pas finie… Est-ce qu’on démobilise le jour de l’armistice ou même le jour de la capitulation ? Est-ce que les hommes reviennent dans leurs foyers ? Est-ce que la justice militaire cesse de fonctionner pour sanctionner pillages, viols et… désertions ?
Ceci qui est volontairement provocateur pour bien marquer qu’il n’y a rien qui m’ait étonné dans À l’aube du cinquième jour sinon le concours prêté par l’armée canadienne qui garde le camp de prisonniers allemands pour exécuter les deux pauvres types qui ont cru, l’un par roublardise, l’autre parce qu’il n’a pas vingt ans, pouvoir se sortir du merdier avant les autres. On me dira, ce qu’on dit toujours, que la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique, ce qui ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick.
La guerre est un fléau affreux, épouvantable, monstrueux, mais aussi inévitable que les raz-de-marée, éruptions volcaniques, tremblements de terre, épidémies, famines et tout le tremblement qui ravagent la pauvre humanité. Je ne crois pas qu’on ait trouvé beaucoup mieux que l’Armée pour gagner les guerres et ses conditions de fonctionnement ne sont pas et ne peuvent pas être celles qui régissent la Société quand elle est en paix (état forcément et structurellement provisoire).
Rien qui me choque dans l’organisation disciplinaire du camp : il est assez normal que les tentatives d’évasion faites par quelques individualistes soient réprimées parce qu’elles risquent de mettre en péril les conditions de vie de leurs 3000 camarades et, surtout, l’unité des prisonniers. Je ne dis pas que c’est juste, je dis que c’est normal.
Mais ce qui me paraît terrifiant – puisque l’histoire est vraie – c’est que le commandement canadien n’ait pas pris la seule décision qui s’imposait : exfiltrer les deux déserteurs et les transférer dans un autre camp où leur histoire n’aurait pas été connue par leurs compatriotes. Je ne vois pas en quoi la chose aurait été impossible. Cette absurdité me plombe un peu le film. Mais c’est là qu’il faut évoquer la contagion du Mal et finalement au bout d’un conflit épouvantable, au milieu des ravages, la banalisation de l’horreur.
Le réalisateur Giuliano Montaldo tient un discours complexe, intelligent, subtil mais me semble ne pas avoir les moyens de le faire d’une façon vraiment satisfaisante. Est-ce que c’est sa vraisemblable orthodoxie marxiste, par exemple, qui l’empêche de donner à ses personnages un peu de substance humaine ?
On les voit comme des archétypes souvent caricaturaux ; le jeu des acteurs n’est pas en cause, mais sans doute la volonté démonstrative gage apparent d’objectivité, en fait grande sécheresse, un peu comme pour Sacco et Vanzetti, où j’avais déjà noté ce travers, qui rend moins efficace un discours d’une certaine richesse.
L’édition DVD est assez médiocre ; les images sont à mes yeux, pourtant généralement indulgents là-dessus, ternes et grumeleuses. Le parti de faire parler tout le monde – Allemands, Canadiens, Bataves – en italien, m’a agacé à plusieurs reprises. Et les beaux thèmes musicaux d’Ennio Morricone ne sont vraiment pas mis en valeur : curieux aveuglement.
Mais c’est un film qui donne à réfléchir. ■
DVD autour de 16 €
Même thème que le film « black book », de Verhoeven.
Ce n’est pas à quoi spontanément j’aurais pensé. « Black book », de Paul Verhoeven, cinéaste outrancier, complexe et intelligent, met en scène principalement un personnage féminin et son action se développe sur fond de résistance, de collaboration, d’ambiguïtés, de cas de conscience. Soon intrigue et très rriche et assez touffue.
Mais de fait, c’est un excellent film. Voici la notice Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Black_Book
et ce que j’ai écrit dessus : http://www.impetueux.com/black-book/
La fin est identique. L’officier allemand qui a été suborné par la belle juive est fusillé pour trahison, après la capitulation, à la demande d’un général SS, qui réclame l’application du droit des traités réglant les relations entre armées victorieuses et vaincues. Black book a fait scandale aux Pays-Bas, pour différentes raisons.