Un article paru le 24.05 dans Causeur. C’est comme si Emmanuel Macron voulait infliger au pays, déjà plongé dans l’atmosphère délétère de la pandémie et dans les affres de l’insécurité, du terrorisme, du grand remplacement, demain, sans-doute d’une crise économique et sociale sans précédent, le spectacle de ses inconstances, de sa légèreté, et, en fait, d’une certaine inconsistance du plus mauvais goût, réel ou feint. Macron ajoute aux difficultés du pays. Est-il digne d’être Chef de notre État ? Ceux qui répondront non, ne sont pas des extrémistes. Bien plutôt une large majorité de Français normaux. . Il est normal que dans un tel contexte, une réaction monte de diverses strates et institutions du Pays Réel : des Armées, des Forces de l’Ordre, d’une frange grandissante des intellectuels et même de médias courageux qui gagnent chaque jour des parts d’audience.
Par Aurélien Marq*.
Un polytechnicien critiquant l’humour potache ? Quiconque connaît la tradition des gags du 14 juillet et la Khômiss vous dira que ce serait aussi incongru que McFly et Carlito à l’Elysée…. ça tombe bien !
Rendons d’abord à Nicolas ce qui est à Nicolas : on peut reprocher à Emmanuel Macron d’achever de désacraliser la fonction présidentielle alors qu’il avait affirmé vouloir lui rendre sa verticalité, mais il faut admettre qu’il ne fait que prolonger le mouvement. Avant lui, le président normal avait convaincu la France entière que si le chef de l’Etat n’est qu’une personne ordinaire, c’est que tout le monde peut être chef d’Etat et faire aussi bien, sinon mieux. Et on se souvient de Sarkozy et de son t-shirt du NYPD.
Au demeurant, on sait que les rois même les plus attachés au protocole ont longtemps eu un bouffon à leurs côtés, et s’il faut se demander si Macron n’en a pas fait trop, force est de reconnaître qu’on a vu pire. Il y a dans cette séquence avec McFly et Carlito un côté bon enfant qui manquait cruellement à la fameuse fête de la musique « brûlez cette maison », ou à cette photo terrible et pathétique d’un président de la République en sueur dans les bras d’un repris de justice faisant un éloquent doigt d’honneur. Et j’avoue trouver la (relative) décontraction d’Emmanuel Macron dans cette vidéo infiniment plus sympathique, et finalement bien plus respectueuse de sa fonction, que la grandiloquence hystérique d’un Mélenchon beuglant « ma personne est sacrée ».
Succession de clips publicitaires
Reste qu’il y a des contrastes signifiants, lorsqu’on compare le copinage souriant de Manu aux crises d’autoritarisme du président Macron. Le général De Villiers en a fait les frais, l’attitude récente du gouvernement face aux tribunes des militaires le confirme, et il ne faut pas oublier le mépris dont ont été abreuvés les Gilets jaunes, notamment ceux de la première heure, ceux qui exprimaient la souffrance et la colère du peuple, avant que le mouvement ne soit détruit de l’intérieur par l’extrême-gauche.
N’oublions pas non plus que chaque déplacement de ministre d’une certaine importance s’accompagne d’une débauche de moyens au service d’une obsession : qu’aucun manifestant ne puisse se retrouver à portée de caméra ou de micro des journalistes. Priorité perpétuellement donnée au récit des faits qui sera diffusé plutôt qu’aux faits, à l’image des choses plutôt qu’aux choses elles-mêmes. Plaudite, acta est fabula ! mais là où Auguste se fit un devoir d’incarner un rôle surhumain et d’en assumer le poids pour qu’il devienne la réalité, Emmanuel Macron se contente de jouer devant les caméras. Là où le premier Empereur proclama avec fierté que d’une ville de brique il avait fait une capitale de marbre, Manu Ier se contente de carton-pâte pour dissimuler l’état réel du pays.
Le passage régulier de Manu au président Macron, et vice versa, pourrait évidemment correspondre à une logique de bon sens : n’y a-t-il pas, après tout, un temps pour tout ? Mais non, de toute évidence : ce n’est, hélas, qu’une succession de clips publicitaires, chacun visant un public particulier. En parfaite cohérence avec ces conseillers qui consacrent plus de temps et d’énergie à décider de l’emplacement d’une estrade pour un discours qu’à étudier le fond du dossier dont il sera question lors de ce discours – quiconque a vécu un voyage officiel ministériel ces quatre dernières années saura de quoi je parle.
Bien joué, au demeurant : je comprends que le président préfère que le prochain 14 juillet soit accompagné d’un coupage de cheveux en quatre sans importance sur la présence de McFly et Carlito dans un avion de la Patrouille de France, plutôt que de réflexions sur ce que les militaires qui vont défiler peuvent bien penser, au-delà des discours convenus de certains chefs acquis au pouvoir, de tribunes désormais bien connues.
Loin du débat d’idées
Tout le monde a compris que la campagne pour les élections présidentielles a commencé depuis déjà quelques mois. La vidéo de McFly et Carlito est donc un clip de campagne, sans doute pour Emmanuel Macron lui-même, à défaut pour le candidat qu’il choisira d’adouber. Certes, l’utilisation des moyens de l’État au profit d’un candidat est désormais totalement banale, mais doit-elle pour autant être considérée comme normale ? Une chose est sûre : ce mélange des genres ne bénéficie aucunement au débat d’idées. Mais d’ailleurs, est-il encore vraiment question de débat d’idées ?
Car enfin ! Lorsque Marlène Schiappa suggère Cyril Hanouna pour animer le débat de l’entre-deux-tours, on est au stade ultime de la politique-spectacle. Le buzz plutôt que la réflexion, le nombre de likes attendus plutôt que la compétence, la télé-réalité plutôt que la démocratie réelle : si l’objectif était de permettre au citoyen de faire un choix lucide dans les meilleures conditions possibles, la ministre proposerait Christine Kelly ou Sonia Mabrouk.
Que faut-il en comprendre ? Est-ce que LREM cible ainsi son public, ce qui serait révélateur d’une certaine orientation politique ? Même pas. Segmentation en slogans ciblés et contradictions permanentes : le « en même temps » n’est pas la volonté de dépasser les clivages, mais un vulgaire aveu marketing en phase avec la vision de la France comme d’un patchwork de parts de marché, France morcelée, communautarisée, multiculturelle. « Il n’y a pas une culture française, il y a une culture en France et elle est diverse », on connaît la chanson, c’est celle des Bleus version Youssoupha et elle est nettement moins sympathique que les quelques notes de Marseillaise métal d’Ultra Vomit. À part peut-être le projet d’américanisation à marche forcée de la société française et donc sa fragmentation, LREM n’a pas plus de convictions ni de colonne vertébrale idéologique que la division marketing d’une multinationale.
Tout le pays commence enfin à comprendre l’impérieuse urgence de réaffirmer les principes sur lesquels nous ne transigerons pas, d’exiger l’assimilation, de rétablir l’autorité, d’inspirer à nos enfants le désir non de la seule popularité mais plutôt de l’excellence. Tout le pays constate l’évidence d’un divorce total entre les forces de l’ordre et l’institution judiciaire, et on évoque de plus en plus et de plus en plus sérieusement un risque de guerre civile. Mais le « président probable candidat », lui, n’a qu’une seule priorité et qu’un seul message à faire passer : « McRon, votez comme vous êtes. » ■
« Exiger l’assimilation »? Mais il ne suffit pas de l’exiger pour l’obtenir. Et si on ne l’obtient pas, que fait-on?
L’assimilation, faut-il encore qu’on la souhaite, qu’on l’accepte, avant même de l’exiger. Dans ce dernier cas, si on ne l’obtient pas, on vire les concernés, et si c’est difficile au moins on leur coupe les vivres, les avantages et tout. Nous ne sommes pas un moulin. Ou : nous devons cesser de l’être.