PAR PIERRE BUILLY.
Mais où est donc passée la 7ème compagnie de Robert Lamoureux (1973).
Le désastre est aussi sur l’écran.
Si extraordinaire que ça puisse (me) paraître, je n’avais jamais vu la moindre bribe de ce que certains ont appelé la saga de la 7ème Compagnie. Je ne m’explique pas très bien pourquoi, d’ailleurs.
Certes, en août 1973, malgré des tentatives désespérées d’y échapper, j’entamais à 26 ans déjà, cette horrible plaisanterie dégradante qu’était le service militaire (aberration instituée par la Révolution française, qui n’en était pas à une canaillerie mortifère près). Et cette incorporation ne devait pas me prédisposer beaucoup à regarder des histoires de soldats. Mais tout de même… J’aimais beaucoup Robert Lamoureux, aux sketches acides, à la silhouette dégingandée, si bien employée par le cinéma pour Les aventures d’Arsène Lupin et pour le délicieux Papa, Maman, la bonne et moi et sa suite. Et l’idée d’un film sur des soldats perdus dans la débâcle de mai 1940 ne me déplaisait pas, d’autant qu’il présentait le Français débrouillard tenant la dragée haute au Boche envahisseur.
L’occasion s’en étant présentée, j’ai capté à la télévision Mais où est donc passée la 7ème compagnie et je me suis projeté ça avec une certaine gourmandise, presque en me frottant les mains comme lorsqu’on rattrape in extremis une balourdise ou une faute qu’on avait laissé passer au cours des années. En d’autres termes, j’étais tout prêt à apprécier. Et je peux même dire que j’aurais aimé aimer. Je n’ai pas une folle admiration pour Jean Lefebvre et moins encore pour Aldo Maccione, mais il y avait aussi Pierre Mondy, souvent excellent. Et puis Pierre Tornade, Jacques Marin, Robert Dalban, Paul Mercey, toutes ces magnifiques trognes, ces délicieux seconds rôles de la grande tradition du cinéma français qui s’en est tant et tant nourri au cours des âges.
J’aurais pu aussi passer sur le détestable tropisme gaulois qui pousse le Français, né malin, à la fois à se débiner continuellement, à ronchonner et à penser qu’il se débrouillera toujours, quelles que soient les circonstances et les aléas de l’existence. Voilà qui agace l’être profondément Romain que je suis, qui n’a que le plus grand mépris pour Astérix, le dopé et Obélix l’obèse et qui espèrent bien qu’un de ces quatre, le grand Jules César viendra à bout de ces attardés civilisationnels.
Je m’égare, ne sachant, en fait, trop que dire sur un film qui m’a atterré de la première à la dernière minute, venant, de surcroît du subtil Lamoureux ; il paraît qu’il a ici rassemblé ses propres souvenirs de soldat entraîné dans cette sidération que fut L’étrange défaite (titre du grand, très grand livre de Marc Bloch) née des éternelles disputes des partis et de l’impréparation de l’Armée engluée dans l’archaïsme stratégique, la bureaucratie, le laisser-aller et les certitudes de l’autre guerre.
Je m’égare encore. Comment se fait-il que près de 4 millions de spectateurs français aient pu s’esclaffer aux pitreries de Chaudard/Mondy, Phitivier/Lefebvre et Tassin/[Maccione ? Je n’ai pas relevé une situation hilarante, une répartie spirituelle, un dialogue rigolo. J’ai assisté, en me retenant pour ne pas effacer mon enregistrement avant qu’il soit achevé, à une des pires purges qui se puisse.
Au fait, pourquoi n’ai-je pas mis la plus basse note, le 0 mérité ? Un peu parce que la France filmée est bien jolie ; surtout parce que, parvenu à la moitié du film je m’attendais encore au pire : un concours de pets, par exemple, ou une course vers les feuillées. Un 1 de soulagement, si je puis dire. Et il paraît qu’il y a eu deux suites ! Édifiant ! ■
DVD autour de 10 €
Tout à fait d’accord avec ton article mon cher Pierre