Cette question, posée fréquemment depuis la récente victoire des Talibans, recèle une lourde ambiguïté. Sur le plan de l’éthique militaire, en effet, un soldat mort en service commandé ne meurt pas pour rien. Il meurt en assumant le risque essentiel de la fonction sociale qu’il a choisie ou que le devoir lui a imposée. Le soldat mort est donc juste et vrai. Et ce propos s’applique aussi à l’Afghanistan. Car l’armée française n’a pas démérité durant cette guerre. Au contraire, tous les observateurs ont pu remarquer son dévouement, son professionnalisme, et aussi son calme, sa réserve dans le succès comme dans l’adversité. Lorsque l’ennemi était frappé d’un coup au but, les troupes américaines ou britanniques exultaient et hurlaient de joie. Les Français, eux, restaient impassibles. Selon le mot du Roi Louis XV à Fontenoy, « le sang des ennemis est aussi le sang des hommes. » Non, nous n’avons pas à rougir de nos troupes dans cette guerre.
Les choses sont bien différentes si l’on se place sur le plan de la géopolitique, mais là, ce n’est plus le soldat qui est en cause, mais celui qui lui donne des ordres. « Cedant arma togae *», comme l’écrivait Cicéron. De fait, la France n’intervint dans cette guerre que comme alliée des Etats-Unis, et ce conflit n’avait rien à voir avec nos intérêts directs, ni même avec le simple bon sens. Car il ne pouvait pas être gagné. Intervenir dans un pays en proie à la guerre civile, entouré de prédateurs, doté d’une géographie incroyablement inhospitalière, n’est pas une besogne facile. En effet, tous les conquérants, de la Perse impériale à l’Union soviétique en passant par les Mogols et l’empire britannique en avaient été chassés sans gloire. C’aurait été cependant possible si les USA avaient tenu compte de la culture et de l’histoire de la région conquise en 2001, en favorisant la restauration d’un Etat national afghan issu d’une expérience multiséculaire. Au contraire, l’arrogance messianique du gouvernement néoconservateur de Bush le jeune se fixa pour but de construire un clone démocratique de la république américaine. Il ne put mettre sur pied qu’un état fantoche, en proie à la corruption et au chaos : deux ans après l’écrasement des talibans, que les USA avaient d’ailleurs créés de toutes pièces avec l’aide du Pakistan, des régions entières étaient à nouveau sous leur domination. Pendant vingt ans, les Occidentaux s’efforcèrent de garder sur pied une armée loyale portée à bout de bras, mais l’issue de cette tentative était inéluctable, face au mépris et à la haine des populations. Les lamentations de la presse sur le malheur des afghans sont donc dérisoires.
Comment donc la superpuissance américaine a-t-elle pu s’embarquer dans une aventure aussi insensée ? Pour répondre à cette question, il faut admettre que l’enrôlement de ses alliés n’était pas motivé par le désir d’un projet viable, mais par celui de maintenir leur sujétion par la soumission à un commandement militaire unique à un moment où, par suite de l’effondrement de l’ennemi soviétique, l’OTAN n’apparaissait plus comme indispensable, du moins vu d’Europe ; et comme le principal atout des USA était – et est toujours – l’immense supériorité de son armée, il était logique de forcer l’assujettissement de ses alliés dans des guerres idéologiques totalement étrangères à leurs intérêts. D’où les interventions en Irak, en Syrie, en Libye et en Afghanistan. La guerre afghane n’était pas l’expression d’une volonté de juguler les « ennemis de l’Occident », mais de s’assurer la docilité des pays d’Europe. ■
Cette analyse est parue dans Place d’Armes le 23 août. Je Suis Français a été autorisé à la proposer à ses lecteurs et le fait avec sympathie, soutien et intérêt.
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La grande erreur des Américains n’a-t-elle pas été de ne pas rétablir le roi Zaher après la conquête, seul principe unificateur dans un pays où les féodalités sont très puissantes et où il avait réussi un début de modernisation. Mais ce roi était un ami de la France et la monarchie pour les américains c’est l’horreur absolue; alors l’échec était prévisible et, à l’américaine, apocalyptique (cf Viet-Nam: « Apocalypse Now »)
Les Russes bien que défaits sont repartis dans l’ordre et la dignité
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