Par Bernard Lugan.
Dans son numéro 80 du mois d’août 2016, alors que la « question peul » ne se posait pas encore, l’Afrique Réelle publia un dossier intitulé : « Quand le monde peul s’éveillera, le Sahel s’embrasera ».
Aujourd’hui, ce n’est plus le seul Sahel qui est embrasé par la revendication peul puisque, outre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, le Nigeria, le Tchad et la Centrafrique sont désormais concernés.
Qui sont les Peul ? C’est à cette question qu’est consacré ce numéro spécial de l’Afrique Réelle.
Chassés du Sahara par la péjoration climatique, un phénomène qui débuta il y a 4000 ans, les pasteurs Peul ont, depuis, essaimé dans tout l’ouest africain, suivant le recul des pâturages. Aujourd’hui, en butte à l’hostilité des agriculteurs qui colonisent peu à peu leurs couloirs de transhumance, victimes de la « rapacité de la houe », les Peul ne s’identifient pas aux Etats dans lesquels ils vivent, et que certains ne font que traverser. D’autant plus qu’à l’exception du Nigeria et du Cameroun, la colonisation a inversé le rapport de force précolonial au profit des sédentaires. Après les indépendances, grâce à l’ethno-mathématique électorale, ces derniers héritèrent du pouvoir dont les Peul furent totalement exclus.
L’hostilité qui, dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo et du Bénin, entoure désormais les Peul, vient du fait que leur transhumance se fait depuis un Sahel largement contrôlé par les jihadistes. La crainte des populations et des autorités est donc que des terroristes s’infiltrent parmi les pasteurs.
Cette inquiétude n’est pas infondée. Cherchant à étendre leur zone d’action vers le littoral atlantique, les jihadistes ont en effet besoin d’une assise ethnique. Voilà pourquoi, soufflant sur les braises du ressentiment, ils recrutent des combattants parmi ce peuple de 40 millions de membres dispersé sur 15 pays. Désormais, le risque est grand en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Togo et au Bénin, dont les régions de l’extrême septentrion sont englobées dans les zones de nomadisation des Peul. D’autant plus que, depuis deux ou trois décennies, dans tout l’ouest africain, nombre de Peul sans bétail constituent un prolétariat manipulable et prêt à toutes les aventures.
Comme je l’explique dans mon livre Les guerres du Sahel, des origines à nos jours, les Peul se trouvent donc, le plus souvent contre leur gré, placés au cœur de plusieurs conflits hérités de la longue histoire régionale, du temps d’ « avant les Blancs ». Sans leur connaissance, les observateurs et les journalistes sont condamnés à la superficialité des analyses.
Rallumés par le jihadisme et nourris par une suicidaire démographie dont la conséquence est la lutte pour la terre et les pâturages, ces conflits font peser une menace supplémentaire sur la stabilité déjà bien fragile d’une vaste partie de l’Afrique. ■
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N’y a t-il pas aussi 30% de la population guinéenne constitué de Peuls?