L’opinion mondiale croyait que les États-Unis avaient porté un noir à la présidence de l’Amérique. L’on dut s’aviser ensuite et encore aujourd’hui à l’examen de son livre de mémoires qu’ils avaient surtout élu un patricien américain, sinon par filiation, du moins par son esprit, son intelligence et sa culture, dans ce qu’elle a de pire et de meilleur. Ces lignes sont extraites du premier volume des mémoires de Barak Obama. Pourquoi les publions-nous ? Parce qu’elles expliquent substantiellement l’engagement afghan des États-Unis, sa source (évidemment les attentats du 11 septembre, meurtriers et symboliques, vécus comme un Pearl-Harbor islamique), leur soif de vengeance, voire de punition, au sens antique mais aussi quasi religieux. À l’américaine. Ses limites aussi, sans-doute, qui expliquent le retrait actuel, lequel, au fond, n’eût été le messianisme démocratique américain, aurait dû se faire à la suite de l’acte conclusif narré ici avec style et talent, par Barak Obama. L’hyperpuissance a ses grandeurs que l’on aurait tort de ne pas voir. Mais aussi ses faiblesses qui pourraient bien tenir à cette dangereuse synthèse qu’ils ont opérée d’origine entre sentimentalisme chrétien et idéologie des Lumières. Les résultats pour le monde, en tout cas occidental, sont tout sauf fameux.
JE ME SUIS LEVÉ DE BONNE HEURE le lendemain, avant l’appel rituel du standard de la Maison-Blanche pour me réveiller. Exceptionnellement, nous avions annulé toutes les visites de l’aile ouest pour la journée, partant du principe que des rendez-vous importants nous attendaient. J’avais néanmoins décidé de faire une rapide partie de golf avec Marvin, comme souvent les dimanches tranquilles,. afin de ne pas laisser soupçonner qu’il pouvait s’agir d’un jour particulier, mais aussi pour être au grand air plutôt que dans la salle des Traités à consulter sans cesse ma montre.
C’était une journée fraîche et sans vent, et je n’ai pas bien joué, perdant même trois ou quatre balles dans les bois. En regagnant la Maison-Blanche, j’ai pris des nouvelles de Tom. Il était dans la salle de crise, avec le reste de l’équipe, et s’assurait que nous soyons prêts à parer à toute éventualité. Au lieu de le distraire par ma présence, je lui ai demandé de me prévenir lorsque les hélicoptères transportant les SEALs auraient décollé. Je suis ensuite allé dans le Bureau ovale, où j’ai tenté de lire quelques documents, mais sans succès : mes yeux survolaient les lignes sans rien intégrer. En désespoir de cause, j’ai appelé Reggie, Marvin et Pete Souza — qui, entre-temps, avaient été mis au courant de ce qui se tramait — et nous nous sommes installés tous les quatre dans la salle à manger pour jouer à l’atout pique.
À 14 heures (heure de Washington), deux hélicoptères Black Hawk modifiés dans une version furtive ont décollé de Jalalabad avec à leur bord vingt-trois SEALs, un interprète américano-pakistanais de la CIA et un chien militaire nommé Cairo, sonnant le coup d’envoi de l’opération baptisée Neptune’s Spear (Trident de Neptune). Ils avaient quatre-vingt-dix minutes de vol jusqu’à Abbottabad. J’ai abandonné ma partie de cartes et suis retourné à la salle de crise, convertie en salle de contrôle. Leon était en liaison vidéo avec le siège de la CIA et nous relayait les informations transmises par McRaven, lui-même en lieu sûr à Jalalabad et en communication permanente avec son équipe. Dans une atmosphère évidemment tendue, Joe, Bill Daley et l’essentiel de mon équipe de sécurité nationale — dont Tom, Hillary, Denis, Gates, Mullen et Blinken — étaient assis autour de la table de réunion. Ils m’ont exposé notre plan d’action diplomatique, en cas de réussite comme d’échec, vis-à-vis du Pakistan et des autres pays. Pour le cas où Ben Laden serait tué pendant le raid, toutes les dispositions étaient prises pour que le corps soit immergé en haute mer, conformément aux rites funéraires musulmans, évitant ainsi de créer un lieu de pèlerinage pour les djihadistes. Au bout d’un moment, j’ai deviné qu’ils ne faisaient que me récapituler le travail déjà accompli et, craignant de les déconcentrer, je suis remonté à l’étage. J’en suis redescendu juste avant 15 h 30, quand Leon m’a annoncé que les Black Hawks approchaient du complexe.
Il était prévu que nous suivions l’opération par l’intermédiaire de Leon, car Tom redoutait qu’une communication directe avec McRaven ne laisse croire que j’étais aux commandes de l’opération, ce qui constituerait une faute professionnelle et serait politiquement périlleux en cas d’échec de la mission. Mais, en me rendant à la salle de crise, j’avais remarqué un écran, dans une petite salle de réunion de l’autre côté du couloir, qui diffusait des images aériennes en direct. Lorsque les hélicoptères sont arrivés au-dessus de la cible, je me suis levé de ma chaise et j’ai dit : « Il faut que je voie ça », puis j’ai foncé dans l’autre salle. J’y ai trouvé le général de brigade Brad Webb, assis devant son ordinateur. Il a essayé de me céder son fauteuil, mais je lui ai dit : « Restez assis », en lui posant une main sur l’épaule, et j’ai approché une chaise. Webb a fait savoir à McRaven et à Leon que j’étais à côté de lui et que je regardais les images. Quelques instants plus tard, toute l’équipe est venue se tasser dans la petite salle.
Pour la première et unique fois de ma présidence, j’assistais à une opération militaire en temps réel. Des formes spectrales traversaient l’écran. Nous étions là depuis une minute à peine quand l’un des Black Hawks a légèrement vacillé au cours de sa descente et, avant que j’aie le temps de comprendre ce qui se passait, McRaven nous expliquait que l’hélicoptère avait perdu momentanément de la portance et touché un des murs du complexe. Une décharge de frayeur m’a traversé pendant qu’un film catastrophe se jouait dans ma tête : l’appareil s’écrasait, les SEALs s’en extirpaient péniblement juste avant qu’il ne prenne feu, tous les habitants du quartier sortaient dans la rue pour voir ce qui se passait pendant que l’armée pakistanaise se précipitait sur les lieux. Mais la voix de McRaven a interrompu mon cauchemar.
« Rien de grave, a-t-il dit comme s’il examinait son pare-chocs après avoir accroché un chariot sur le parking d’un supermarché. C’est notre meilleur pilote, il va se poser sans encombre. »
Et c’est exactement ce qui s’est produit. J’apprendrais par la suite que le Black Hawk avait été pris dans un tourbillon dû à des températures plus élevées que prévu et à l’air projeté par le rotor qui était resté coincé entre les hauts murs du complexe, obligeant le pilote et les SEALs à improviser leur atterrissage et leur sortie. (Le pilote avait volontairement posé la queue de l’appareil sur le mur pour éviter de s’écraser.) Mais, sur le moment, je ne voyais que des silhouettes granuleuses qui se mettaient promptement en position avant de pénétrer dans la maison. Pendant vingt minutes insoutenables, même McRaven n’a eu qu’une vision limitée de ce qui se passait — ou alors il taisait les détails de la fouille méthodique menée par son équipe. Et puis, avec une soudaineté à laquelle je ne m’attendais pas, nous avons entendu McRaven et Leon prononcer, presque au même instant, les mots que nous espérions et qui signalaient l’aboutissement de plusieurs mois de préparatifs et de plusieurs années de collecte d’informations : « Geronimo identifié… Geronimo abattu. »
Oussama Ben Laden — nom de code « Geronimo » pour les besoins de cette mission —, l’auteur du pire attentat terroriste de l’histoire des États-Unis, l’homme qui avait commandité le meurtre de milliers de personnes et fait basculer le monde dans une période tumultueuse de son histoire, avait été puni par une équipe de Navy SEALs de l’armée des États-Unis. J’étais comme hypnotisé par ces images.
« On l’a eu », ai-je soufflé. ■
Voir l’éditorial de Louis-Joseph Delanglade
Le Pb principal, pour moi, concernant les USA et les autres pays civilisés don t la FRANCE, c’est qu’ils possèdent l’Arme absolue, nucléaire ou cobalt, MAIS que nos adversaires savent que ces armes ne seront jamais utilisées
Les Américains n’ont plus un démocrate comme Harry TRUMAN de 1945 ,et les Républicains un Douglas MAC ARTHUR, qui se vit opposer un refus par TRUMAN lors de la guerre de Corée
« les États-Unis sont la seule nation au monde à être passée de la barbarie à la décadence sans jamais avoir connu la civilisation »
Cette citation qui fait florès a été attribuée à Einstein mais personne ne sait exactement qui en est l’auteur.
Je croyais que c’était Mark Twain, mais il a dit plus simplement : « Dieu a créé la guerre pour que les Américains apprennent la géographie »
« Géographie et démographie » sont au coeur de la géopolitique d’après Zemmour qui attribue cette notion à son idole De Gaulle;
Mais ne faudrait-il pas d’abord définir ce qu’est une civilisation ? Et en quoi une civilisation est-elle supérieure à une autre ? Les Mayas qui parquaient dans des cages, des êtres humains (et pas seulement des ennemis), pour leur arracher le coeur lors de grandes fêtes, les Incas qui sacrifiaient des jeunes filles au sommet de montagnes pour faire tomber la pluie, les Carthaginois qui faisaient pareil avec l’ainé des grandes familles, j’en passe et des meilleurs, étaient de grandes civilisations et ont fondé des Empires…
La justice ou l’état de Droit sont ils le garant d’une civilisation ?… Il est amusant que le même Zemmour crie soudain au viol de la liberté d’expression après le CSA, alors qu’il ne cesse de faire l’apologie de Napoléon et de De Gaulle qui la violaient allègrement.