Pourquoi publier ici, ce poème devenu chanson ? Mais, depuis notre plus lointaine Antiquité, la poésie se chante, de toute façon. Avec ou sans musique. Et nous savons aussi qu’Apollinaire avait salué d’enthousiasme L’Ode à la bataille de la Marne de Charles Maurras et que ces deux poètes se sont admirés. Et encore, par le récit d’une rencontre avec la veuve d’Apollinaire, que Maurras, jusqu’en son extrême vieillesse, savait par cœur et récitait des dizaines de vers du grand poète venu de Pologne, qui s’était engagé sur le front de la Grande Guerre.
Pourquoi écouter enfin ce Pont Mirabeau qui célèbre Paris ? Nous ne voyons pas de meilleure raison que ce qu’André Malraux a prononcé dans son Appel aux intellectuels de la salle Pleyel, le 5 mars 1948 :
« L’Europe défend encore les valeurs intellectuelles les plus hautes du monde. Et pour le savoir, il suffit de la supposer morte. Si, sur le lieu qui fut Florence, sur le lieu que fut Paris, on en était au jour où « s’inclinent les joncs murmurants et penchés », croyez-vous véritablement qu’il faudrait un temps très long pour que ce qu’ont été ces lieux illustres se retrouve dans la mémoire des hommes comme des figures sacrées ? »
En chantant ce Pont Mirabeau, il nous semble que Léo Ferré n’en a pas défloré la poésie. ■