PAR RÉMI HUGUES.
Les plans de soutien à l’économie lancés par la Banque centrale européenne de Christine Lagarde à partir de la crise du Covid-19 sont en train de provoquer une flambée des prix. Les grands médias rendent compte sans relâche depuis quelques jours de l’accélération de l’inflation, cela n’aura échappé à personne.
Le 17 décembre 2020 la Commission finalisait son programme appelé « NextGenerationEU » qui prévoit d’injecter pas moins de 2 018 milliards d’euros (en prix courants ; il s’élève à 1 800 milliards aux prix de 2018) dans l’économie de pays de l’Union européenne. Une somme absolument considérable qui ne peut être obtenue qu’en faisant fonctionner à plein la planche à billets.
Voici ce qu’écrivait Pierre Mendès France le 6 juin 1945 dans sa lettre de démission du poste de ministre de l’Économie nationale, et sur quoi nos dirigeants politiques devraient méditer : « l’inflation gorge les spéculateurs d’une hausse constante et assurée, les enrichit automatiquement […] ; mais ne voit-on pas qu’ils sont les seuls bénéficiaires et les principaux soutiens de la politique de faiblesse à laquelle on reste malheureusement attaché… Or, j’y reviens, distribuer de l’argent à tout le monde sans en reprendre à personne, c’est entretenir un mirage […]. C’est la solution commode immédiatement. Il est plus facile de consentir des satisfactions nominales que d’accorder des satisfactions réelles, plus facile de profiter de l’illusion des gens qui réclament des billets […]. Mais plus on accorde de satisfactions nominales, moins on peut donner de satisfactions réelles. »[1]
Or les commentateurs (journalistes, économistes, politiques) se bornent à expliquer que l’inflation constatée actuellement est surtout due à la hausse des coûts d’approvisionnement, les échanges ainsi que la production industrielle ayant été entravés par les confinements successifs. Marc Nouschi et Régis Bénichi notent sur ce point : « explication commode et qui a beaucoup servi : l’inflation, c’est la faute des autres »[2].
Certes la pandémie cause une défaillance de l’offre, qui provoque « des inflations de pénurie »[3]. Mais les deux universitaires précisent qu’un tel phénomène « peut déclencher des inflations sectorielles »[4]. Alors que nous assistons là à une inflation rampante, généralisée.
Rappelons-nous cette vieille leçon de Jean Bodin, qui inspira le chef de file des Chicago boys Milton Friedman, à qui l’on doit cette affirmation, pierre de faîte de l’approche monétariste : l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire.
Stephen O’Brien, journaliste au Sunday Times, a rapporté le 12 septembre dernier, dans un article intitulé « L’hyperinflation menace les nouvelles écoles »[5], que la construction de douze établissements scolaires irlandais a été annulée par les pouvoirs publics à cause de la hausse vertigineuse du coût des matériaux de construction.
Cette information est très inquiétante pour deux raisons. D’abord qu’un grand média ose prononcer un terme aussi fort, qui évoque la situation de la république de Weimar en 1923, ou celle actuelle du Venezuela et du Liban, insinue que c’est à un scénario chaotique d’explosion des prix auquel il faut se préparer. En outre parce que si un État n’est plus en capacité de faire fonctionner un système d’éducation de qualité – ce qui passe notamment par la construction d’écoles et l’entretien de celles existantes –, sa croissance de long terme est gravement mise en péril. (À suivre) ■
[1]Cité par Jacques Fauvet, La IVème République, Paris, Arthème Fayard, p. 178.
[2] La croissance au XIXème et XXème siècles. Histoire économique contemporaine, Paris, Ellipses, 1990, p. 172.
[3] Ibid., p. 170.
[4] Idem.
[5] https://www.thetimes.co.uk/article/hyperinflation-threat-to-new-schools-htj0b0957
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Très bon article. Il faut quand même contenir l’usage des mots dans leur sens précis. Lors donc, un peu de pédanterie élémentaire.
Hyperinflation? non ! pas encore. Ce qu’on connaît depuis quelques années, ce serait plutôt l’hyper-cachotterie des gouvernements et des media quant à la réalité des phénomènes monétaires et leurs inévitables conséquences sur les prix et au-delà. La méthode choisie pour ce faire : le flou des mesures et des définitions.
Inflation: de quoi ? des prix, il faut quand même le préciser, mais quels prix ? Des prix de détail (le panier de la ménagère, par exemple) ou le budget des ménages, ajoutant audit panier le logement, les « études »(c’est à dire, en clair, l’attente, pour les jeunes adultes, d’un revenu), les dépenses obligatoires et les gros achats? De quels ménages, urbains, ruraux, propriétaires, locataires, ouvriers, agriculteurs (gros, petits), »cadres », libéraux…)
Ces distinctions archi-connues deviennent plus que nécessaires (cruciales, même) quand, de l’avis général, les fossés s’agrandissent entre les différentes catégories, au rebours des évolutions connues pendant les années « glorieuses ». On doit constater que ces distinctions sont systématiquement éludées par nos hyper-cachottiers.
Flagrante, depuis des années, est l’inflation du prix des biens qu’il est convenu d’appeler « actifs « . Elle est habilement présentée au grand public comme la « bonne santé » du marché immobilier ou de la bourse.
Cette bonne santé favorise évidemment les plus riches, proportionnellement à leur richesse, agrandissant les multiples fossés évoqués plus haut. Les locataires voient s’éloigner la possibilité de devenir propriétaires; les petites épargnes monétaires(à revenu fixe) perdent chaque jour en pouvoir d’achat; les emprunts, pour ceux qui ont pu les souscrire et n’ont pas vu « trop grand », sont plus facilement remboursés… Une gigantesque et silencieuse tectonique sociale que les autorités craignent d’arrêter par peur d’une panique générale. On s’attend pourtant à de nécessaires corrections. Elles vont être cruelles pour certains investisseurs et hyper-bénéfique pour les plus habiles et les mieux informés (catégorie bien plus large que les « spéculateurs » de Pierre Mendès-France). Tectonique encore !
Il y a ainsi l’inflation des media , des statistiques divers et des politiques. Comme par enchantement, elle est toujours du même ordre que l’inflation considérée (à juste titre) saine par les autorités monétaires prétendûment indépendantes (le 2 % , presque aussi fameux que le 3 % mitterrandien pour les déficits budgétaires nationaux). Restons lucides quant à ce que cette idylle cache.
Xi Jingpin fait la même erreur égalitariste que notre démocratie…
Devant le hiatus de plus en plus grand entre les nantis et les pauvres, il s’en prend au marché énorme ( 100 milliards de dollars par an, ) de l’éducation privée et lui interdit tout investissement, bénéfice , et impose même des heures de travail limitées. Il existe en Chine plus de 190.000 écoles privées avec un total de 56 millions d’élèves, soit un cinquième des enfants scolarisés,
Après avoir imposé toutes sortes de restrictions aux grandes entreprises technologiques, Pékin a tourné son attention vers les entreprises d’éducation privées. Le week-end dernier, la Chine a publié de nouvelles règles pour ces entreprises. Par exemple, elles ne sont plus autorisées à lever des capitaux sur les marchés boursiers. Les entreprises chinoises d’enseignement privé ont réagi avec stupeur à la publication d’un nouvel ensemble de règles le week-end dernier. Selon ces règles, ces entreprises ne sont plus autorisées à réaliser des bénéfices et il leur est interdit de lever des capitaux sur les marchés boursiers. Selon le ministère chinois de l’éducation, ces règles s’appliquent à « tous les établissements d’enseignement en ligne ».Les entreprises d’enseignement privé sont très populaires dans ce pays asiatique. Le système éducatif y est très compétitif et axé sur les examens, de sorte que les parents font généralement appel à des professionnels pour éduquer leurs enfants. Selon les experts, les étudiants chinois sont soumis à une lourde charge. Par le passé, le gouvernement a appelé à une réévaluation de l’approche du pays en matière d’éducation.
L’enseignement élitiste qui faisait la force de la Chine et qui était à la base du progrés fulgurant aprés la catastrophe de la Révolution Culturelle, prend donc un méchant coup dans l’aile . Tant mieux pour l’Occident ! « Le nivellement par le bas » est la clé de notre décadence. Plus de sélection, plus de concours, plus de méritocratie, tous diplomés , tous ingénieurs, sauf curieusement dans 2 domaines sacrés, reconnus et admis: le sport et les concours de beauté où, là, tous les coups sont permis et la sélection impitoyable.