Par Rémi Hugues.
Étude en 18 chapitres publiée en feuilleton dans JSF.
L’union dure trois ans
Dionysos-Sorel n’est ainsi pas présent le 16 décembre 1911 à la conférence d’ouverture du Cercle Proudhon, à la différence d’Apollon-Maurras. Cette soirée de lancement avait été préparée à partir de mai 1911, date qui marque les débuts officieux de l’existence du cercle.
Ses huit fondateurs sont, outre Valois et Berth, Henri Lagrange, Gilbert Maire, René de Marans, André Pascalon, Marius Riquier et Albert Vincent. Ils rédigent pour le premier numéro des Cahiers du Cercle Proudhon, qui sort des presses en 1912, une Déclaration qui définit les grandes lignes du projet.
Y est explicitement formulée que l’équipe des rédacteurs des Cahiers du Cercle Proudhon sont des hommes de convictions, maurrassiens assumés, qui souhaitent entamer un dialogue constructif et fécond avec tous les hommes de bonne volonté : « Les Français qui se sont réunis pour fonder le Cercle Proudhon sont tous nationalistes. Le patron qu’ils ont choisi pour leur assemblée leur a fait rencontrer d’autres Français qui ne sont pas nationalistes, qui ne sont pas royalistes et qui se joignent à eux pour participer à la vie du Cercle et à la rédaction des Cahiers »[1].
Il est par conséquent indéniable que le Cercle Proudhon s’est constitué sous l’égide du nationalisme. Un nationalisme, qui en plus d’être intégral, se veut ouvert, se plaçant ainsi sous le patronage d’une personnalité qui appartient à une autre famille politique.
Le prérequis conditionnant l’adhésion au cercle est le refus de la démocratie libérale, sorte de plus petit dénominateur commun, qui est à même, eu égard à son caractère négatif, de fédérer le plus largement possible. La Déclaration contient de surcroît une réfutation synthétique de la démocratie, qui « tolère et encourage toutes les licences. Elle est théoriquement un régime de liberté ; pratiquement, elle a horreur des libertés concrètes, réelles, et elle nous a livré à quelques grandes compagnies de pillards, politiciens associés à des financiers ou dominés par eux, qui vivent de l’exploitation des producteurs.
La démocratie enfin a permis, dans l’économie et dans la politique, l’établissement du régime capitaliste qui détruit dans la cité ce que les idées démocratiques dissolvent dans l’esprit, c’est-à-dire la nation, la famille, les mœurs, en substituant la loi de l’or aux lois du sang. »[2]
On reconnaît, dans la distinction entre les lois de l’or et celles du sang, la prose de Maurras. Ce dernier, par le truchement de son quotidien, communique pour la première fois sur l’existence du Cercle Proudhon en 3 mai 1912, au travers de l’article « La réunion du Cercle Proudhon » d’Alain Mellet.
Parmi ses membres, Henri Lagrange est certainement le plus enthousiaste.
L’étoile montante du club « transcourants » écrit avec exaltation les raisons qui expliquent sa création : « Malgré l’industrie des intellectuels, des traîtres et des politiciens, malgré la vigilance intéressée et la sévère surveillance exercée par tous les fonctionnaires et par tous les mercenaires de la Ploutocratie internationale, des citoyens français, nationalistes et syndicalistes, franchirent les barrages policiers, et, se rejoignant, connurent qu’ils étaient de même chair et de même langue, et pareillement ennemis des utopies démocratiques et de la tyrannie capitaliste. De cette rencontre naquit le Cercle Proudhon. »[3] ■ (À suivre).
[1] Georges Navet, op. cit., p. 51.
[2] Cité par ibid., p. 53. On en trouve une version légèrement différente dans le livre déjà mentionné de Zeev Sternhell : « la démocratie est la plus grande erreur du siècle passé, […] elle a permis l’exploitation la plus abominable des travailleurs, l’établissement et la substitution des lois de l’or aux lois du sang, du régime capitaliste. », cité p. 384.
[3] Cité par Géraud Poumarède, op. cit., p. 65.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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