Par Xavier Raufer.
Cette contribution de Xavier Raufer pour la compréhension du désastre US en Afghanistan est parue sur Atlantico. Elle éclaire le lecteur sur l’ignorance des Occidentaux tout aussi bien que sur les réalités afghanes. Réalités de l’Orient compliqué – trop, sans-doute pour l’Amérique – dont seuls les Occidentaux expérimentés – surtout Français et Britanniques – savaient, jadis, venir plus ou moins à bout.
« Pour les politiciens et médias occidentaux, à un bout de la chaîne, les méchants ; à l’autre les gentils »
À l’été 2021, on lit dans les médias dits d’ « information » les mêmes sottises sur l’Afghanistan, les Taliban, les gentils et méchants régionaux, que vingt ans auparavant.
Voilà, à titre correctif, l’indéniable réalité régionale, preuves à l’appui. Loin des fariboles médiatiques, connaître cette réalité permet cependant un crucial diagnostic, seul capable d’empêcher, à l’avenir, des désastres pires encore que l’actuel.
En 1992, Shah Massoud s’empare de Kaboul. Le régime communiste afghan s’effondre, Mohamed Najibullah se terre. Que deviennent les généraux pachtounes de l’ex-armée rouge Afghane et du KGB afghan, le KHAD, qu’ils soient de la fraction Khalk (parti communiste pro-chinois) ou Parcham (prosoviétique) ?
De 1990 à 1992, ces marxistes-léninistes purs et durs se laissent pousser la barbe et s’engagent discrètement chez le salafiste Gulbuddin Hekmatyar, tous Pachtounes ! dans les coups durs, la fraternité tribale est une valeur bien plus sûre qu’une religion sur laquelle les Occidentaux s’obnubilent. Exemples [1]:
– Commandant en chef l’artillerie de l’armée rouge afghane, le général Shahnawaz Tanaï passe chez Hekmatyar en 1990 ; en 1995 chez les Taliban.
– Le chef Taliban « Mollah Borjan » (aujourd’hui décédé) est l’ex-général « communiste » Turan Abdurrahman.
– Chefs du service de renseignement des Taliban, Shah Sawar et Mohamed Akbar sont d’anciens patrons, l’un du SR militaire de l’armée rouge afghane, l’autre du KHAD.
– Mohammad Gilani, général en chef de l’« armée de l’air » des Taliban, provient aussi de l’armée communiste.
Cette réalité tribale explique le soutien du Pakistan aux Taliban : en 2020, on y compte 20 millions de Pachtounes indigènes, d’abord implantés dans la Province de la frontière du Nord-ouest ou Pakhtunkhwa, plus 3 millions de Pachtounes-afghans réfugiés – en fait, plus de Pachtounes au Pakistan qu’en Afghanistan même !
(Gros) arrangements entre… ennemis
De 1996 à 2001, les Taliban contrôlent 90 % de l’Afghanistan. Seules leur échappent deux enclaves du nord du pays, l’une peuplée d’Ouzbeks, l’autre de Tadjiks ; associées en une branlante « Alliance du Nord ». L’enclave tadjike occupe la vallée du Panshir, isolée par de hautes montagnes, percées de rares gorges. Les méchants Taliban y assiègent de gentils Tadjiks dont l’émir est Shah Massoud, icône absolue des médias occidentaux ; tous deux censés se combattre sans merci.
Or durant tout le « blocus », les Taliban eux-mêmes alimentent la vallée du Panshir par le trafic quotidien de centaines, voire de milliers d’ânes chargés de nourriture, pièces détachées, carburant & denrées diverses. Les témoins sont formels : ce n’est ni une initiative locale, ni un trafic à l’insu des responsables du blocus, ni une tolérance ; c’est un système sophistiqué. Tout âne est taxé 10 $US la « rotation » ; en voyant passer 500 d’un coup à la seule passe de Giobah, un témoin admiratif du volume trafiqué qualifie les Taliban de business-friendly…[2]
Résumons. Pour les politiciens et médias occidentaux, à un bout de la chaîne, les méchants ; à l’autre les gentils ; les journalistes narrent le fanatisme et la férocité des uns, la modération et la modernité des autres. Or gentils et méchants partagent en douce les profits du trafic : l’argent déversé sur l’ »Alliance du nord » alimente pour part – bien sûr, derrière le dos des naïfs qui l’entretiennent – le budget du Mollah Omar et d’al-Qaïda.
Octobre 2001 : les États-Unis attaquent l’Afghanistan et ordonnent aux « combattants de la liberté » de l’ « Alliance du Nord » de capturer Ben Laden, le Mollah Omar et les cadres Taliban et d’Al-Qaida. Grave échec. Comment s’en étonner ? « Balance »-t-on un associé, un complice ? Longtemps, la mission de traquer « les djihadistes » sera ainsi confiée à d’analogues caméléons… Voire aux mêmes. Avec le succès qu’on a vu. ■
[1] Voir la révélatrice étude du chercheur Finlandais Anssi Kristian Kullberg, expert de l’Asie Centrale et de l’Afghanistan, Turkistan Bülteni, 19/12/2001.
[2] Voir : In conquered Kabul, Tim Judah, New York Review of Books, 20/12/2001.
Xavier Raufer
Docteur en géopolitique et criminologue.
Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)
Sélection photographique© JSF .
Ce jour 450 ° anniversaire de la BATAILLE DE LEPANTE
L’OCCIDENT CHRETIEN UNI arrête l’expansion Ottomane et musulmane
La bataille de Lépante est une bataille navale qui s’est déroulée le 7 octobre 1571 dans le golfe de Patras, sur la côte occidentale de la Grèce, à proximité de Naupacte — appelée alors Lépante —, dans le contexte de la quatrième guerre vénéto-ottomane.
La puissante marine ottomane y affronta une flotte chrétienne comprenant des escadres vénitiennes et espagnoles renforcées de galères génoises, pontificales, maltaises et savoyardes, le tout réuni sous le nom de Sainte-Ligue à l’initiative du pape Pie V.
La bataille se conclut par une défaite pour les Ottomans qui y perdirent la plus grande partie de leurs vaisseaux (200 bateaux) et plus de 20 000 hommes.
L’infant don Juan d’Autriche, né le 24 février 1545 ou 15471 à Ratisbonne (Allemagne) et mort le 1er octobre 1578 à Bouge, près de Namur (Belgique), est un prince espagnol de la famille des Habsbourg – fils illégitime de Charles Quint – qui fait une carrière militaire dans les armées de son demi-frère Philippe II et est gouverneur des Pays-Bas de 1576 à 1578. Il est notamment le commandant de la flotte européenne à la célèbre bataille de Lépante, victoire navale décisive des puissances chrétiennes regroupées en une Sainte Ligue contre l’Empire ottoman.
L’événement eut un retentissement considérable en Europe car, plus encore que la défaite des janissaires lors du Grand Siège de Malte de 1565, il sonna comme un coup d’arrêt porté à l’expansionnisme ottoman.
C’est d’ailleurs en souvenir de cette victoire que fut instituée la fête de Notre-Dame de la Victoire, puis fête du Saint-Rosaire à partir de 15734.
Certains historiens estiment qu’il s’agit de la bataille navale la plus importante par ses conséquences depuis celle d’Actium (31 av. J.-C., sur la côte occidentale de la Grèce), qui marqua la fin des guerres civiles romaines5.