Qu’on ne nous dise plus : « C’est simple, moi je coupe le poste ». Toujours Moi, je… C’est individuellement efficace et politiquement, socialement, collectivement, nul. L’art et la manière de décrire de façon drôle, avec minutie et par le menu des situations incongrues et assez terribles qui mènent notre société droit dans le mur. C’est ce que réussit ce nouvel article paru le 1er novembre Causeur Qui a raison de continuer à faire du cas France Inter une affaire d’État à traiter dans la future campagne présidentielle. Didier Desrimais en parle avec talent et nous conseillons de suivre ses écrits dans Causeur, et ceux que nous reprenons parfois ici.
Par Didier Desrimais*.
Les adeptes de la déconstruction des sexes ont trouvé leur prédicatrice. Dans ses prêches hebdomadaires, Giulia Foïs déverse une propagande néoprogressiste où sa haine de l’homme n’a d’égale que son ignorance.
La chroniqueuse de France Inter remplit son vide avec les thèses de la déconstruction.
Tandis que sa sœur aînée se destinait à une carrière cinématographique et que sa sœur cadette se préparait à devenir une spécialiste en hématologie, Giulia Foïs a longtemps hésité quant à son futur métier. De son propre aveu, elle est nulle en politique et ne suit pas l’actualité ; mais elle est « curieuse », « bavarde », « [son] imagination travaille » et elle a « envie de voyager et bouger ». Elle se présente par conséquent au concours du Centre de formation des journalistes (CFJ) en « pantalon cargo, un marcel et des tongs » et, après avoir avoué au jury sa nullité sur les questions d’actualité, obtient la note exceptionnelle de… 4 sur 20. Miracle ! elle est admissible, ce qui la ravit à moitié, car elle doit « interrompre [ses] vacances pour passer l’oral. » Devant des candidats venus de Sciences-Po, « [son] gène du cancre lui lance un défi : faire rire le public. Et ça marche [1] ! » Elle est reçue, apprend la novlangue journalistique, travaille « comme une carne », mais n’a « jamais réussi à aimer la politique, l’économie, le sport, la culture [2] ». En revanche, explique-t-elle sur Louie Media, Virginie Despentes et Clémentine Autain ont nourri ses réflexions sur le genre et le « systémisme du patriarcat ».
D’étudiante en tong à journaliste en papier
Après l’obtention de sa carte de presse, GiuliaFoïs réfléchit à de futurs projets ne nécessitant ni savoir spécifique, ni capacités intellectuelles démesurées. Radio France lui propose des stages ici ou là puis une émission au cours de laquelle elle va pouvoir étaler sa culture limitée aux seules « questions sociétales » sur la sexualité. Consécration suprême, son parcours exemplaire de journaliste inculturée et de propagandiste néoprogressiste lui permet aujourd’hui d’enseigner au… CFJ. De plus, elle fait partie du jury du prix du meilleur essai féministe du magazine Causette qui, cette année, a été attribué à… Alice Coffin.
Pour que France Inter et Giulia Foïs puissent faire éhontément la promotion de la théorie du genre, une longue préparation propagandiste a été nécessaire. C’est un travail doctrinaire qui remonte à quelques années et qui vient de haut. Rappel : en 2011, le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Luc Chatel, demande que soient mis à la disposition des élèves des classes de premières L et ES (enseignement des Sciences de la vie et de la Terre) les premières indications très orientées sur le genre. Dans les manuels scolaires, les élèves apprennent alors que « si, dans un groupe social, il existe une forte valorisation du couple hétérosexuel et une forte homophobie, la probabilité est grande que la majorité des jeunes apprennent des scénarios hétérosexuels » (Bordas), et autres fadaises sur la soi-disant construction sociale et culturelle de l’« hétéronormativité ». Ce n’est que le début.
En 2012, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, veut que ces questions soient abordées dès le plus jeune âge : « La cible des enfants de moins de trois ans se doit d’être au cœur des politiques publiques dans la mesure où les assignations à des identités sexuées se jouent très précocement [3]. » Quelques mois plus tard, le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, rappelle l’engagement du gouvernement à « s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités, notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles », et invite les recteurs à « relayer avec la plus grande énergie la campagne de communication relative à la “Ligne Azur”, ligne d’écoute pour les jeunes en questionnement à l’égard de leur orientation sexuelle ou de leurs identités sexuelles [4] ». Le site en question proposait à l’époque aux filles, dans sa rubrique « Tombe la culotte », de s’adonner à des pratiques lesbiennes ; et aux garçons d’utiliser des drogues « festives » pour se désinhiber et accepter leur éventuelle homosexualité.
Devenus, au gré des modes, trans, non binaires, polyamoureux ou pansexuels, de jeunes hommes explorent leur supposé versant féminin en se vernissant les ongles ou écoutent des émissions émasculatrices dénonçant leur « masculinité toxique ». Sur France Inter, ils ont le choix entre « Pas son genre » de GiuliaFoïs et « Burne out » de Maïa Mazaurette, émissions sévèrement encadrées par les dogmes butlériens et les absurdités bourdieusiennes sur la différence sexuelle qui ne serait qu’une fiction, le fruit d’une « violence symbolique » imposée par les hommes pour dominer les femmes.
Décroissance de la culture et malaise psychique
Le monde dit de la culture n’est pas en reste. Certains festivals ou théâtres n’échappent pas au militantisme outrancier. Des critiques de cinéma débusquent le regard masculin, ou « male gaze », dans les films. Des livres prônent le génie lesbien ou la haine des hommes. Giulia Foïs, prédicatrice parmi les croyants, monte hebdomadairement sur les tréteaux radiophoniques pour ânonner les slogans de ce petit monde.
Comme le véritable objectif des idéologues du genre n’est pas seulement d’effacer les différences sexuelles, mais d’instituer « le paradis de l’indifférenciation omnilatérale, où n’importe qui pourra être n’importe quoi, un rossignol, une pomme de douche, un boulon, une rose jaune faisant l’amour avec une feuille morte » (Philippe Muray), les plus malins se félicitent d’avoir à leur disposition des échotières incultes ayant assez d’aplomb pour vendre leurs sauces à la radio et trop peu d’intelligence pour comprendre que l’idéologie du genre est un des instruments « intersectionnels » de la destruction du monde. Giulia Foïs peut ainsi proclamer sur France Inter que « n’avoir ni mari ni enfants devient la meilleure garantie, pour n’être jamais au service de quiconque », ou que « les hommes ne sont plus qu’une option, parmi d’autres », sans craindre d’être chapitrée par des supérieurs radiophoniques à peine plus vifs qu’elle et qui croient eux aussi que « tout se déconstruit, et le genre, et la norme, et l’orientation sexuelle ».
De la même manière que certains soixante-huitards ébranlèrent le tabou de l’inceste en promouvant ardemment la sexualité partagée avec les enfants et le « plaisir obligatoire » – avec les résultats calamiteux qu’on sait –, les croyants de la théorie du genre et du féminisme le plus bête ne conçoivent pas les bouleversements à venir.
Dans vingt ou trente ans, après qu’auront été constatés les désastreux résultats de cette idéologie du genre et que seront voués aux gémonies les propagateurs de cette dernière, peut-être lirons-nous dans la presse l’équivalent du papier de Sorj Chalandon critiquant ces « libérateurs sexuels » qui revendiquèrent, dans les années 1970, l’interdiction d’interdire et la jouissance sans entraves, et dynamitèrent toutes les limites : « Sous toutes les plumes, toujours, d’articles en tracts et de prises de parole en tribunes libres, les mêmes mots reviennent : “l’évolution de notre société”. » Cette époque, écrit alors Chalandon, était « plus qu’une période, [c’était] un laboratoire. Accoucheur d’espoirs, de rêves, de combats insensés. Et de monstres [5]. »Le professeur Foïskenstein, dans son laboratoire france-intérien, promeut des expérimentations tout aussi douteuses dont les résultats sont déjà perceptibles : les catastrophes médicales, psychiatriques et juridiques consécutives à la propagation de l’idéologie genrée commencent à poindre aux États-Unis et au Royaume-Uni, pays qui, après avoir vu exploser le nombre de consultations pour « dysphorie de genre » et de « transitions » de leurs très jeunes concitoyens, voient aujourd’hui se multiplier les consultations psychiatriques et les demandes de « détransition ». Même l’ultra-progressiste Suède commence à s’inquiéter sérieusement pour ses adolescents dressés à tous les « dégenrages » possibles et imaginables ; psychiquement (et parfois physiquement) dévastés, certains d’entre eux n’hésitent plus à dénoncer publiquement l’incurie de leurs aînés, journalistes militants, parents ou médecins.
Giulia Foïs n’en a cure. Avide de vide, elle psalmodie sur les ondes : « On continue d’avancer, de progresser. » ■
Didier Desrimais
* Amateur de livres et de musique, scrutateur des mouvements du monde.