Par Jean-Christophe Buisson*
CRITIQUE – L’interdiction ou la mise au pilori de livres dont on estime qu’ils établissent des vérités contraires à la doxa du pouvoir intellectuel dominant sont des piliers du gauchisme culturel. Michel Onfray le rappelle dans un essai salvateur, que ne liront pas les bien-pensants.
Hérités de la Grèce antique et du Moyen Âge, le dialogue, le débat, l’échange, la conversation, la controverse, la disputatio ont du plomb dans l’aile.
La faute à une société qui promeut l’individualisme et fournit les carabines qui vont avec. Place au tir bien ajusté, à la saillie, à l’insulte, à la dénonciation, à la stigmatisation n’appelant ni réponse ni défense. Discuter avec son adversaire? Vous n’y pensez pas! S’asseoir près d’un homme ou d’une femme dont vous ne partagez pas les idées? Hors de question! C’est ainsi que des «auteurs» ont fait annuler la venue d’un des leurs qui leur déplaisait (Éric Zemmour) au prochain Salon du livre de Cabourg. On est si bien entre soi. Entre chasseurs de sorcières.
Cette attitude qui a pour autre nom la censure n’est pas plus neuve que l’idée du bonheur sous la Révolution, quoi qu’en ait dit Saint-Just. L’interdiction ou la mise au pilori de livres dont on estime qu’ils établissent des vérités contraires à la doxa du pouvoir intellectuel dominant sont des piliers du gauchisme culturel né et grandi avec Mai 68. Michel Onfray le rappelle dans un essai salvateur que ne liront pas les bien-pensants. Horrifiés, ils découvriraient en effet dans Autodafés tout le mal que leurs aînés se sont donné pour disqualifier et brûler symboliquement les livres de Simon Leys dénonçant la réalité sanguinaire de la Révolution culturelle sous Mao (plusieurs millions de morts), de Soljenitsyne narrant l’horreur des goulags, de Samuel Huntington annonçant le péril islamiste dans un monde débarrassé du communisme, de Sylvain Gouguenheim déconstruisant le mythe d’un islam voyageur et généreux apportant le savoir grec en Occident, de Catherine Meyer et des 40 chercheurs démontant l’imposture de la pensée de Freud, etc.
Les mécanismes orwelliens utilisés lors de ces mises à mort intellectuelles sont décrits dans leurs moindres détails par Onfray, qui fait ici œuvre de salut public. Raison pour laquelle il sera lui-même brûlé. ■
* Source : Figaro magazine, 01.10.2021.
Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTysur France 2. Son dernier livre,1917, l’année qui a changé le monde, est paru aux éditions Perrin.
1917, l’année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d’illustrations, 24,90 €.