PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette tribune est parue dans Le Figaro d’hier, 13 août. Elle pointe la rétrogradation symbolique majeure du catholicisme au sein de la politique et de la société françaises. Elle plaide pour la reconnaissance du même catholicisme comme matrice existentielle du pays. L’école maurrassienne n’a jamais rien dit d’autre. À ceci près qu’on ne peut éluder aujourd’hui la question de la part de responsabilité qui lui revient sans-doute, par trop de concessions, de compromissions, avec les formes diverses de la Révolution moderne ou postmoderne, dans sa propre rétrogradation et dans les désordres politiques et sociaux corrélatifs ou concomitants. C’est une autre question plus ample et plus ardue. On ne peut, nous semble-t-il éviter de la poser.
« Le catholicisme, selon ce que l’histoire enseignait jusqu’à récemment, n’était pas une communauté religieuse parmi d’autres en France, mais la matrice existentielle du pays »
L’assassinat du père Olivier Maire a bouleversé la France, qui n’a pu s’empêcher d’y voir un écho du sort réservé au père Hamel, il y a cinq ans. Le scénario diffère cette fois, certes. Nous ne sommes pas devant un islamiste égorgeur comme il y en a tant, mais devant un immigré clandestin, qui n’aurait pas dû être en France, qui l’an passé avait incendié la cathédrale de Nantes, et qui cette année a décidé d’égorger le prêtre qui l’accueillait chez lui par charité chrétienne. Les ratiocinations psychiatrisantes qui accompagnent le commentaire lorsque vient le temps de parler de l’auteur de ce meurtre ne sauraient faire oublier que nous sommes témoins, de manière caricaturale, d’une faillite de l’État régalien, devenu incapable d’assumer sa fonction première, croulant sous la pression du gouvernement des juges, des groupes de pression immigrationnistes et de l’humanitarisme médiatique, qui le condamnent à l’impuissance quand vient le temps de se défendre.
Pourtant, quelque chose de plus et, pourrait-on dire, d’encore plus triste, s’est révélé dans cette histoire. Au moment de présenter leurs condoléances, ils furent nombreux, parmi les politiques, à se dire bouleversés pour la communauté catholique française. Cette formule biscornue qui tournait en boucle et se voulait pleine d’empathie était révélatrice de la segmentation de la communauté nationale, où l’assassinat d’un homme est d’abord censé heurter sa communauté particulière, et seulement ensuite l’ensemble de la nation, comme si le langage politique avait intériorisé les paramètres du multiculturalisme anglo-saxon.
La France, dans cette perspective, n’est plus d’abord composée de Français participant au destin national, à travers un pacte politique noué dans l’histoire et la culture, mais d’un assemblage de communautés enfermées dans leur expérience du monde, qu’elle soit ethnique, religieuse ou même sexuelle. Le langage de la diversité masque la désagrégation du peuple français.
Il y a peut-être même pire. Le catholicisme, selon ce que l’histoire enseignait jusqu’à récemment, n’était pas une communauté religieuse parmi d’autres en France, mais la matrice existentielle du pays, qui a structuré le rapport au politique et à la culture, aux mœurs et à l’architecture, et qui, encore aujourd’hui, codifie l’univers rituel de l’immense majorité des Français. La référence, dès lors, à une « communauté catholique », qui représenterait une nuance identitaire parmi d’autres d’un pays bariolé, témoigne d’une rétrogradation symbolique majeure du catholicisme ou, si on préfère, de son dénoyautage culturel. Longtemps combattu au nom d’une conception quelque peu étroite de la laïcité, le catholicisme est réintroduit dans la communauté nationale à condition de ne plus en être considéré comme l’un des fondements. On ne le nomme que pour l’exclure de sa fonction identitaire historique.
On a entendu parler, ces dernières années, de manière assez fréquente, de « catho-laïcité ». La formule suscite souvent un agacement allant jusqu’à la méfiance : comment faire tenir ensemble au point d’en constituer une synthèse deux concepts représentant des visions du monde s’étant ardemment combattues depuis la Révolution ? Pourtant, dans une époque marquée par l’affrontement des civilisations sur le territoire même de l’Europe occidentale, ce qui semblait hier disjoint et conflictuel trouve à s’assembler de manière inédite et féconde, en découvrant le monde commun qu’elles avaient en partage et qui remonte à la surface devant le visage hostile de l’altérité conquérante. La question de l’islamisme, notamment, est venue troubler les anciennes polarisations et révéler les limites d’affrontements aujourd’hui éculés. De même, la gauche républicaine et la droite patriote et conservatrice ont aujourd’hui bien plus en commun que ne le laissent croire leurs univers symboliques respectifs, même si certains atavismes les empêchent d’en prendre pleinement conscience.
On en revient dès lors à la manière d’aborder un crime abject n’ayant rien d’un malheureux fait divers, qui heurte intimement les Français et tous ceux qui aiment la France, et qui devrait être nommé de cette manière, sans conjuguer le chagrin qu’il suscite avec une logique communautariste. Quelle que soit leur religion, et qu’ils croient au ciel ou qu’ils n’y croient pas ou qu’ils le scrutent dans l’espoir incertain d’y repérer une trace du divin, c’est d’abord en tant que Français qu’ils sont heurtés, et la classe politique devrait avoir le souci de se faire la gardienne de ce primat de la conscience nationale, qui seule peut faire tenir ensemble des hommes et des femmes qui finiront sans cela par vivre face à face, selon la formule désormais convenue. Si la classe politique elle-même renonce à cette tâche, pourtant fondamentale, si elle capitule devant les fous qui ont concassé au marteau-piqueur de la déconstruction la réalité intime de la nation, elle se rendra malgré elle complice de ces derniers. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
Sélection photos © JSF
Mathieu Bock-Côté présente sous le bon angle la façon par laquelle il eut été digne que le monde politique rendît hommage au père Olivier Maire tué par celui qu’il protégeait ( il est à noter , en passant , que ce quinquennat aura été celui des dépôts de chrysanthèmes ) .
Pour revenir au sujet , la réduction de l’hommage à la « communauté catholique » est dans la ligne d’un certain langage clérical du style « Nous autres , chrétiens… »
De ce pont de vue , à droite comme à gauche , l’on est en phase avec le « catholicisme français » actuel .
Que d’exemples l’on pourrait trouver : un ancien responsable du GIGN , se reprenant sur un plateau TV d’avoir laissé échapper » Dieu merci » dans ses propos ; comme si cette expression n’était pas utilisable par tous , donc , sans y voir une atteinte à la déesse laïcité .
Une fois encore , grand merci à Mathieu Bock-Côté pour la qualité de son engagement ; dans la situation délétère de notre France d’aujourd’hui , la pertinence de ses analyses et sa profonde honnêteté intellectuelle font de lui non seulement un éveilleur de consciences , mais aussi un résistant de premier ordre . Aussi vous suis-je , pour ma part , infiniment reconnaissante de le mettre ainsi en lumière , en publiant bon nombre de ses tribunes , comme le fait Le Figaro .
Fraternellement
Ce qu’on appelle l' »Eglise catholique » en Europe est en réalité l’Eglise de Rome , qui s’est indûment approprié le qualificatif de « catholique » , lors de la rupture de 1054 . Or , elle ne l’est pas plus que les autres Eglises , notamment celle de Byzance , restées , elles , dans l’orthodoxie du premier millénaire . Je rappelle que les contours de l’orthodoxie se sont définis à partir du premier concile oecuménique , le Concile de Nicée , en 325 . Le consensus sur l’orthdoxie de la foi a été rompu lorsque , en occident , en Espagne , en premier , et notamment ensuite du fait de Charlemagne qui s’est piqué de théologie , on a modifié la formule du symbole de la Foi « (L’Esprit Saint) procède du Père » en y ajoutant « et du Fils » . Je ne vais pas discuter du bien fondé ou pas de cet ajout , mais il a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la séparation culturelle et spirituelle entre l’occident et l’orient . L’Eglise , qui fut catholique ET orthodoxe , ne s’en est jamais relevée . L’Eglise de Rome doit revenir à l’orthodoxie du premier millénaire ,, lorsque l’Eglise était indivise . Et , pour cela , il faut se débarrasser de l’antipape François premier , une ordure soumise à l’islam . Jamais le redressement de la France ne pourra se faire avec l’Eglise dite catholique actuelle , laquelle professe depuis plus de 50 ans que le péché contre l’Esprit , le péché irrémissible , c’est d’aimer son pays (et par conséquent , de s’opposer à l’immigration afro-musulmane ) . J’ajoute que le repli vers les prétendus « traditionnaistes » , qui n’ont rien compris à la véritable « tradition » , ne sont en rien « traditionnalistes » , mais seulement tridentins (adeptes fanatique des dispositions du Concile de Trente au XVI ème siècle ), est une fausse solution . C’est piège pour les esprits de bonne volonté . On ferait bien de réfléchir à cela ds les milieux patriotiques , notamment roycos .