Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Dans son discours à l’Onu du 21 septembre, M. Biden a voulu expliciter son slogan America is back. Plutôt clairvoyant pour une fois, le géopolitologue Pierre Haski, constate sans enthousiasme qu’il s’agit d’« un mélange de messianisme démocratique et anti-autoritaire, et de volonté de leadership tous azimuts de la part d’une Amérique revigorée » (France Inter, 22 septembre).
Rien de bien nouveau, au fond. Mais c’est bien, dans la bouche du président américain, l’emploi récurrent des mots « nos alliés et partenaires » qui a retenu l’attention des commentateurs hexagonaux. Pensant en être, la France, manifestement grugée par le trio « allié et partenaire » de l’Aukus (Etats-Unis, Grande-Bretagne et Australie) pouvait quand même demander quelques explications à la première occasion – en fait dès le lendemain lors de l’entretien téléphonique entre MM. Biden et Macron.
Si l’on en croit le communiqué commun, et surtout l’interprétation de M. Attal, M. Biden « a reconnu » (le mot est important) que la crise aurait pu être évitée par « des consultations ouvertes » en amont. Est-ce à dire que, si elle en avait été informée avant, la France aurait fait contre mauvaise fortune bon coeur ? On a le sentiment que quelques douceurs verbales ont suffi pour donner satisfaction à M. Macron : il ne donnerait pas l’impression d’avoir perdu la face et pourrait renvoyer illico son ambassadeur à Washington. Mais ce n’est pas tout. France et Etats-Unis vont « rétablir la confiance » par un processus dit de « consultations approfondies ». On promet même de se revoir dès la fin octobre au G20 de Rome puis début novembre à la COP26 de Glasgow. Bref, on ne se quitte plus. Nous revoilà confirmés « allié et partenaire ».
Pourtant le fait demeure que le trio anglo-saxon a agi dans l’ombre, au mieux de ses seuls intérêts et au détriment de ceux de la France. M. Macron ferait bien de ne pas l’oublier pour la suite. D’autant que certains mots du communiqué ne sont pas anodins. Il est d’ailleurs inquiétant que, dans la sphère politique et médiatique euro-macronienne, on y voie une approbation et un encouragement américains. Y est souligné l’intérêt de « l’engagement de la France et de l’Union européenne dans la région indo-pacifique » ; y est rappelé la nécessité d’une défense européenne « plus forte et plus performante » pour compléter « le rôle de l’Otan ». Ce n’est pas la France qui est confortée ici, mais bien l’Union européenne, une Union sur laquelle il est évident que les Américains gardent la main, avec la bénédiction de la plupart de ses membres.
Ainsi, on oublie que c’est la France, pas l’Union, qui exerce sa souveraineté pleine et entière sur plusieurs territoires et un vaste espace maritime de la zone indo-pacifique : rien ne saurait justifier quelque renoncement que ce soit au bénéfice de l’Union. Par ailleurs, la très hypothétique stratégie de défense autonome de cette dernière est bien présentée comme une collaboration à l’Otan. Or, Mme Parly vient de reconnaître devant les sénateurs que « le dialogue politique est inexistant » dans l’Alliance atlantique et son bras armé de l’Otan, les deux étant, et c’est bien naturel, à la botte des Etats-Unis.
Ce communiqué est donc totalement insatisfaisant pour un esprit soucieux d’indépendance nationale. « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », rappelait De Gaulle. On attend de M. Macron, chef de l’Etat et des Armées qu’il mesure mieux quels sont les intérêts de la France et qu’il fasse preuve de la volonté nécessaire – à moins que ne lui convienne la condition de vassal aligné, avec ou sans défense « européenne ». ■
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** Agrégé de Lettres Modernes.
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