Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, ce superbe documentaire de France 2 est disponible jusqu’au 8.08.2021. Le voici ici, à la disposition des lecteurs de Je Suis Français.
Marc Vergier a eu l’heureuse idée de nous le transmettre accompagné de ce commentaire :
« C’est la richesse en images, en visages, en reliques et témoignages qui rend ce documentaire exceptionnel. Le commentaire, inégal, est vite oublié. Un monde a été englouti presque sous nos yeux. On le savait plus ou moins, mais de loin, filtré de diverses façons, parmi mille autres choses. Le prendre ainsi en pleine figure, dans son ampleur, c’est bouleversant. »
En effet et cela nous renvoie aux analyses de Patrick Buisson dans son dernier ouvrage La fin d’un monde où le déclin de la paysannerie française est présenté comme un fait majeur, une des causes centrales de notre déclin global.
C’est un long et superbe documentaire suivi d’un débat, lui aussi à suivre.
La réflexion et le débat restent ouverts.
Sur le déclin de la paysannerie, je recommande « l’agriculture assassinée » de Jean Clair Davesnes qui est hallucinant. A commencer par le génocide paysan que fut la guerre de 1914 . Mais aussi la responsabilité de De Gaulle qui appliqua en 1958, le rapport Rueff-Armand ( « il faut artificiellement diminuer les prix agricoles pour obliger les paysans à migrer vers l’industrie »…et du coup peupler les barres de banlieues où ils vont retrouver en 1962, les Rapatriés et être remplacés progressivement par les immigrés musulmans d’AFN ). Chirac n’est pas en reste comme secrétaire d’Etat puis ministre de l’agriculture de Pompidou, qui imposa, entre autres erreurs, la Holstein nourri aux tourteaux de soja US, d’où la surproduction de lait au détriment des races à viande du terroir en nationalisant les centres d’insémination; Pisani sous Debré qui lance la loi complémentaire d’orientation agricole qui fait entrer l’agriculture française dans le productivisme et l’exportation, et participe à la mise en place de la Politique agricole commune (PAC) de la Communauté économique européenne. Ce livre décrit comment cette politique en endettant les paysans, en les orientant d’office vers des modèles qui ont échoué, a détruit la classe paysanne ( et nos paysages ). Ne parlons pas de M. Rocard, ministre de l’Agriculture dans le gouvernement Pierre Mauroy, fonction qu’il conserve dans le gouvernement Laurent Fabius, qui démissionne de son poste le 4 avril 1985, en pleine crise car il se sent spolié par Laurent Fabius, qui met en avant la « modernisation » de la France avec sa loi montagne, dans le sens de toujours plus d’Etatisation…
Ce livre est certes ancien (1989) mais reste d’une actualité dramatique.
Le rapprochement avec la première partie du dernier livre de Patrick Buisson est tout à fait pertinent.
Cela étant, je ne vois pas comment la France, pas plus que les autres pays, aurait pu échapper à ce mouvement général de « déruralisation ». Buisson dit fort bien comment l’arrivée des tracteurs a bouleversé l’équilibre démographique et sociétal des campagnes. Sauf à supprimer la mécanisation et à revenir à la charrue (pourquoi pas à l’araire ?) on n’imagine pas comment on pourrait inverser la tendance.
Pourquoi faire, d’ailleurs ? Il y a une version pétainiste très en vogue dans nos milieux roycos qui confère aux paysans une sorte d’aura énamourée. Il faut n’avoir lu ni Balzac (« Les paysans »), ni Zola, (« La Terre ») ni Giono (« Que ma joie demeure » ou, au cinéma, « Crésus ») pour penser que la campagne est meilleure que la ville.
Le problème, c’est la concentration dans les métropoles et leurs banlieues et la mort des petites et moyennes villes. Il faudrait détruire les autoroutes qui les relient aux grandes cités. Y aura-t-il quelqu’un d’assez fou pour le proposer ?
La crise des vignerons du Midi, déjà à cause du libéralisme, ça on oublie de le dire, et Clemenceau, on ne donne pas sa couleur politique. On évoque la guerre de 14, là aussi sans dire qui était Viviani, le socialiste qui l’a déclarée. On dit « vive Blum », qui bien sûr n’est pour rien dans la déclaration de guerre en 39, ni dans son impréparation. Pétain est un sale type qui veut accaparer les récoltes et le cheptel des paysans. Il les « instrumentalise » ose-t-on dire. Bien sûr, s’il n’avait pas accaparé, les pauvres auraient crevé la gueule ouverte, mais ça on n’en dit mot.
Bref, des images magnifiques, mais un commentaire bien politiquement correct.
En complément aux 2 commentaires précédents, je conseille de lire ce que dit Charles Gave du prix des terres agricoles et des politiques mises en oeuvre ( SAFER etc…) socialistes même avec la « Droite »…
https://institutdeslibertes.org/la-terre-elle-ne-ment-pas
J’ajoute que le fameux « la terre ne ment pas » prononcé par le Maréchal Pétain le 25 juin 1940 a été rédigé par Emmanuel Berl , de la haute bourgeoisie juive parisienne, originaire d’Alsace.
Pétain est un paysan dans l’âme, « les pieds dans la glèbe ». Toute son action en 14-18 comme en 1940- 44, est guidée par cette notion profondément pragmatique. De plus, il a vu, à 14 ans, la guerre de 1870 qui ressemble étrangement à celle de 1940 et Thiers a composé avec les « Boches » pour sauver ce qui pouvait l’être. De Gaulle est un intellectuel pur, un urbain, pas un homme de terrain : » les revendications des paysans disparaitront avec eux comme celles des anciens combattants « . Il veut prendre la tête d’un tiers monde ( vive le Quebec libre, marchamos mano à mano, Pnompenh), loin des objectifs du monde paysan français.
Pour ceux que l’agriculture, son histoire, intéresse, je conseille aussi « l’homme à la bêche », de Henri POURRAT, magnifique, il décrit (certes avec un peu d’emphase, mais tellement beau!) ce qu’ a été la vie paysanne en France pendant des générations.
Les livres de Gustave THIBON sont également très intéressants, ne parlent pas forcément d’agriculteur, mais émanent d’un homme du terroir, avec un bon sens et une culture extraordinaire. En particulier « RETOUR AU REEL », écrit au moment de la débâcle de 1940, introuvable aujourd’hui sauf en bouquinistes.