Par Hilaire de Crémiers.
Les Joe Biden, comme les Macron, qui se croient élus pour diriger le monde, porteront la responsabilité de leur politique. Ils n’en paieront jamais le prix. Comme leurs prédécesseurs. C’est la loi de la démocratie.
Le monde occidental vient encore de subir une défaite. En Afghanistan, après vingt ans de présence militaire, une fois de plus, rien n’a été mené à terme convenablement, aucune politique, aucune stratégie, rien, malgré des efforts considérables militaires et financiers.
Sans que jamais rien, non plus, puisse servir de leçon, la sottise des politiques contrecarrant systématiquement le haut commandement de l’Armée quand des stratèges un peu plus avisés cherchaient à faire prévaloir des solutions de bon sens. En France, ce sont là des schémas archi-connus. Les quelques parlementaires qui s’intéressent aux questions de défense, en savent quelque chose. Et nos généraux aussi.
Un désastre prévisible
Le désastre final était, en fait, politiquement entériné, et depuis longtemps, dans l’aveuglement, le déni ou le cynisme criminel de toutes les autorités concernées. Jusqu’aux médailles à distribuer sur les cercueils pour consoler les familles et remonter le moral de la nation. Avec discours et trompettes.
Il y a là une responsabilité effrayante qui devrait intimider tout candidat aux magistratures suprêmes dans des nations qui ont été tellement démoralisées par leurs élites dirigeantes qu’elles ne savent même plus porter le poids de l’histoire.
En l’occurrence, cette responsabilité se pèse par rapport aux nations engagées sous prétexte d’alliance, ce qui est déjà grave, par rapport aux soldats sacrifiés, par rapport aux populations jetées dans le désarroi d’une guerre perdue et qui, elles, paient les pots cassés. Qui pense réellement aux Afghans, au-delà même des personnes que l’Occident a compromises et qu’il cherche à tirer d’affaire ?
Il était fatal, étant donné les plans et les opinions à l’origine de ce genre d’expéditions, que le départ tournât à la débandade honteuse et sanglante. Tout était prévisible et, pour ainsi dire, prévu. Et ce n’est pas fini ! S’imaginer que les Talibans vont agir et réagir comme un État coordonné et responsable n’a pas de sens et, encore moins, se rassurer en misant sur les querelles et les violentes agitations qui secouent les organisations islamiques et divisent leurs diverses obédiences. Ces calculs lénifiants de politiciens qui se croient malins, évitent d’appréhender la situation dans sa gravité et sa cruauté.
Le président Joe Biden qui a revendiqué son rôle de Commandant en chef des Armées des États-Unis, est, de jour en jour, de plus en plus pitoyable. Dans son attitude et ses discours. Jusque dans son élocution chevrotante. Il n’est pas à la hauteur du rôle qu’il prétend assumer. Et comment pourrait-il en être autrement, vu les circonstances et, surtout, vu les décisions qui ont été prises, plus absurdes et contradictoires les unes que les autres ? Quand on livre à l’adversaire, soi-même et à l’avance, la date de son échec ! Comme jadis, chez nous, Mendès-France et De Gaulle. L’ennemi en armes n’a plus qu’à accourir pour acter sa victoire, en criant à la libération et en s’excitant à l’épuration. Et d’autant plus intransigeant qu’il sait que tout est lâché d’avance et par principe. Pas moyen de faire autrement, dit-on pour se conforter dans son imbécillité.
Et, en effet, l’impression est donnée au monde entier, en Asie comme en Afrique, que tel est le lot obligé de l’Occident de perdre la partie, de manière répétitive. Le comble étant qu’il déploie à cette occasion des moyens de puissance technologique ahurissants. C’est qu’il doit lui manquer par ailleurs un élément essentiel au niveau du jugement et de l’intelligence politique. Qui ne le comprend ?
Le déshonneur qui le frappe en contrecoup ne modifiera pas le comportement des politiciens, insensibles par nature à ce genre de considération et de plus en plus inaptes à tous les niveaux à quelque direction que ce soit, guerre ou paix. Dans les nations dirigeantes d’Occident, pas un chef politique digne de ce nom, malgré leur prétention à tous. Aucune vision cohérente. Aucune dignité vraie. Des discours pour faire semblant de garder la main. Et jouer à l’imperator. Comme Biden ! Comme Macron aussi, que ce soit dans la crise sanitaire en France, ou dans le Sahel où il maîtrise de moins en moins la situation, ou, pas plus tard qu’hier, à Bagdad où il engage la France en faisant croire qu’il en a les moyens quand il ne contrôle plus ses banlieues ni son propre territoire. Politique de communication qui s’étale dans les médias et dont la visée est d’abord électorale. Assurément, il doit y avoir un défaut dans la sélection démocratique des chefs pour aboutir à de tels mécomptes.
Conséquences incalculables
Le drame qui ne va cesser de s’amplifier, non seulement en Afghanistan mais dans tous les pays soumis à la pression islamique, ne changera en rien les conceptions qui dominent dans la classe dirigeante occidentale, ni ne corrigera l’opinion publique – ou ce qu’on appelle telle – fabriquée sur les mêmes schémas en vue de soutenir les mêmes processus dérisoires de décisions calamiteuses. Uniformisation du même abêtissement politique par le même ressassement indéfini des mêmes faux principes dans tous les grands pôles de décision où l’illusion est donnée aux apprentis sorciers du mondialisme heureux de gouverner, de diriger, de mener le monde : politique intérieure, politique extérieure, mœurs publiques, santé, éducation, conventions sociales, religion même, tout doit afficher officiellement les mêmes doctrines et les mêmes pratiques, avalisées par les organismes inter et supranationaux, et imposées comme normes universelles au monde occidental, à défaut du monde entier qui, quant à lui, n’a rien à en faire. En Europe, en particulier, gare aux récalcitrants qui veulent garder leur libre jugement. Pourquoi s’étonner de ce qui s’ensuit inéluctablement ? La sottise politique coupable se situe au plus haut niveau !
Il y a de quoi s’inquiéter pour la France. La macronie dans ses éléments constitutifs est de cet acabit et, d’ailleurs, malgré la prétendue volonté de rupture, conforme à la succession des prédécesseurs. Les grands discours de Macron illustrent parfaitement les mêmes illusions fantasmagoriques qui, sous prétexte de visions élevées, ne cessent de couvrir nos déboires et nos effondrements. Ce ne sont que propos grandiloquents et, « en même temps », reculades effectives quand il s’agit de l’honneur français, de l’intérêt national, du simple bon sens.
Les Français qui ont gardé encore un peu de sens critique, sont bien placés pour savoir que jamais l’idéologie au pouvoir sous les allures hypocrites d’un libéralisme douceâtre et inclusif, selon le jargon actuel, n’a été plus contraignante et, en réalité, plus exclusive. Il est à craindre qu’elle ne le devienne encore davantage, pandémie et insécurité aidant, dans les mois qui viennent. Tout a été dit sur le sujet par les meilleurs esprits sans qu’il y ait jamais eu la moindre répercussion dans le cadre des institutions existantes – en France en tous cas –, ce qui constitue tout le problème, au vrai notre seul problème politique, et qui devrait susciter la réflexion de ceux qui souhaitent changer le cours des choses. Pourquoi et comment se fait-il qu’aucune réaction ne soit envisageable ? Au point que tout est joué d’avance. Cette incapacité à réagir intelligemment et efficacement aux difficultés de l’heure accroît les risques encourus quand l’environnement géostratégique aggrave les menaces. Or, ce sinistre pronostic est pour demain ; il est même pour tout de suite.
La débâcle afghane qui s’ajoute à tous les autres désastres en ne comptant pourtant que les plus récents, somalien, irakien, syrien, libyen, sahélien, comporte, comme à chaque fois, un triste bilan humanitaire, comme il est dit par euphémisme pour éviter de parler de conséquences d’une atroce inhumanité : le monde occidental est incapable de garantir sa protection ni même sa propre parole à quelque peuple que ce soit.
Plus tragiquement encore, cette succession d’événements, jamais anticipée dans leurs suites épouvantables, laisse pendante une lourde question intellectuelle, morale, pour ainsi dire civilisationnelle. Car il s’agit de la conception même de la vie.
En effet, une telle catastrophe qui sera ressentie au contraire comme une victoire dans toutes les populations hostiles au monde occidental jusqu’au fond de l’Asie et de l’Afrique, aura de funestes répercussions tant dans le monde musulman – ce qui est plus que prévisible, et pour la France singulièrement dans le Sahel – qu’au sein même des nations qui sont censées constituer ce qu’on appelle le monde libre et démocratique. L’état politique, social, spirituel de ces nations, déjà fortement dégradé et miné de l’intérieur, ne pourra qu’empirer, malade de tant de fausses idées qui pourrissent les esprits, et victime « en même temps » d’attaques de toutes sortes qui viseront de plus en plus à faire exploser le corps social. La France est concernée au tout premier chef. Elle n’échappera pas à son sort. Les discours rassurants de Macron, de Darmanin, de Dupond-Moretti, de Le Maire qui, quant à lui, est chargé d’expliquer que jamais la France ne s’est mieux portée économiquement et socialement, ne sauraient apporter une réponse suffisante et adéquate à une crise qui atteint le cœur même des institutions françaises et pèse sur leur avenir immédiat. L’élection présidentielle de 2022, présentée à cet égard comme un tout ou rien, ne résoudra précisément rien.
La situation politique se durcira, mettant en cause la légitimité des résultats dans une atmosphère de quasi-guerre civile. La politique en est réduite, au milieu d’urgences de toutes sortes, sécuritaires, sanitaires, bientôt sociales et politiques, à n’être plus qu’un jeu d’ambitions personnelles où les malheurs mêmes du pays servent d’argumentaires électoraux. À vous donner la nausée ! Inutile de revenir sur cet enchaînement de causes et d’effets qu’il devient fastidieux d’analyser, tant le mal est invétéré. Sans que jamais rien de sérieux ne soit opéré pour un véritable redressement.
Au-delà
Face à cette impasse, il convient de voir plus haut et plus large. Le mal n’est pas seulement politique ; il est fondamentalement religieux. Il n’est pas question ici de l’islam ; et, pourtant, il pose une question majeure à notre société qui n’a à proposer que son inconsistance spirituelle et le vide de sa laïcité dont la philosophie négative empêche toute réponse positive. Les dirigeants politiques en France en sont à calculer que les populations musulmanes se laisseront entraîner, elles aussi, dans le consumérisme universel et la vanité du débat démocratique. Mauvais calcul assurément !
Cependant le mal aujourd’hui se situe à un plus haut niveau. Il faut que ce soit un Michel Onfray qui rappelle au pape que l’Occident ne peut se passer de sa vraie religion, celle qui l’a constitué dans sa foi et sa destinée, et qui ne se réduit pas à un salmigondis démocratico-onusien offert au monde en forme d’unique doctrine du seul salut ! Rien d’autre que le chiffre de la Bête dont tous les fronts doivent être marqués ! Et voilà que Rome dans son discours politique officiel s’apprête à « rallier » cette République universelle, « la grande Prostituée », qui devient la vision de son eschatologie et la cité radieuse de son apocalypse.
Newman et Soloviev avaient tout anticipé sur l’Antéchrist sans imaginer une telle conclusion. La question qui se pose est telle qu’elle dépasse toute considération humaine et toute solution naturelle. Commence, comme dit le prophète, « les visions de la Nuit ». ■
Je ne me sens pas concerné par la déroute américaine en Afghanistan prévisible dès lors que l’on connait l’histoire de l »Afghanistan. Ce qui devrait être votre cas. L’hybris américaine a perdu comme en 1975 au Vietnam et comme toutes les guerres que les USA ont voulu mener depuis. Seule l’inconséquence du président Sarkozy, ce néoconservateur américain à passeport français, a prolongé une présence militaire infondée. Si les USA avaient eu une intelligence politique ils se seraient rapidement retirés de l’Afghanistan en remettant sur son trône l’ex-roi Zaher Shah pour laisser les Afghans décider entre eux de leurs destinées.
Au milieu de beaucoup de paroles justes et de commentaires pertinents, je constate que le cher Hilaire de Crémiers est demeuré, dans sa pensée profonde, à bien des billevesées qu’on nous sortait dans notre jeune époque.
D’abord l’existence d’un « Camp occidental », qui est une vaste blague par laquelle les États-Unis (dits « d’Amérique » essayent de faire croire aux Européens qu’ils en sont solidaires, de façoin à les associer à des combats fumeux et systématiquement perdus.
Pour ne parler de l’Afghanistan, qu’avions-nous à faire là ? L’Union soviétique avait au moins la justification d’une frontière commune, pour installer un régime fantoche, comme les États-Unis en ont tant et tant installé en Amérique centrale (et le pied de nez que leur a fait le Cuba de Castro. fut exemplaire !). Mais sinon ? S’emparer des ressources minières ? Pourquoi pas ; mais à ce moment-là il faut être plus réaliste et appuyer les tyrans, non les démocrates : les premiers sont aussi corrompus que les seconds, mais ils assurent l’ordre, au moins. Voir Arabie séoudite, Quatar et la séquelle.
Mais la France n’avait rien à voir là-bas ! Personne n’avait à voir là-bas.
On semble découvrir aujourd’hui que les Talibans sont tout simplement des nationalistes qui veulent que leur pays demeure en l’état traditionnel. Et alors ? Les médias sont effarés lorsqu’on cite ce sondage selon quoi 95 à 98% des Afghans veulent la « charia ». Que les femmes portent, là-bas, la burka, pourquoi pas ? C’est leur affaire ; ce qu’il ne faut pas c’est qu’elle vienne l’imposer chez nous !
Oui, les Talibans sont des nationalistes « identitaires » ; nous devrions prendre plus de réflexion avant de le leur reprocher… et d’ailleurs, il sont en butte aux attaches de AlQuaïda et de Daesch, qui sont des mouvements internationalistes qui veulent notre peau, dont le Talibanisme se contrefiche…
Et puis, ami Hilaire, faire encore le rageux sur Mendès-France et le Général qui ont pu débarrasser la France du boulet colonial !!! Merci à eux. Ç s’est passé dans de mauvaises conditions, certes, parce qu’il était beaucoup trop tard. C’est en 45 qu’il fallait partir.
Ou ne pas y aller du tout, ce qui aurait été beaucoup mieux pour tout le monde !
Il y a beaucoup d’intelligence et de lucidité dans cet article de Hilaire de Crémiers, qui , partant de la débâcle afghane , fait le triste constat de tout un déshonneur occidental que l’indignité et la sottise politique de bon nombre de dirigeants actuels de l’occident peuvent déjà aisément expliquer .
Mais, au-delà de ce constat très affligeant, que serait-il judicieux de faire ? Le haut commandement de l’Armée , que l’on sait particulièrement avisé , pourrait peut-être y apporter des réponses et nous redonner à tous des raisons d’espérer envers et contre tout, me semble-t-il !
Bien cordialement .
Ne serait il possible de voir aussi , maigre consolation , deux « réussites » américaines dans cette histoire : la mise hors circuit de Ben Laden ( acte de justice ) , enfin , la capacité d’évacuation de plusieurs dizaines de milliers de personnes menacées , comme prises dans un piège, en de brefs délais ?
Sinon , les E.U ont ils besoin d’exporter leur modèle démocratique , les Afghans sont ils demandeurs ?
Mise hors d’état de nuire de Ben Laden ? À part la vengeance personnelle, quel intérêt ? Dans tous les groupes (Mafia comprise) quand le n°1 est éliminé, le n°2 le remplace. Et ainsi de suite…
@Pierre Builly
La mise hors d’état de nuire pouvait être « par principe » ; mais sans un tel déploiement de moyens et pour une si longue durée , avec tant de morts et un tel coût . Réussite entre guillemets , donc .
Pour l’évacuation de grande ampleur , réussie ; elle n’aurait cependant eu raison d’être si les EU n’avaient initialement « sur-réagi » .
Si un numéro 2 remplace un numéro 1 , et ainsi de suite il y a une organisation ; cela ne peut il s’ infiltrer sans aller en fanfare avec tambours et trompettes ?
Cela étant , d’accord avec le fait que la France n’a pas à jouer la mouche du coche .
Aussi d’accord avec la fin du « Camp occidental » maintenant que l’URSS a disparu .
Si je comprends bien Pierre Builly, de défaites en défaite, le camp occidental « qui n’existe pas » vogue vers la victoire finale. Rien ne sert à rien,: tuer Ben Laden , réprimer Sétif ( Ch. De Gaulle et Ch. Tillon aux manettes à Paris), vouloir imposer son point de vue à des peuplades qui n’en ont rien à cirer et accessoirement viennent jusque sur nos côtes ( « jusque dans nos bras ») égorger et asservir nos fils et nos compagnes… « billevesées » que tout ce fourbi idéologique… Et au fait, pourquoi nos Rois sont-ils allés imposer le langue française aux Bretons ou aux Corses, pourquoi la République naissante a-t-elle massacré Toulon rebelle et pro anglaise, pourquoi ne nous en tenons nous pas à notre pré carré du petit Roi de Bourges ? Qu’avait donc dans la tête cette petite Lorraine incongrue partie de Donrémy, pourquoi au juste ?
Puisqu’on vous dit que la France se suffit à elle même, que le petit Liré vaut mieux que tous les Monts Palatins du monde pourvu qu’on reste surtout entre soi ?
Oh là, c’est un peu facile comme attaque ad hominem.
La création de la France telle qu’elle est aujourd’hui est un petit miracle volontariste de nos Rois, qui ont essayé d’aller jusqu’aux frontières naturelles de cette péninsule bénie des dieux qu’ils devaient défendre contre les envahisseurs.
Et ils y seraient parvenus, malgré l’Angleterre en annexant la rive gauche du Rhin. Puis plus besoin d’aller ailleurs.
Les bêtises des guerres d’Italie remisée s, ils n’auraient pas commis les folies napoléoniennes.
La France n’a pas de vocation impériale, mais nationale, c’est tout.
Sur l’Algérie, dite française (dont j’ai été, comme beaucoup partisan ici), je m’étonne après le livre de Jean Sevillia, qu’on puisse penser qu’on pouvait demeurer là bas.
Illusions tenaces. Et avant d’envoyer nos braves soldats se faire tuer pour un prétendu « Occident » en Afghanistan ou au Mali, occupons nous de récupérer nos banlieues… si c’est encore possible. Y
Hilaire de Crémiers pointe avec beaucoup d’intelligence et de précision les failles de nos dirigeants Je pense au mot de Boutang sur notre « société qui n’a rien à transmettre ».. Le combat est bien eschatologique -et les citations de Soloviev et Newman sont les bienvenues- entre ceux qui donnent sens à notre vie poids à notre vie « ( , les constructeurs, et les destructeurs « selon Ferrero) . Il y a bien un héritage à défendre : Jérusalem, Athènes et Rome disait le pape Benoît XVI pour parler de l’Europe. Nous sommes toujours dans le combat avec l’Ange.
Cette Europe de l’‘esprit, si chère à l’agnostique Stefan Zweig, n’est-elle pas morte en 1919, sous les coups conjugués de Wilson et de Clémenceau, cette Europe devenue la proie des « soldats de l’idéal pour l’un et d’une idéologie tout autant désincarnée pour l’autre. ..Stefan s Zweig s’est suicidé en 1942 à Petrópolis malgré une visite de Bernanos, venu en confrère le réconforter. . Stefan Zweig nous renvoie à cette image : « Vous avez détruit ma patrie spirituelle, l’Europe et vous m’avez tué., je n’ai pu survivre que 23 ans. »
Ne parlons pas de la lucidité prémonitoire de Bainville ! L’Europe, la vraie ne serait pas une notion vide vouée à la mondialisation sans âme, et elle inclut bien sûr la Russie, qui fait partie de notre héritage.
Quant à l’occident il en dérive, certes avec les Etats-Unis qui sont une excroissance ambiguë de l’Europe, devenue pour une part, grand prêtre du mondialisme, de la société de consommation. A nous de faire le tri comme Hilaire le fait pour défendre l’héritage contre l’idéologie libérale destructrice des enracinements et donc des nations.
Pierre Builly m’excusera – mais de Gaulle à mon sens ne nous a pas libéré du » boulet de l’Algérie » , – qui reste entier, pas plus que Mendes de celui de l’Indochine.. En ce qui concerne l’Algérie Hélie de saint Marc en témoigne éloquemment comme aussi la tragédie des harkis ! ( Pour le Vietnam il y a bien aussi eu abandon dans la forme et le fond et ensuite voué ensuite à la politique de Gribouille USA.
Il y avait en Algérie une autre voie, utopique ? Non plus haute, par exemple voir « cette haine qui ressemble à l’amour, » ce livre de Jean Brun, cet accueil dans les vraies différences. Aujourd’hui encore il n’y a pas d’autre moyen que d’élever le débat par rapport aux dé-constructeurs, pour penser et réguler l’immigration.
Je reprends pourtant vos termes. Quant à votre nom, vous signez et je signe. Quand vous dites que mes aieux ont apporté le malheur à l’AFN, je pense que vous assumez. Quand vous dites que la conquéte coloniale n’était pas dûe à l’espace vital, expliquez moi pourquoi on déportait les insurgés de la Commune mais aussi de 1848, etc…, pourquoi des Parisiens qui crevaienr de faim sont allés mourir aux cascades de Tlemcen pour ouvrir des voies et construire la phare de Rach Goun ( par exemple). 1830, 1848, 1870, les révoltes successives des Canuts à Lyon , celles des vignerons du midi réprimées par Clemenceau ( 1907), c’était donc pour le plaisir de mettre le désordre ? En réalité, l’expansion coloniale française était physiologique, tout comme l’arrivée massive de l’Afrique en Europe l’est actuellement. Les grandes migrations se font le ventre vide . Les Européens actuels ont le ventre plein et ne font plus d’enfants, ils n’aspirent qu’à leurs « acquis sociaux », au remboursement par le Sécu à 100 % mais payé par qui ?, comme Rome utilisait ses Gaulois et ses Germains pour ne plus faire le job. On a vu les suites ( 476)….
On déportait les insurgés, en Guyane, en Nouvelle-calédonie ou au Maghreb… pour les déporter ! C’est tout simple.
Pierre Chaunu, le grand historien, nous avit dit, lorsque nous étions allés l’interviewer pour JSF en 78 ou 79, que la décrue démographique avait commencé, en France, au milieu du 18ème siècle ; tout simplement parce que les progès de la médecine et l’élévation générale du niveau de vie faisaient que les paysans français n’avaient nulle envie que leurs propriétés soient partagées entre 12 ou 15 enfants comme chez les sauvages.
La France, grande et vide, n’a jamais eu besoin d’envoyer ses sujets émigrer, mais bien plutôt a eu besoin d’en importer. Certes, de l’Aveyron sont partis quelques dizaines de braves gens vers l’Argentine, de l’Ubbaye un peu davantage vers le Mexique (j’y ai de la famille !) ; quelques Basques aussi.
Mais il n’y a jamais eu de départs massifs comme les Irlandais, les Italiens , les Polonais ou les Boches. Ça n’a rien à voir ; tous ces gens crevaient de faim chez eux.
Charles X a envoyé une expédition punitive vers l’Algérie, mais après 1830, que faire de ces terres musulmanes ? Je l’ai déjà dit : Espagnols, Italiens, Maltais y ont profité de la protection française. Et, après 1870, quelques milliers d’Alsaciens-Mosellans.
Si l’on veut coloniser et prendre racine sur un territoire, il faut faire comme les Anglo-Saxons (ou les Espagnols) : génocider la population locale. Cette horreur a donné les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et toute l’Amérique du Sud.
En France, nous n’avions pas besoin d’aller voir ailleurs :nous avions tout.
Nous n’avions rien à faire là-bas, pas plus qu’en Afrique noire, occupée par les missionnaires de la République… Mais la mode était aux empires
Bien que je respecte M. Barisain-Monrose, je partage l’avis négatif de Pierre Builly sur la colonisation, tout en inversant son raisonnement: la colonisation fut une catastrophe essentiellement pour le colonisateur.
Antiquus: il ne s’agit pas d’avoir un avis positif ou négatif sur la colonisation, d’ailleurs très diverse, entre l’Algérie, le Maroc , et l’Afrique noire, il s’agit d’avoir un autre regard, de reconnaitre la complexité humaine de ce qui a été vécu, le poids des vies souvent consacrées de bonne foi à une œuvre, qui laisse des traces , il y a quand même eu Lyautey reconnu par les Marocains. ( et d’autres plus obscurs se dévouant à leur tâche , je pense à certains gouverneurs et de savoir que les populations peuvent légitiment en garder une nostalgie, même en Algérie, ( bien des personnes peuvent en témoigner dont…) ce qui est bien sûr complètement ( et scandaleusement ) ignoré par le discours ambiant idéologique, autosatisfaisant . Ne parlons pas par charité du discours de certains dirigeants, qui jouent la carte du ressentiment et de l’aigreur devant leur échec et leur corruption profonde. . Le chemin de la réconciliation passe par le haut et cette reconnaissance mutuelle, non par le mensonge d’Etat. Rude tâche aujourd’hui où on laisse chez nous le champs libre par pure lâcheté aux destructeurs de tout poil. Abstenons nous donc de tout jugement réducteur, et au travail.
« On déportait les insurgés, en Guyane, en Nouvelle-calédonie ou au Maghreb… pour les déporter ! »
C’est évident que le Pouvoir, bien content d’être en place aux dépens du précedent, se débarrassait des « activistes » qui l’avaient aidé, comme De Gaulle fit en 1958, mais cet argument ne dit pas pourquoi ils s’étaient révoltés. Le probléme de l’espace vital n’est pas que la terre ( « la marâtre nature ») encore que les taches solaires et la mauvaise récolte des années 1789 seraient en partie à l’origine de la Révolution, mais bien l’économie en général. Les Parisiens ( relire « la vie de bohéme » de Murger), les Canuts lyonnais mouraient comme des mouches : la loi taxant les portes et fenêtres favorisait la tuberculose ( Victor Hugo), Hausmman avec ses percées boulevardières rejetait des miséreux en banlieue sans barguigner. Certes , c’est toute l’Europe qui fuyait la dèche vers les USA et ceux qui ne pôuvaient y parvenir, vers les Colonies les plus proches, poussés par un Pouvoir qui ne savait qu’en faire en les parquant, en attendant, au Havre ou à Cherbourg. Je répète: la colonisation était une phénomène physiologique comme la puberté ou la vieillesse.
Actuellement, les Sub sahéliens ont la terre immense d’Afrique à leur disposition, mais ils fuient la misére économique, comme nous au XIXème siécle. Qui en est responsable: eux, nous , le climat, les flux financiers ? Cela est une autre affaire mais ne change rien au probléme.
Personne n’a fui la France en partant vers des horizons mythiques et idéalisés.
On va en rester là.
» Personne » ? Oui Pierre Builly: les miens ont fui une France qui ne les nourrissait plus. J’ajoute que le pouvoir leur faisait miroiter des avenirs idéalisés. Une partie a « fui » vers « Batons Rouges » mais les autres vers Tlemcen ou Assi ben Okba, où ils mouraient très jeunes, le survivant ou plus souvent la survivante se remariaient dare dare pour sécuriser les rejetons . Pousquoi des filles agées de 16 ans ! épousaient-elles des veufs de 40 ans ? Pour le « fun » ? J’ai toute une généalogie à vous fournir. J’avoue ne pas comprendre votre phrase Et les vignerons ruinés par le phylloxera qu’on poussait en AFN en leur tirant dessus, ne fuyaient-ils pas une France qui n’avait rien d’autre à leur proposer.
Le « stupide XIX éme siécle » en France n’était pas un long fleuve tranquille où chacun avait sa place…
Doux jésus ! Vais-je devoir encore passer des heures à argumenter pour quelqu’un qui fait mine de ne pas comprendre !!
Bien sûr qu’ici et là, dans des cas et des coins particuliers, des Français ont pris le parti de s’exiler ; dans un précédent message, je citais les Aveyronnais de Piguë (Argentine). Il y a eu des Basques en Uruguay. Et une partie de ma famille maternelle est partie au Mexique (ce sont les fameux « Barcelonette », dont, d’ailleurs, beaucoup sont revenus fortune faite (pas les miens hélas !).
Mais il n’y a pas eu en France l’émigration MASSIVE qui a touché les Irlandais, les Allemands, les Polonais, les Italiens, ceux qui ont peuplé les États-Unis. Et les Anglais. qui – au début déportés – sont partis pour l’Australie.
Pourquoi cela ? Parce que la France est vaste et peu peuplée ; parce que, d’une façon générale, dans la plupart de ses provinces – et hors mauvais moments conjoncturels, peste ou famine -, elle a été bien plus prospère que ses voisins.
Ce n’est donc évidemment pas la pression démographique qui a conduit à la colonisation, mais le goût de l’aventure ou l’envie de faire fortune. La France n’a jamais eu de colonies de peuplement. À part l’Algérie où – lisez donc Sévillia !- il y avait beaucoup plus d’Italiens (à l’Est), d’Espagnols (à l’Ouest) et de Maltais que de Français d’origine.
Une colonie de peuplement, c’est un territoire où les populations originelles sont éliminées ou réduites à presque rien : États-Unis, Argentine, Australie, etc.
Et Antiquus a bien raison : c’est pour nous que la colonisation a été une catastrophe. Il n’y a pas eu, en France métropolitaine le moindre aménagement important du territoire entre la fin de la guerre de 1914 et… la mise en service du TGV en 1981. La liaison autoroutière complète entre Paris et Lyon ne fut achevée qu’en 1970. La faute aux colonies, qui ont pompé nos sous…
Mais bon, il y en a encore qui croient aux empires…