Dans son Journal, à la date du 28 août, Renaud Camus donne cet étonnant et fort intéressant récit que nous publions sans autre commentaire. Nous le livrons tel quel. Les lecteurs de JSF commenteront. Et nous pourrons y revenir.
Plieux, vendredi 27 août 2021, dix heures du matin. Dînant la semaine dernière avec des royalistes ardents (venait de séjourner chez eux Mme la comtesse de Paris), j’ai compris quelque chose qui m’avait toujours échappé jusqu’à présent, alors que je me suis toujours intéressé à ces questions et que c’est un point capital.
Voici : j’ai commis l’erreur d’appeler mes commensaux orléanistes, en assumant de mon côté le rôle en grande partie de composition de légitimiste. Ils étaient furieux — sur un mode plaisant, naturellement, car ce sont des personnes fort civilisées. Ils m’ont assuré qu’ils étaient royalistes, certes, et partisans de l’actuel comte de Paris, Jean d’Orléans, mais pas du tout orléanistes. Comme nous évoquions l’exposition de Montauban sur Ferdinand-Philippe, le duc d’Orléans, « un prince idéal », ils se sont montrés très peu enthousiastes à l’égard de la Monarchie de Juillet. Le mari, un homme très savant, m’a appris que Ferdinand-Philippe proclamait avoir deux loyautés, la monarchie (ou la dynastie, ou la couronne, je ne sais plus) et la Révolution, ce que mon informateur n’approuvait pas du tout, bien entendu.
Mais surtout il est ressorti de la conversation, et c’est là que je voulais en venir, que le fils aîné de Ferdinand-Philippe, Philippe d’Orléans, comte de Paris, avait changé son nom de prétendant au trône après sa réconciliation en 1873 avec le comte de Chambord et la mort de celui-ci en 1883. De « Louis-Philippe II » qu’il avait prétendu être jusqu’alors il était passé à « Philippe VII », avec un intervalle de dix années au cours desquelles il avait reconnu Chambord comme « Henri V ». La majorité des royalistes français aujourd’hui ne sont donc pas « orléanistes » en effet mais légitimistes eux aussi, à ceci près bien sûr qu’il y a querelle de légitimité entre les Bourbon-Orléans et les
Bourbon-Anjou, branche aînée mais espagnole.
J’ai oublié de demander si l’actuel comte de Paris aspirait à être roi de France ou roi des Français. Mais la réponse semble évidente : roi de France. Même Louis-Philippe Ier paraît avoir répudié la monarchie de Juillet. En 1850, l’année de sa mort, il écrivait à sa bru, Hélène de Mecklembourg-Schwerin, la duchesse d’Orléans, mère du comte de Paris (dont nous avons vu au début du mois le portrait à Montauban, par Winterhalter) :
« Mon petit-fils ne pourra jamais régner au même titre et aux mêmes conditions que moi qui ai fini par échouer. Il ne peut régner que comme roi légitime. Il y a pour lui plusieurs manières de devenir roi légitime : si le duc de Bordeaux mourait, si le duc de Bordeaux abdiquait, si le duc de Bordeaux régnait mais n’avait pas d’enfant, Paris devient roi légitime. »
Louis-Philippe après sa chute a donc renié la monarchie de Juillet, s’est reconnu illégitime a posteriori et a, en quelque sorte, fait hommage à Henri V. Personne ne veut aujourd’hui d’une résurrection de la monarchie de Juillet et du « royaume des Français ». La monarchie louis-philipparde semble toutefois avoir eu un partisan posthume, le duc d’Aumale, qui déshérita son neveu Paris quand celui-ci décida de passer de Louis-Philippe II à Philippe VII. Or ce n’était pas rien d’être déshérité par le duc d’Aumale, lui-même héritier des Condé, la plus grosse fortune foncière en France. Mais bah, si ce n’était pas arrivé, Chantilly serait tombé dans l’escarcelle des Orléans et aurait sans doute été bradé par le comte de Paris de mon époque, le grand-père de l’actuel, ce panier percé, au lieu d’être dans le giron relativement tranquille de l’Institut de France (qui veut tout de même, si j’ai bien compris un épisode récent, faire casser une partie du testament en sa faveur pour avoir le droit de modifier l’accrochage des tableaux). ■
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Oui ; parfaitement. Accepter l’étiquette « Orléaniste », c’est se tirer une balle dans le pied.
Le ro Jean est d’abord l’héritier d’Hugues Capet et de Saint Louis.
Revendiquons d’être « légitimistes » et refusons ce titre à ceux qui ont voulu s’en emparer…
En termes précis les monarchistes d’AF sont des « fusionnistes » , c’est-à-dire des légitmistes soutenant un prince de France issu de la maison d’ Orléans mais reconnu par le comte de Chambord .
Ce qui est très révélateur est la fidélité d’un très grand nombre de monarchistes au catholicisme social , ennemi juré du libéralisme orléaniste .
Cette analyse est très éclairante !
Brillant exposé, l’actuel Comte de Paris que je préfère appeler Prince JEAN est bien l’héritier naturel des Rois de France. Quant au Prince Luis Alfonso d’Espagne, il ne peut être Roi de France, car notre pays n’a jamais accepté un Roi étranger. Nos l’avons vu avec la guerre de Cent ans, où le petit fils de Philippe IV le Bel ne put régner car étant devenu fils du Roi d’Angleterre
Très bel exposé, éclairant et renforçant nos convictions.
Merci
Parfaitement en accord avec Michel Michel!