Pour sourire, on dirait que…
« Tu sais que les défenseurs de Charles VII étaient, pour la plupart, des pandours du Midi, c’est à dire des pillards ardents et féroces, exécrés même des populations qu’ils venaient défendre. Cette guerre de Cent ans ç’a été, en somme, la guerre du Sud contre le Nord. L’Angleterre, à cette époque, c’était la Normandie qui l’avait autrefois conquise et dont elle avait conservé le sang et les coutumes, et la langue. A supposer que Jeanne d’Arc ait continué ses travaux de couture auprès de sa mère, Charles VII était dépossédé et la guerre prenait fin. Les Plantagenets régnaient dur l’Angleterre et sur la France qui ne formaient du reste, dans les temps préhistoriques, alors que la Manche n’existait point, qu’un seul et même territoire, qu’une seule et même souche. Il y aurait eu ainsi un unique et puissant royaume du Nord, s’étendant jusqu’aux provinces de la langue d’oc, englobant tous les gens dont les goûts, dont les instincts, dont les mœurs étaient pareils.
Au contraire, le sacre du Valois à Reims a fait une France sans cohésion, une France absurde. Il a dispersé les éléments semblables, cousu les nationalités les plus réfractaires, les races les plus hostiles. Il nous a dotés, et pour longtemps, hélas ! de ces êtres au brou de noix et aux yeux vernis, de ces broyeurs de chocolat et mâcheurs d’ail, qui ne sont pas du tout des Français, mais bien des Espagnols ou des Italiens. En un mot, sans Jeanne d’Arc, la France n’appartenait plus à cette lignée de gens fanfarons et bruyants, éventés et perfides, à cette sacrée race latine que le diable emporte ! » ■
J.-K. Huysmans, Là-Bas,, folio classique p. 72-73
Oui, oui, c’est Des Hermies, le compagnon amical de Durtal qui tient ces propos effarants…
« Là-bas » est un livre de toute beauté et d’une force extraordinaire. Il a été publié en Pléiade avec plusieurs oeuvres majeures : « Les soeurs Vattard », « À vau l’eau », « À rebours », etc. Je pensse que Huysmans a été aussi remis à la mode par l’attention que Michel Houellebecq lui porte
Ce mépris des gens du Midi est très présent dans la période 1875-1900. Léon Bloy le partageait. En ce qui concerne la guerre de cent ans, j’ai entendu encore il y a quelques années des gens très brillants soutenir que la défaite de l’Angleterre avait été une calamité pour la France, car « Quel magnifique royaume aurait été l’ensemble des îles britanniques et de la France actuelle! ». Cette vision des choses laisse de côté un fait essentiel: jamais les Anglais n’ont vraiment cherché à annexer la France, jamais les rois d’Angleterre ne se sont considérés comme vraiment rois de France. Ils préféraient dévaster le pays que se l’attacher. S’ils avaient agi différemment l’Histoire aurait été différente.