En publiant cette tribune dans Le Figaro du 18 juillet, on pourrait se poser la question suivante : de quoi se mêle Michel Onfray, philosophe, athée, observateur et de fait acteur de la seule vie politique et sociale, et, bien-sûr, extérieur à la vie de l’Église catholique ? Onfray répond lui-même à cette objection : la spiritualité catholique et les rites qui l’expriment font partie de notre patrimoine commun. Et encore : « Je regrette le déclin de la civilisation judéo-chrétienne, je me bats pour elle ». Il fait ainsi partie de ces défenseurs extérieurs de l’Église, agnostiques ou athées, dont a parlé Gérard Leclerc. C’est à ce titre qu’il doit être lu.
Je suis athée, on le sait, mais la vie de l’Église catholique m’intéresse parce qu’elle donne le pouls de notre civilisation judéo-chrétienne bien mal en point. Car si Dieu n’est pas de mon monde, mon monde est celui qu’a rendu possible le Dieu des chrétiens. Quoi qu’en disent ceux qui pensent que la France commence avec la Déclaration des droits de l’homme, ce qui est aussi stupide que de croire que la Russie est née en octobre 1917, le christianisme a façonné une civilisation qui est la mienne et dont j’estime que je peux l’aimer et la défendre sans battre ma coulpe, sans avoir à demander pardon pour ses fautes, sans attendre une rédemption après confession, contrition et agenouillement. C’est fou comme ceux qui répugnent au christianisme en disant qu’il n’a pas eu lieu s’en trouvent imprégnés comme de rhum le baba que l’on sait !
Benoît XVI fut un pape philosophe formé à l’herméneutique et à la phénoménologie allemande. Il a également lu les auteurs catholiques français dans le texte. Son Jésus de Nazareth (2012) s’inscrit dans l’histoire de l’idéalisme allemand, notamment de l’hégélianisme qu’on dit de droite pour le distinguer de celui qui, dit de gauche, conduit au jeune Marx.
Le pape François n’est pas de ce niveau théologique, loin s’en faut. Mais il ne manque pas de la rouerie jésuitique qui fait que, venant de la Compagnie de Jésus, il choisit pour nom de souverain pontife celui qui se trouve le plus à l’opposé des intrigues et des antichambres du pouvoir où les jésuites aiment à se trouver, à savoir celui de François d’Assise. Jorge Mario Bergoglio, chimiste de formation, vient du péronisme ; Joseph Ratzinger, théologien de formation, de l’antinazisme.
À mes yeux, l’acte majeur du pape Benoît XVI a été le discours de Ratisbonne où, le 12 septembre 2006, dans l’université allemande où il a été professeur, il a fait son travail de pape en estimant que le christianisme et l’islam entretiennent par les textes une relation antinomique, notamment sur l’articulation entre foi et raison, mais également sur la question de la violence en général et sur celle du djihad en particulier. Je dis par les textes car c’était ici son souci, il présentait en effet l’exégèse personnelle d’un dialogue situé au début du XV siècle entre l’empereur Byzantin Manuel II Paléologue et un érudit persan. L’invitation à réfléchir sur cette question fut prise pour une insulte planétaire faite à l’islam…
L’acte majeur du pape François est, toujours selon moi, de s’être fait photographier devant un crucifix sur lequel Jésus porte le gilet de sauvetage orange des migrants. C’est ici l’icône triomphante de Vatican II qui congédie tout sacré et toute transcendance au profit d’une moraline tartinée de façon planétaire comme une gourmandise de scout.
C’est selon cette logique qu’il faut comprendre la décision du pape François d’abroger, disons-le dans un terme profane, la décision prise par Benoit XVI de permettre la messe en latin, dite messe Tridentine, pour ceux qui le souhaitent. Dans Summorum pontificum, Benoît XVI libéralisait la messe dite de Pie V. Dans Traditionis custodes, François efface cette libéralité. Benoît XVI voulait dépasser le schisme avec les traditionalistes, François va le restaurer en prétextant bien sûr, jésuite un jour, jésuite toujours, qu’il entend de cette façon réunir ce qu’il sépare. Les vocations chutent avec Vatican II. Mais les religieux qui conservent le rite latin ne connaissent pas la désaffection,mieux, ils remplissent les séminaires. Le pape François préfère les églises vides avec ses thèses que pleines avec celles de Benoît XVI.
Séparer n’est-ce pas la fonction dévolue… au diable ? L’étymologie témoigne. Si j’avais la foi catholique, je ne pourrais m’empêcher de penser à l’Épître de Jean qui dit: «Tout esprit qui divise Jésus-Christ n’est point de Dieu ; et c’est là l’Antéchrist, dont vous avez entendu dire qu’il doit venir ; et il est déjà maintenant dans le monde.» (I.4:3).
Ce qui se joue dans cette affaire, c’est la suite de Vatican II, autrement dit l’abolition du sacré et de la transcendance. La laïcisation du rite réduit à une liturgie dont La vie est un long fleuve tranquille a montré toute la puissance avec son curé cool qui joue de la guitare et chante bêtassement «Jésus, Jé-é-é-é-sus, reviens». On peut préférer le chant grégorien sans être pour autant un nostalgique de Vichy…
Or le génie du christianisme, les différents conciles sur la possibilité ou non de figurer le Christ en témoignent, a été de rendre possible une civilisation de l’allégorie, de la symbolique, de la métaphore. Le génie juif se trouve dans l’herméneutique, celui du christianisme dans l’explication des paraboles. Les juifs inventent l’herméneutique pour les plus savants, les rabbins lecteurs de la kabbale ; les chrétiens élaborent l’herméneutique populaire, pour les fidèles à qui l’on raconte des histoires à déchiffrer avec l’histoire sainte. Notre civilisation de l’image, de la raison explicative, de la philosophie séparée de la théologie, procède de ce monde-là.
La messe en latin est le patrimoine du temps généalogique de notre civilisation. Elle hérite historiquement et spirituellement d’un long lignage sacré de rituels, de célébrations, de prières, le tout cristallisé dans une forme qui offre un spectacle total – un Gesamtkunstwerk, pour utiliser un mot qui relève de l’esthétique romantique allemande.
Pour ceux qui croient en Dieu, la messe en latin est à la messe du Long fleuve tranquille celle que semble affectionner le pape François, ce qu’est la basilique romaine contemporaine de saint Augustin à une salle polyvalente dans une barre d’immeubles à Aubervilliers: on y chercherait en vain le sacré et la transcendance. Quelle spiritualité dans ces cas-là ?
Disons-le de façon énigmatique, le pape François fait bien ce pour quoi il est là où il se trouve… Ajoutons d’une façon tout aussi énigmatique, mais pas tant que ça, qu’on se demande pourquoi nous vivons dans une époque avec deux papes. ■
* Précision donnée par Valeurs actuelles : Une statistique confirmée par le magazine catholique La Nef, dans son récent dossier consacré aux « tradis » : l’âge moyen des prêtres diocésains est de 75 ans. Celui des prêtres traditionalistes, 38 ans. De quoi s’interroger sur le risqué pari d’avenir du pape François.
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*Dernier livre paru: «L’Art d’être français», Bouquins « Essais ».
J’ai eu vu se former des « fronts » au cours de ma vie. Que ce soit le « front populaire » que je n’ai pas connu, ou le front national, il y eu le « front de gauche, celui du gouvernement Jospin, la fameuse « gauche plurielle » . On voit tout doucement se constituer un nouveau front, qui me rassure quelque peu, « le front de l’intelligence » , où l’on voit Eric Zemmour s’acoquiner pour la bonne cause avec Michel Onfray, et dans leurs parages immédiats, le petit père Alain Finkielkraut, qui en attendant mieux, fait des ronds dans l’eau.
Car si l’on a pu dire de François Hollande que lorsque la lâcheté est au pouvoir, nous sommes gouvernés par la médiocrité, à tous ceux qui prétendent que Macron est un jeune homme brillant, je répliquerai que l’on n’en est pas moins gouverné par la bêtise, un être qui peut penser un instant qu’il est plus intelligent que le restant de la terre est forcément un imbécile, même Néron a fait les frais d’une telle stupidité.
Aujourd’hui, comme pour feu « Trump », nous en sommes réduit à un régime de « tweectatute », ou donc un seul tweet de quelques lignes, valent décrets, lois, et ont plus de poids qu’un vote à l’assemblée.
Sommes nous parvenus au temps, dans la vallée de « Megiddo » , où les deux armées se rangent en bataille pour le combat D’Armageddon, qui doit avoir lieu, présidentielle ment, en avril 2022 ? TOUCHE PAS A MA FRANCE ! MARC CHAPELLE
Premier pas vers la lumière ? Peut on y croire ?
Ma foi, si des catholiques veulent célébrer le culte divin en latin, ou en araméen, ou en syriaque, c’est leur affaire, s’ils ne m’empêchent pas d’entendre la messe dans ma langue française.
Les rêveries traditionalistes, tellement en vogue dans le milieu royco, figent la Tradition de l’Église, comme si Louis XIV avait souhaité rétablir le corpus législatif d’Hugues Capet.
On ne reviendra pas aux vertugadins, on ne reviendra pas au latin.
Mais un de ces jours le Bon Dieu nous débarrassera de ce triste, médiocre, insuffisant Pape ; l’Église en aura connu, des médiocres et lle survit : c’est bien la preuve qu’elle est de création divine, non ?
Dans ma jeunesse voyageuse, je me souviens d’avoir lu sur le tableau des horaires d’une église de Tolède ou par-là, l’annonce d’une messe en rite romano-visigoth. Aucun pontife n’avait songé à l’interdire.
Sur ce sujet, je suis convaincu par l’avis de Jean Guitton, « l’ami des papes » : l’erreur de Paul VI – que François réitère – ne fut pas de mettre en place une messe plus ou moins belle, se voulant mieux adaptée aux goûts supposés des populations modernes, mais d’avoir interdit le rite ancien. Guitton prétendait que l’Eglise n’avait jamais pris une telle décision, des rites universellement célébrés pendant des siècles ne pouvant être suspectés de quoi que ce soit de contraire à la foi de l’Eglise.
Au reste, celle-ci admet, notamment en Orient, de nombreux rites anciens de forme et langues diverses, anciennes ou modernes.
Quant au latin, je partage l’avis de Brassens qui n’était pas « royco ». Pour ceux – comme moi – qui aiment cette superbe langue dont la nôtre est faite, pourquoi y toucher ? Laissons-le vivre s’il le peut. Ce sont les révolutionnaires qui interdisent l’héritage ! Et, en quoi je suis bien accord avec mon ami Pierre Builly, je m’opposerai à quiconque – quelque réactionnaire obtus que ce soit – qui s’aviserait de prétendre interdire la messe en Français.
La messe en latin est un héritage
Tout les rites ont leur justification théologique et humaine.
Une suppression est une perte, une perte pour l’universel
C’est dommage, il faut lutter pour ne pas que cela soit acter
michel onfray,athée sensible au Sacré ,sans discours superfétatoires,avec ses savoureuses remarques sur le pape François,exprime,pour moi,une idée geniale.