L’art de décrire de façon drôle, avec minutie et par le menu des situations incongrues et assez terribles qui mènent notre société droit dans le mur. C’est ce que réussit cet article paru dans Causeur le 11 juillet. Didier Desrimais a ce talent et nous conseillons de suivre ses écrits dans Causeur, dont ceux que nous reprenons parfois ici.
Par Didier Desrimais*.
En politique, il peut être avantageux de se jeter corps et âme dans des combats sans risques…
« Des “Centres d’archives LGBTQIA+” (sic) voient le jour un peu partout »
Après quelques pleurnicheries dans l’air du temps, la ville de Vannes se déclare ainsi “Zone de liberté LGBT”. Guillaume Auffret, conseiller LREM de Vannes et initiateur de la chose, est fier d’avoir grillé la politesse à des villes plus importantes : « Vannes se positionne en pointe de la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, avant Rennes, Nantes ou Brest. »
Ces dernières seraient-elles encore des lieux où une homophobie décomplexée autoriserait une discrimination affichée des « personnes homosexuelles, bisexuelles, trans, queer, intersexes, asexuelles » ? Ou, plus simplement, le conseiller municipal a-t-il voulu montrer à sa hiérarchie politique qu’en matière d’opération de communication et de pêche aux voix, les représentants LREM de Vannes sont plus vifs que ceux de Nantes ou Brest ?
La politique n’est plus que communication
Car il s’agit bien de cela et de rien d’autre : un coup de com. Qu’il existe des crétins homophobes en France, personne n’en doute, même s’ils se font heureusement plus rares qu’avant. Mais inventer une “Zone de liberté LGBT” à Vannes sous-entend que la France ne serait rien d’autre qu’un vaste territoire dans lequel les homosexuels seraient privés de liberté et où la bonne ville de Vannes deviendrait une sorte de refuge labellisé, estampillé “sans discriminations” et en avance sur les autres villes françaises.
Ne reculant devant aucune facilité, Guillaume Auffret se plie volontiers à l’exercice de l’autosatisfaction en écrivant des tweets grandiloquents et remâchés : « Grande fierté d’avoir participé à cette étape historique pour notre ville. C’est un symbole fort de tolérance d’une ville plus que jamais en phase avec son temps ! » (Tweet du 6 juillet). Cela aurait pu être écrit par Anne Hidalgo ou Éric Piolle. Et ça le sera sûrement lorsque Paris et Grenoble deviendront à leur tour des “zones de liberté LGBT” – ce qui ne saurait tarder.
La théorie du genre matin, midi et soir
Comme Vannes, ces villes en profiteront pour souligner leur opposition aux dernières mesures hongroises à propos desquelles il faut rappeler qu’elles ne visent pas les personnes homosexuelles mais la “promotion” de l’homosexualité et de contenus pornographiques auprès des mineurs. En France, la promotion de la théorie du genre accolée à la “lutte contre les stéréotypes” est assurée dans certains manuels scolaires, dans des livres de lecture conseillés dès 2014 aux professeurs des écoles pour les élèves des CP et CE1 par le syndicat enseignant SNUipp-FSU (Papa porte une robe et J’ai deux papas qui s’aiment), ou grâce à des associations « expertes dans l’animation de modules d’intervention sur les questions liées à l’orientation sexuelle et aux transidentités » (Site eduscol de l’Education Nationale). Cette promotion, y compris auprès des mineurs, répond aux incessantes requêtes de l’UE qui, sous la pression de lobbys puissants, contribue activement à la destruction de cette famille traditionnelle qui fait tache dans le merveilleux monde du consumérisme numérique, du divertissement, de la “fluidité” sexuelle et de l’individualisme forcené. L’UE menace d’ailleurs la Hongrie qui refuse le diktat des mouvements LGBT. La ville de Vannes ne craint rien : son geste symbolique et électoraliste la met à l’abri des foudres de Mme Ursula von der Leyen, laquelle trouve en France des alliés jusque dans les studios de la radio publique. Sur la bien-pensante France Culture, lors de son journal de 12h30 (7 juillet), le journaliste Thomas Cluzel a asséné son sentiment personnel à propos des récentes mesures hongroises : « Viktor Orban a choisi de faire de la communauté LGBT sa nouvelle cible politique. Non seulement personne n’est dupe de la procédure fallacieuse […] mais cette loi est, bien entendu une aberration culturelle et juridique dangereuse. »
Bien entendu, le journaliste Thomas Cluzel n’a pas demandé au militant Cluzel Thomas de plus amples explications puisque, bien entendu – et à l’inverse de Saint Thomas qui douta même de la résurrection du Christ – Saint Cluzel ne doute absolument pas de la vérité descendue du ciel bruxellois et, berger parmi les croyants européistes, n’hésite jamais à ramener les brebis égarées dans l’enclos progressiste.
Des associatifs ramassent beaucoup d’argent
Quimper et Vannes devenues “Zones de liberté LGBT”, les homosexuels n’y seront ni plus ni moins libres ; en revanche, les activistes LGBT savent maintenant qu’ils pourront y imposer toutes les lubies d’une association politique dont l’acronyme ne cesse de s’étendre et dont le véritable but est de renverser la réalité d’une hétérosexualité majoritaire pour la remplacer par ce relativisme fluide qui n’est que « la fiction d’une nature sans genre » échafaudée par « une poignée de pseudo-scientifiques lesbiennes des universités nord-américaines, imitées par des militants qui s’appuient sur la figure du transsexuel pour établir un modèle universel ! » (Benoît Duteurtre, Ma vie extraordinaire).
Les “Zones de liberté LGBT” ne changent donc fondamentalement rien, ni dans un sens ni dans l’autre, mais ça fait joli dans le tableau du progressisme ambiant. Certaines mairies mettent la main au porte-monnaie du contribuable : le conseil de Paris vient de voter à l’unanimité des subventions pour… 34 associations LGBT. Des “Centres d’archives LGBTQIA+” (sic) voient le jour un peu partout. Plus roués que leurs prédécesseurs, les activistes de ces mouvements ne se lassent plus de débusquer de nouvelles et minuscules discriminations, de dénoncer le “système hétéronormatif”, de voir dans l’urbanisme un agencement “hétéronormé” ou “genré”. Comme Alice Coffin, ils refusent « tout ce discours de la complémentarité entre les hommes et les femmes. » À Rouen, cette militante LGBT s’est vu “agresser” par des hommes qui se sont agenouillés devant elle pour lui offrir un bouquet de fleurs en lui demandant les raisons de sa misandrie. Il est grand temps que Rouen devienne à son tour une “Zone de liberté LGBT” dans laquelle les lesbiennes n’auront plus à redouter des comportements aussi abjects ! ■
Didier Desrimais
* Amateur de livres et de musique, scrutateur des mouvements du monde.