Par Bernard Lugan.
Aboutissement d’une tension qui n’a cessé de croître ces dernières années, l’Algérie vient de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc.
Le contentieux entre les deux pays est certes d’ordre politique, mais également historico-psychologique. Pour quatre grandes raisons :
1. Directement passée de la colonisation turque à la colonisation française, l’Algérie jalouse le Maroc et ses 1200 ans d’histoire (voir à ce sujet mon livre Algérie, l’Histoire à l’endroit). Elle refuse d’admettre que les brillantes principautés de Tlemcen à l’ouest, et de Bougie à l’est, ne constituèrent pas les matrices de l’Algérie, quand Fès et Marrakech créaient le Maroc. Avec les Idrissides, les Almoravides, les Almohades, les Saadiens, les Mérinides et les Alaouites, durant 1200 ans, le Maroc développa en effet un Etat, puis des Empires s’étendant à certaines époques sur tout le Maghreb, une partie de l’Espagne et jusqu’à Tombouctou. Rien de tel à l’est de la Moulouya, où, ni les Zianides de Tlemcen, ni les Hafsides de Bougie, n’eurent un destin comparable à celui des grandes dynasties marocaines. Là est le non-dit de toute la politique maghrébine d’Alger.
2. Les dirigeants algériens ne veulent pas reconnaître qu’ils ont hérité de la France de territoires historiquement marocains, la colonisation française ayant amputé le Maroc au profit des départements français d’Algérie. Voilà pourquoi le Touat, la Saoura, le Tidikelt, le Gourara et la région de Tindouf sont aujourd’hui Algériens. Ils refusent d’admettre qu’au moment des indépendances, il fut demandé au Maroc millénaire d’entériner ces amputations territoriales faites au profit d’une Algérie née au mois de juillet 1962.
3.Pour une Algérie, « enclavée » dans cette mer fermée qu’est la Méditerranée, il est insupportable de constater qu’avec la récupération de ses provinces sahariennes, le Maroc dispose d’une immense façade maritime océanique partant de Tanger au nord, jusqu’à la frontière avec la Mauritanie au sud, ouvrant ainsi le royaume à la fois sur le « grand large » atlantique et sur l’Afrique de l’Ouest. Refusant obstinément d’admettre cette réalité, l’Algérie porte à bout de bras le Polisario pour tenter d’affaiblir le Maroc. Or, pour Alger, il y a urgence. Le dernier carré des 24 Etats -sur 193 membres de l’ONU-, reconnaissant encore ce fantôme qu’est la RASD (République arabe sahraouie démocratique), achevant de se déliter, une tension avec le Maroc pourrait permettre de freiner l’hémorragie.
4. L’Algérie traverse une très profonde crise économique, politique, institutionnelle et identitaire. Il lui faut donc tenter de rassembler les énergies nationales et pour cela, depuis l’indépendance, elle a toujours eu recours à deux boucs émissaires : la France et le Maroc. Actuellement, pour des raisons diverses, elle a besoin de la France. Reste donc le Maroc. En espérant que cette politique de fuite en avant ne débouchera pas sur une nouvelle « guerre des sables », comme en 1963… ■
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Je sais que notre ami Bernard a un tropisme amical très fort pour le Maroc (où il est né), mais il ne faut pas oublier que ce pays prétendu ami et solide est le premier à nous envoyer des tonnes de cannabis et surtout des lilliers de « mineurs » prétendument isolés qu’il se refuse à reprendre…
Aucun de ces pays du Maghreb ne vaut mieux que l’autre ! Seigneur, que sommes nous allés faire là-bas, une fois les expéditions punitives réalisées ?
Il y a une différence: le Maroc n’est pas socialiste et reste fidèle à son alliance avec les USA ( depuis Mohamed V) malgré les demandes de De Gaulle qui ne voulait pas de bases US au Maroc en 1955, alors que l’Algérie « socialiste » a toujours privilégié son alliance avec l’URSS puis Poutine, alliance qui ne lui améne rien sinon des armes, car la Russie est sa concurrente directe pour le gaz fourni à l’Europe et a un PIB à moitié de l’Allemagne….
A noter qu’alors que le Maroc abritait à Oujda jusqu’en 1962, l’Etat major de l’ALN, ces fameux « Colonels » qui assassinèrent à Tétouan, le 27 decembre 1957, Abane Ramdane qui leur faisait de l’ombre, certains dirigeants politiques algériens en viennent à accuser Mohamed V d’avoir livré à la France, les chefs rebelles , le 22 octobre 1956, lors du détournement d’avion célèbre..
Rappelons aussi l’ expulsion de 1975, appelée également la « Marche noire » par les expulsés marocains, qui a été lancée le 18 décembre 1975 par le président algérien Houari Boumédiène, afin d’expulser en 48 heures des dizaines de milliers de Marocains résidant en Algérie, parfois depuis plusieurs générations.
Les Berbères sont majoritaires au Maroc ( comme en Kabylie) et ne sont donc pas des « moricauds » comme signalés par ailleurs mais d’origine européenne. Certes, la langue « qui structure la pensée » et la religion sont arabes . Lisez le carnet de voyage réputé périlleux de Charles de Fouauld, qui commence le 10 juin 1883 en compagnie du rabbin Mardochée Aby Serour. Charles de Foucauld se fait alors appeler rabbin Joseph Aleman. A Taourirt encerclée par la dissidence, il entre clandestinement et voit les têtes décapitées aux créneaux. ( carte postale célèbre). Il est reconnu par les habitants , qui lui demandent quand la France va enfin intervenir et retablir la paix .comme à Tlemcen !
» Pour qu’un pays soit colonisé, il faut qu’il soit colonisable »… » la Nature a horreur du vide ! »… » La France du 19 éme siécle avait besoin d’espace vital et envoyait le trop plein qui ne pouvait émigrer en Amérique, vers ses colonies. L’expansion coloniale était « physiologique ». Le phénoméne inverse actuel est du même ordre. C’est après coup que nos intellectuels habillent ces migrations de ptétextes culturels ou économiques.
D’abord je ne vois pas pourquoi on privilégierait un pays allié aux États-Unis qu’à la Russie ; au contraire. Mais enfin, les alliances, ça va, ça vient. Seul compte notre intérêt.
La France, pays le plus étendu d’Europe a toujours été le moins dense. Si nous avions aujourd’hui la densité des Pays-Bas, nous serions, je crois 350 millions. Il n’y a jamais eu de besoins de terres en France.
D’ailleurs, ceux qui ont peuplé – pour notre malheur et pour le leur – le Maghreb « français », ont été des Italiens, des Espagnols, des Maltais… et quelques milliers d’Alsaciens après 1870.
Le Maroc ne vaut pas mieux que les autres mais s’efforce de le faire croire…