Par Pierre Builly.
Starship troopers de Paul Verhoeven (1997).
Servitude et grandeur militaires.
Introduction : Ce film de science-fiction, situé dans un futur lointain est une libre adaptation de « Étoiles, garde-à-vous ! » de Robert Heinlein.
L’histoire suit plusieurs jeunes gens durant leur formation militaire puis pendant une guerre interstellaire entre l’humanité et un peuple extra-terrestre nommé Arachnides ou Bestioles. Carmen entre à l’académie des pilotes spatiaux tandis que Carl choisit d’être officier scientifique. Dizzy et Johnny s’engagent dans l’infanterie mobile. Ce sont eux qui affronteront en première ligne les puissants guerriers arachnides lors de l’attaque de la planète Klendathu par la Fédération terrienne.
À la sortie du film, certains critiques de gauche avaient écrit, devant la lutte sans merci que se livraient Humains et Arachnides que c’était le militarisme qui était source et cause de tous nos malheurs. D’autres, mieux inspirés, ont estimé que les deux sociétés étaient aussi expansionnistes, totalitaires et belliqueuses l’une que l’autre, et qu’en fait le combat acharné, vital et sans merci qu’elles se livrent venait simplement parce que les deux espèces étaient absolument incompatibles et l’une à l’autre incompréhensibles.
Certes, le livre de Robert Heinlein, le faucon de la science-fiction américaine, dont le film est issu, est une vibrante exaltation du Devoir, du Sacrifice, de l’Abnégation, de la Loyauté à son peuple et à ses chefs, du courage physique, tout cela constituant le fond de commerce du militarisme, j’en conviens bien volontiers (mais, parallèlement, on ne peut pas vraiment dire que ces traits de caractères ne sont pas des vertus, au sens noble et ancien du terme).
Mais de surcroît on ne peut pas dire non plus que Paul Verhoeven n’ait pas mis son large grain de sel dans l’adaptation. Et la visualisation qu’il donne va, il me semble, de plus en plus dans un sens martial, en tout cas nullement pacifiste, ni même pacifique.
On peut se gausser à bon droit de cette société terrienne militarisée, sans déviance, où les individus semblent être eux aussi des insectes grégaires, triés, sélectionnés sur des critères scientifiques et écartés, quand ils ne réussissent pas les tests, de tout avenir éclatant. Certes. Je donne acte bien volontiers à ceux qui auront vu du sarcasme derrière ces débuts, et une critique assez vive de l’enrégimentement.
Seulement… seulement au fur et à mesure qu’avance le film, on se trouve devant la nécessité absolue, impérative de se plier aux prescriptions et interdits de l’organisation, parce que, en face, la forme de vie et d’intelligence représentée par les Bestioles est si radicalement impénétrable, étrangère et inaccessible qu’on n’est plus dans le domaine de l’incompréhension génératrice des batailles, des ambitions de certains cyniques, créateurs de conflit, mais dans une lutte forcenée pour sauver sa peau. Et ce diable de Verhoeven ne nous laisse plus trop respirer… ni choisir.
En d’autres termes, on n’est plus dans un empyrée moral où l’on peut – à juste titre – s’interroger sur la légitimité du combat, mais dans une peur primale qu’il faut surmonter pour survivre. Pour revenir (un instant !) sur Terre, c’est un peu comme un pitbull qui vous saute à la gorge : peu importe qu’il ait été martyrisé dans une cave pour devenir un fauve, et que les vrais coupables soient ses maîtres tortureurs : lorsque vous pouvez abattre la bête avant qu’elle vous arrache le visage, vous ne vous posez plus de question.
Et c’est exactement comme ça qu’avance le film : les niquedouilles prétentieux ou sommaires du début vont affronter une sorte d’horreur absolue et s’en sortir par des valeurs de Discipline, de Dévouement, de Sacrifice.
Sauf à juger que la métaphore est si claire que les Bestioles sont – forcément ! – une incarnation des terreurs profondes des WASP des États-Unis – Vietnamiens, Noirs, Homosexuels, Drogués, Jeunes – ce qui me paraît tout de même aller chercher bien loin, il me semble que la Guerre, que la Nation en guerre, avec ses censures, ses évidentes et nécessaires restrictions des libertés, ses ravages, ses injustices épouvantables, est au cœur même du monde animé et que chercher de la Morale là où elle n’a pas lieu d’être est d’une grande vanité.
Et, si je ne lâche pas ma bombe sur Hiroshima, est-ce qu’on croit que le pitbull japonais me léchera le museau d’une langue tiède et affectueuse ? ■
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