C’est à l’été 2017, en août, que le couple Macron s’était offert une semaine de vacances dites privées à Marseille. C’était au temps post-électoral du Kairos. L’amour vainqueur et la vie opportune où l’on n’ose pas croire à son bonheur, comme dans Verlaine. Les épreuves, le désamour populaire, les gilets jaunes, la pandémie, et quelques autres incongruités, tout cela devait suivre très vite faisant du quinquennat d’Emmanuel Macron, volens nolens, plutôt cinq ans de malheur que de vie jeune et heureuse. Ainsi vont les déconvenues politiques, plus nombreuses qu’à leur tour. Macron revient à Marseille, en théorie pour combattre le terrorisme et, pour ce faire, en réalité, très probablement, arroser la ville et surtout les quartiers. On sait que cela coûte un pognon de dingue et ne sert à rien. Sur les vacances marseillaises du couple Macron, il y a quatre ans, nous avions écrit les lignes qui suivent. Naturellement, l’emprise croissante du terrorisme sur la cité phocéenne y était évoquée. Elle ne date pas d’aujourd’hui ni d’hier. Mais elle ne cesse de grandir. Jusqu’où ?
18 août 2017
On peut dire de Marseille, sans exagération, qu’elle est une capitale en même temps de l’enracinement et de la diversité. Peut-être est-ce là la raison du choix du couple Macron.
Ce double caractère de la Cité Phocéenne n’est pas nouveau. Il parcourt les siècles et même – au minimum – deux millénaires.
Maurras, parmi d’autres, comme Pagnol, a écrit de fort belles pages sur Marseille. On en trouvera trace dans ses Œuvres Capitales (« Marseille en Provence* »). Nos lecteurs, s’ils ne les connaissent pas, pourront s’y reporter, et ce serait tout bénéfice pour les Macron que de les lire.
Du côté des racines, Maurras, quant à lui, les affirme montagnardes : « Peu ou prou, nous sommes tous Gavots ». Selon lui, « la montagne est mère des hommes » et les plus anciennes familles marseillaises, il est vrai, en sont issues. D’où le solide fond de traditions populaires qui perdure à Marseille. Malgré tout, car, ouverte sur la mer et le monde, Marseille, avec ses navigateurs, ses marins et ses commerçants, partis au loin, avec ses arrivants de tous les coins du monde, a toujours été ouverte à la diversité. Elle en est aujourd’hui massivement envahie – ce qui est bien différent – au point d’être devenue méconnaissable pour ses plus anciens habitants.
On a surabondamment rappelé dans les milieux d’Action française, le jugement de Madame de Sévigné sur Marseille, parce que Bainville aimait à le citer, à le dire et redire à ses amis et admirateurs marseillais : « L’air, en gros, y est un peu scélérat ». A cet égard, il est patent que les choses n’ont guère changé, démentant ceux qui ne croient pas, en Histoire, aux permanences.
Emmanuel et Brigitte Macron, aux premières heures de leur séjour, se sont rendus au château de la Buzine. C’est le Château de ma mère, dont Marcel Pagnol a parlé en termes si délicats, souvent émouvants, toujours très vivants, en homme de théâtre et de cinéma qu’il fut toujours**. Et Pagnol, c’est, par excellence, un écrivain, un mémorialiste, un dramaturge, un cinéaste, et même, tel Virgile dont il a traduit, en vers, les Bucoliques, un poète des racines et des traditions populaires. Celles d’un peuple provençal, marseillais entre autres, qui, aujourd’hui, n’existe plus beaucoup. C’est miracle qu’il en subsiste encore nombre de traces, dans le magma diversitaire de la nouvelle démographie marseillaise et au-delà.
Mais aucune société humaine ne subsiste longtemps sans enracinement, sans conscience de son identité, sans le sentiment de former une communauté, de vivre un même destin, de participer d’une identique appartenance. L’idéologie dite diversitaire, multiculturaliste, multiethnique, se casse les dents sur ce besoin profond, anthropologique, ontologique. Simone Weil a écrit que ce besoin est, pour l’homme, le premier et le plus important de tous. Pour ceux qui croient au Ciel, ajoutons qu’elle a aussi écrit qu’un peuple sans racines est impropre à la greffe su surnaturel.
Ainsi les sociétés qui ont perdu leurs racines propres, leurs traditions anciennes, ont tôt fait d’en reconstituer ou de s’en laisser imposer de nouvelles, comme c’est le cas de Marseille, qui s’islamise, se recommunautarise à vitesse grand V.
Le Marseille que visitent les Macron, n’est plus celui de Pagnol que pour une fraction de ses habitants. Le château de la Buzine est un musée, le bar de la Marine est toujours là, vivant, comme d’autres institutions du même type, comme nombre de traditions, mais un autre Marseille lui fait face, fait ses courses au Marché Soleil, ou habite dans ces Cités impénétrables, presque intégralement islamisées, à la fois radicalisées et mafieuses, qui sont un mixte d’Islam radicalisé et de trafic de drogue – leur économie étant non pas du tout secrète, mais souterraine.
Si Emmanuel Macron s’imagine que ces deux mondes pourront coexister toujours, ou même longtemps, nous pas,
Nous n’ignorons pas que, si dans la communauté issue de l’immigration, de nombreux musulmans, qui y sont largement majoritaires, se sont, pour le meilleur et pour le pire, plus ou moins intégrés à ce qu’il nous reste de mœurs et de traditions indigènes, ils ne sont pas les plus voyants, ni les plus actifs, ni les plus décidés. A Marseille comme ailleurs, on a fait la fête les soirs d’attentats, dans certains quartiers …
De l’autre côté, celui des Marseillais de souche – plus ou moins lointaine – la colère gronde, s’amplifie …
Telle est – à trop grands traits – la situation de la métropole marseillaise où le Chef de l’Etat et son épouse auront passé leurs premières vacances présidentielles. Qui sait, s’il y en a, de quoi seront faites les prochaines ?
Ces simples aperçus montrent tout de même les limites de la pensée complexe selon Macron. Les limites du désormais fameux en même temps.
Toutes les conciliations ne sont pas possibles ni souhaitables. Arrive l’heure des affrontements, des choix, que les lourdes nécessités, les situations tragiques, finissent par imposer à qui n’a pas voulu ou n’a pas eu le courage de les décider à temps par la réflexion et l’expérience. •
* Marseille en Provence, Suite provençale, Œuvres capitales, tome IV, Flammarion, 1954
** Souvenirs d’enfance : La Gloire de mon père (1957) – Le Château de ma mère (1958) – Le Temps des secrets (1960) – Monte-Carlo, Pastorelly