Par Pierre Builly.
Qui plus que lui a incarné le cinéma, la joie de vivre, le rire, le courage physique, le charme, une certaine forme d’esprit français ?
À l’heure d’écrire un message sur la mort que l’on vient d’apprendre, on est bien embarrassé. On savait bien qu’il n’était plus tout jeune et surtout qu’il avait subi, en 2001, un très grave AVC qu’il avait à peu près surmonté grâce à une volonté et un courage phénoménaux.
On savait bien qu’il avait disparu des écrans depuis vingt ans et que ses derniers films n’étaient pas au niveau de ceux de sa jeunesse et de sa maturité. On avait même eu un peu honte pour lui lorsqu’on l’avait vu dans les sinistres Joyeuses Pâques de Georges Lautner qui date pourtant déjà de 36 ans (1984) ; et ce qui avait suivi était bien attristant : Le solitaire de Jacques Deray (1987), itinéraire d’un enfant gâté de Claude Lelouch (1988), l’Inconnu dans la maison de Georges Lautner encore (1992), Une chance sur deux de Patrice Leconte (1998), Amazone de Philippe de Broca (2000) et le sinistre Un homme et son chien pitoyable remake d’Umberto D de Vittorio De Sica par le malandrin Francis Huster. Dans ses dernières années, qui ne furent pas brillantes, Jean Gabin a pu au moins tourner deux grands films, La Horse (1971) et surtout Le chat (1971) tous deux de Pierre Granier-Deferre.
Mais avant ce dernier tiers de siècle un peu triste, quelle merveille fut Belmondo ! Qui plus que lui a incarné le cinéma, la joie de vivre, le rire, le courage physique, le charme, une certaine forme d’esprit français ? Je viens de me plonger dans sa filmographie et à chaque ligne, ou presque, je m’émerveillais. Un talent qu’on pouvait repérer dès son premier tournage (Les copains du dimanche (1957), excellent film ouvriériste d’Henri Aisner) ; et puis, l’éclatement, l’explosion dès À bout de souffle (1960), un des rares Godard regardables. Et le choc très bien tenu face à Sophia Loren, la même année dans La ciociara de Vittorio De Sica… Et puis les films de Melville, Verneuil, Malle, Truffaut, Rappeneau…
Changement de pied : les films comiques – les bien moyens (ceux d’Oury (Le cerveau, L’as des as) – et les très brillants (ceux de Philippe de Broca Le Magnifique, L’Incorrigible ; et toute la série de Boum-boum, si délicieux à voir dans leur jus, parmi lesquels les meilleurs me semblent Flic ou voyou de Georges Lautner(1979) et Le professionnel de Jacques Deray (1984).
Et voilà ; au moment où il vient de rejoindre le Paradis (il m’est inimaginable qu’il n’y soit pas : le Bon Dieu a besoin de lui), je songe au plus extraordinaire des films d’aventure et de bonheur : L’homme de Rio de Philippe de Broca. Qui n’a pas vu cette merveille n’est pas à plaindre mais à envier : il va pouvoir la découvrir. ■
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