Par François Marcilhac.
Le comte et la comtesse de Paris ont honoré de leur présence les cérémonies du bicentenaire de la mort de Napoléon, le 5 mai, en assistant à la messe à Saint-Louis des Invalides, en sa mémoire et en celle des soldats de la Grande Armée.
Dans sa tribune du 28 avril dernier au Figaro, le prétendant au trône de France avait dit le principal en déclarant : « Quoi qu’on pense de lui, il est une des grandes figures de notre histoire. […] Napoléon, c’est aussi l’un des noms français les plus connus dans le monde avec celui de Victor Hugo ou de Jeanne d’Arc, un nom dont la puissance nous aide encore à rayonner malgré notre déclin relatif. C’est aussi un nom admiré par les peuples même qui l’ont vaincu. Le commémorer, c’est s’unir. Lui rendre honneur, c’est rendre honneur au peuple français, se rendre honneur à soi-même. » Les propos du Prince tranchaient avec la médiocrité du débat qui a entouré les commémorations de ce bicentenaire.
Ce même 28 avril, cette fois sur Causeur [1], interrogé par Frédéric de Natal, il avait encore déclaré : « Il faut accepter le fait que nous sommes les héritiers d’une histoire complexe, héritiers de la Gaule romaine, de nos 40 rois de France, mais aussi de la Révolution française ou des cinq républiques. L’épopée napoléonienne fait partie de notre histoire et a contribué à forger notre conscience nationale, quelles que soient ses zones d’ombres. » Ajoutant, à propos de Louis-Philippe, qui avait fait ramener par son fils Joinville les cendres de Napoléon de Sainte-Hélène, en 1840 : « La volonté politique du roi Louis-Philippe a toujours été motivée par l’unité nationale et la nécessité d’une synthèse entre deux modèles, pré-révolutionnaire et post-révolutionnaire. Je pense que ce retour des cendres procède du même état d’esprit. […] N’oublions pas que Louis-Philippe a fait entièrement restaurer Versailles, qu’il en a fait le château que l’on connaît aujourd’hui et qu’il l’a doté d’une galerie des batailles qui est dédiée à toutes les gloires de la France y compris celles de Napoléon. »
Oui, c’est bien dans les traces de son aïeul que se situe le comte de Paris, comme, du reste, également dans celles de Louis XVIII qui, en 1815, se fit transporter sur le pont d’Iéna que les « Alliés » voulaient faire sauter comme évocation d’un mauvais souvenir. On sait avec quel courage il sauva le pont face au général Blücher. Averti par Decazes, qui raconte la scène, Louis XVIII lui répondit : « Vous, monsieur le préfet, faites savoir aux souverains que dans peu d’instants je serai sur le pont qu’on veut détruire, et qu’il sautera, moi dessus, si cette odieuse violation du droit des gens et des traités n’est pas arrêtée à temps. » Et Decazes de préciser : « Le roi rentra aux Tuileries aux acclamations d’un foule immense que son héroïsme avait électrisée. » C’est que, avant d’être une victoire napoléonienne, Iéna était aux yeux de Louis XVIII une victoire française.
On ne sera pas étonné non plus que le petit-fils de Louis-Philippe, Philippe VIII, fasse la synthèse de ce XIXe siècle de troubles en déclarant, à la Jeunesse royaliste de Paris, le 9 juin 1897, qui lui avait apporté un drapeau : « Ce drapeau marqua au siècle dernier l’union de la Maison de France et de la ville de Paris. Il est entre mes mains le symbole de l’apaisement social et de la concorde civique ; nous nous inclinons tous devant lui. […] toutes les victoires françaises me sont également chères, drapées aux couleurs de Rocroi, ou à celles de Valmy, ou à celles d’Iéna. » Rocroi, victoire de la monarchie ; Valmy, victoire précédant de peu l’instauration de la Ière République, victoire, aussi, à laquelle participa le jeune Louis-Philippe d’Orléans, futur roi des Français (comme il participera à Jemmapes) ; Iéna, enfin, victoire impériale. Philippe VIII ne pouvait pas mieux montrer sa volonté d’incarner l’histoire de France dans son ensemble, à la suite de Louis XVIII et de Louis-Philippe.
C’est dans cet héritage que s’inscrit Jean IV, déclarant toujours sur Causeur : « L’unité du pays ne peut se maintenir sans l’attachement à cet héritage millénaire qui nous apprend à regarder vers l’avenir en le façonnant pas à pas, dans un esprit de civilisation et avec un sens profond de l’homme. Si le génie de la France est de tendre à l’universel, comme le veut notre pacte national, alors célébrons avec nos différences la fierté et la joie d’être français, et donnons à nos enfants le goût de la vie et la foi en l’avenir. Oui, nous devons commémorer Napoléon. Oui, le chef de l’État, chef des armées, doit aller s’incliner sur la tombe du vainqueur d’Austerlitz. C’est le descendant d’un combattant de Jemmapes qui vous le dit, mais aussi de Bouvines et de bien d’autres batailles. La première bataille que doit livrer notre France aujourd’hui est un combat sur elle-même, c’est le désir d’ÊTRE… »
Quelle belle leçon d’unité nationale, tournée vers l’avenir, nous donne ainsi le Prince. Combien elle est loin, aussi, du discours de Macron à l’Institut, moins verbeux, certes, que d’ordinaire, mais dont la grandiloquence, manifestement nombriliste, a, parfois, frôlé le ridicule : « De l’Empire, nous avons renoncé au pire, de l’Empereur nous avons embelli le meilleur. » Il était bien la peine d’évoquer juste auparavant Hugo. Mais laissons au poète Macron la responsabilité de ses faux alexandrins et de ses rimes si riches. Tout en marchant sur des œufs, voulant en même temps satisfaire tout le monde, les déconstructeurs, les niveleurs, les destructeurs de statues, comme un public patriote qu’il ne veut pas froisser dans la perspective de 2022, il a, semble-t-il, toutefois, perçu l’essentiel du personnage, dans lequel il se retrouve : « La vie de Napoléon est d’abord une ode à la volonté politique. » Il a raison : c’est bien le volontarisme qui caractérise l’idéologie impériale, de l’oncle comme du neveu, un volontarisme qui s’est affranchi de la réalité, et de la première d’entre elles, celle du pré carré, pour le plus grand malheur de la France et de l’Europe. Comme le disait encore Louis-Philippe, opposant la sagesse capétienne, « sachant raison garder », au volontarisme qui caractérise le bonapartisme : « La politique qui a pour fin la conservation de la paix, ou en d’autres termes, la politique de la paix, abstraction faite de la question de droit, est en soi la plus haute et la plus vraie ; car elle poursuit un but qui est certain, précis. Au contraire, la politique des conquêtes tend vers un but qui s’éloigne à mesure qu’on l’approche. C’est un mirage trompeur. Un peuple conquérant voit s’agrandir sa tâche souvent au-delà de ses ressources. Ses conquêtes sont un abîme qui l’appelle. »
C’est une leçon que reprit Henri VI : « L’empire veut la domination universelle mais, faute de pouvoir tout étreindre, finit par succomber sous le poids de ses conquêtes. […] L’empire est belliqueux par nature, la nation par accident. L’empire ne connaît pas de bornes, la nation peut se savoir achevée, et sait se donner des limites. » Malicieusement, il notait aussi : « André Malraux, qui n’était pas royaliste, faisait remarquer au général de Gaulle qu’aucune défaite militaire n’avait détruit la légitimité monarchique. On sait ce qu’il advint de nos deux empires, et de la IIIe République… »
C’est une leçon que reprend également l’actuel comte de Paris. Tout d’abord, dans Un Prince français : « Je ne crois pas que la France soit un empire. C’est l’erreur de Napoléon. Il a dit, d’ailleurs, qu’il n’avait pas succédé à Louis XVI mais à Charlemagne. Pas aux Capétiens mais aux Carolingiens. C’est dire qu’il ne concevait pas la France comme une nation patiemment édifiée, mais comme le centre d’un conglomérat qu’elle aurait dominé. Or les empires sont des colosses aux pieds d’argile : ils ne durent pas et, quand ils s’effondrent, les peuples mettent des années à s’en relever. » Aujourd’hui : si le Prince accorde la gloire à Napoléon, il ajoute : « D’après moi, la France est plus un royaume qu’un empire et le modèle monarchique capétien me semble plus pertinent. » C’est pourquoi, en effet, à ce volontarisme, il convient, avec « le descendant d’un combattant de Jemmapes […], mais aussi de Bouvines et de bien d’autres batailles », d’opposer « le désir d’ÊTRE ».
On pense alors à ce mot de Bainville, que chacun connaît : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût probablement mieux valu que Napoléon n’eût pas existé. » Aujourd’hui, on pourrait dire : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il n’y avait probablement aucune bonne raison de commémorer ce bicentenaire. » Mais à condition d’ajouter aussitôt, pour répondre aux détracteurs de la France : « Il n’y en avait, en revanche, que de mauvaises de ne pas le faire. »
Ce « désir d’ÊTRE », le comte de Paris l’exprimera de la façon la plus haute en se rendant, ce samedi 8 mai, avec la comtesse de Paris, à la cérémonie religieuse célébrée chaque année à Orléans en l’honneur de Jeanne d’Arc, la sainte de la Patrie. C’est la première fois que le prétendant au trône de France assiste à cet office religieux, remarque l’Association universelle des amis de Jeanne d’Arc, qui l’a invité. ■
[1] https://www.causeur.fr/prince-jean-orleans-napoleon-bicentenaire-197628
ACTION FRANÇAISE
Il semble être le seul à se trouver au dessus du marasme social et donc le seul capable d’unir le militaire donneur d’alerte et le civil en attente.
Excellent texte !