Par Gérard POL.
C’est il y a deux semaines que la Chine, imbue de sa puissance retrouvée et bien décidée à la pousser aux plus larges limites, a commémoré les 100 ans de la fondation du Parti Communiste Chinois, en 1921. Le président Xi Jinping a saisi l’occasion de cet anniversaire révolutionnaire pour exalter, non pas l’internationalisme prolétarien, mais le nationalisme chinois le plus décomplexé du monde et en proclamer l’ambition qui n’est rien d’autre que d’accéder au rang de 1ère puissance mondiale. En lieu et place des États-Unis d’Amérique qui occupent la place depuis grosso modo un siècle. A quoi tient la renaissance d’un empire il y a peu misérable et décadant ? Il nous avait paru utile de nous poser cette question il y a quatre ans car elle nous oblige à nous interroger sur nous-mêmes et sur nos erreurs. Nous avons tenté de réécrire à grands traits, l’analyse actualisée que voici.
A quoi tient l’actuelle et extraordinaire bonne fortune chinoise ? Quelles en sont les causes ?
On ne peut ici qu’effleurer cette question complexe, pourtant cruciale car on sait bien que la montée en puissance de la Chine constituera sans-doute le plus grave problème que les Occidentaux auront à affronter, dans le futur proche désormais.
La Chine s’est sortie non seulement de son terrible sous-développement endémique mais aussi de cet abaissement qu’elle avait vécu à l’époque du système impérial finissant : les traités inégaux, les humiliantes concessions, la partition de son territoire en zones d’influence pour les puissances occidentales d’alors : France, Grande-Bretagne, Russie, Belgique, et même pour le rival asiatique nippon après les guerres sino-japonaises perdues par la Chine [1]. La proclamation de la république en 1911 ouvrit l’ère des Seigneurs de la guerre, c’est-à-dire des guerres civiles dont le Kuomintang de Sun Yat-sen et Tchang Kaï-Chek fut incapable de venir à bout. La longue marche et la victoire de Mao en 1949 ont mis fin à cette période ; la République Populaire de Chine fut proclamée et la dictature du Parti Communiste Chinois établie. Elle eut – et a toujours – aux yeux des Chinois, l’insigne mérite de faire sortir leur nation de l’état de dépendance étrangère dans laquelle elle avait vécu tout un siècle. Les lecteurs de Malraux – romans et Antémémoires – sont familiers de ces événements tumultueux dont est sortie une nouvelle légitimité chinoise, remplaçant, pour l’Empire du Milieu, celle des Fils du Ciel de jadis. On a écrit, et c’est selon nous à juste titre, qu’on ne comprendrait rien à la formidable volonté de revanche des Chinois d’aujourd’hui, si l’on oubliait ce passé qui est lointain et obscur pour nous, mais qui hante leurs mémoires bien au-delà de ce que nous sommes capables d’imaginer, et anime leur politique.
La Chine s’est encore sortie des soubresauts horriblement destructeurs du système maoïste après qu’il eut triomphé, dont la meurtrière révolution culturelle ne fut pas le moindre. Le film, Le dernier empereur, de Bernardo Bertolucci, retrace assez bien cette période troublée, qui fut, en réalité, une autre guerre civile pour le pouvoir au sein même du Parti.
Pour la Chine ruinée, humiliée, en partie éclatée, misérable, la bonne fortune n’allait donc nullement de soi. Elle semblait même inenvisageable. Impossible.
Comment l’a-t-elle rencontrée ? Quelles sont les causes de son prodigieux succès ?
Bien-sûr, il y a la taille de son territoire [2] et la masse de sa population, dix fois supérieure à celle de la Russie et 5 fois à celle des Etats-Unis [3]. Mais ces paramètres ne sont pas en soi gages de prospérité ni de réussite. Ce peut même être l’inverse.
La renaissance de la Chine nous paraît relever d’autres causes. En voici à notre avis les trois axes principaux :
1. La dictature de fer du Parti Communiste Chinois, de fait une oligarchie hiérarchique sans faiblesse qui tient uni et en ordre d’une main qui ne tremble pas l’immense et composite Empire du Milieu. L’argument peut choquer. Mais que deviendrait la Chine si le PCC venait à s’effondrer ? S’il lui prenait la fantaisie d’un Printemps chinois ? Peut-être serait-ce, selon la vieille expression, pain béni pour nous et ce n’est même pas sûr. Mais pour elle ?
2. Le nationalisme du peuple chinois et de ses dirigeants, qui, pas plus qu’il ne le fut dans les pays d’Europe de l’Est, ne fut jamais effacé, même au temps de Mao et de Chou-en-Lai, par l’internationalisme prolétarien. Combiné à l’incommensurable pragmatisme des Chinois, ce nationalisme est général, violent, avide de victoires, de gains, et de puissance. Qui plus est, les connaisseurs nous disent qu’il se ressource désormais dans les plus pures traditions populaires aussi bien que philosophiques de la plus ancienne Chine. Bref, un composé que l’on peut se risquer à dire ravageur. Et qui, partout, en Asie, en Afrique, en Occident, achète et vend, colonise et exploite, s’empare de ports (comme à Djibouti), de territoires, de matières premières stratégiques, et crée, y compris dans le domaine numérique, technologique et scientifique, les plus grandes entreprises du monde.
Encore faudrait-il, dans l’ordre du nationalisme chinois, passer à une autre dimension des choses, celle qui fait peur et à laquelle, donc, on ne veut pas croire : l’hypothèse d’un affrontement armé. Pour nous détromper, il suffirait pourtant de suivre les budgets militaires successifs chinois, de constater leur croissance rapide et régulière, de les comparer à ceux des autres puissances militaires du monde qui se réduisent à une petite poignée. La Chine y tient le second rang et les montants sont considérables [4]. Que devrait faire la France en cas de conflit sino-américain ? Devrait-elle se laisser entraîner par le jeu automatique des alliances à la suite des Américains ? C’est un autre sujet complexe, qui n’est pas le nôtre ici.
3. La faiblesse insigne des Occidentaux qui fut, pourrait-on dire, à l’opposé de la force chinoise que nous venons de décrire ; Occidentaux qui acceptèrent, d’un cœur léger, de se défausser sur la Chine, de leurs fonctions de production ; qui ont voulu, à la fois par lassitude, appétit de marges, idéologie universaliste, orgueil, lui concéder d’être l’atelier du monde. De lui transférer des millions d’heures de travail et les technologies qui vont avec. Ce qui hormis l’Allemagne et, à un moindre degré l’Italie, a abouti à la destruction, que l’on constate aujourd’hui avec amertume, de pans entiers de nos industries et a condamné nombre d’éléments productifs de nos populations, au chômage. Dans ce type d’abandons, la France, comme on dit, a eu le pompon. Elle a dû constater, il y a peu, à l’occasion de la pandémie, sa situation de dépendance. Chacun son tour ?
Rien n’est irréversible et la Chine n’est pas plus vouée au succès indéfini que nous à l’échec ou au déclin fatal. Soyons au moins conscients de ce qui, par impéritie, nous est arrivé. Quant à la Chine, elle peut être aussi pour nous, dans une certaine mesure, à certains égards, un exemple instructif. ■
[1] 1894-95 et 1937.
[2] Pour mémoire, 9,597 millions km²
[3] Population : 1,400 milliard
[4] En milliards de dollars (2019) : Etats-Unis : 732 – Chine 261 – Inde : 71,1 – Russie : 65,1 – France : 50,1 – Royaume Uni : 48,7 – Allemagne : 49,3 – Japon : 47,6.
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En deux mots, réflexion sur l’actualité
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Détrompez-moi si nécessaire : des années durant je crois avoir entendu nos (d)économistes les plus officiels claironner « en France, le moteur de la croissance, c’est la consommation » . Quel stupide et prétentieux programme ! Quel aveuglement ! Le résultat est devant nous ; ça continue pourtant puisque, croissance oblige, nous importons des consommateurs quand d’autres importent des producteurs. La France est entre les mains de « mandarins et de mandarines » (les celles et ceux) dont la devise semble : la coulpe ? aux autres; abjurer , nous ? jamais !
Quel besoin de vous détromper ? Vous avez mille fois raison !
La chine travaille et se modernise, le Japon aussi. la France vit de rente d’état, ne nous étonnons pas des arrivées de populations qui n’ont jamais travaillées et qui refusent de moderniser leur pays producteur de pétrole et autres. On leur vent les armes avec lesquelles ils nous tuent. Ce sont les Chinois qui reprennent à leur façon la culture Judéo chrétienne favorable à la liberté et à la modernité que nous abandonnons par paresse et prétention. C’est la démonstration que l’on ne doit pas se moderniser en abandonnant ses racines,; deux siècles d’erreurs pour la France républicaine.
C’est très inquietant, la fusion d’une idéologie athée et féroce envers sa propre population avec un nationalisme revanchard et conquérant et une atroce dictature. Qu’est ce qui peut faire respirer la Chine? à la bonne hauteur. Pas nous . pourquoi? Au nom d’une idéologie voulant prolonger la société de consommation de manière absurde, nous avons laissé la Chine nous rendre dépéndants d’elle et nous avons perdu tout sens des valeurs La remontée sera rude. Qui osera ? .
Excellent sujet, parfaitement posé et aux réponses multifactorielles !!
Que pouvons-nous opposer aux Chinois? Rien !
Que pouvons-nous proposer et vendre aux Chinois? bientôt plus rien !
Que nous restera t’il, des abonnés aux subsides d’Etat, bien entendu sous le joug de la Commission européenne, et de consommateurs migrants sans le sous agrippés aux Préfectures et aux associations-aimants !!
La France n’est plus que l’ombre d’elle-même et tente de faire illusion…
Qu’aurait fait la justice chinoise si le Président s’était fait gifler ? Vous avez la réponse à tous vos questionnements.