Par Rémi Hugues.
La mise en perspective entre deux époques, entre les acteurs économiques d’hier et d’aujourd’hui, est éclairante et féconde pour qui veut comprendre les événements socio-économiques que nous vivons. Pour dégager, surtout, à la lumière des décisions de grande ampleur prises ces temps derniers, les perspectives d’avenir – notoirement inquiétantes – qui en découlent.
En France, la banque centrale a été nationalisée en 1946 ; auparavant la Banque de France était une entreprise privée, seuls les 200 principaux actionnaires pouvaient participer à son assemblée générale, ce qui a donné naissance aux « 200 familles », vilipendées par le Parti communiste français.
On assiste ainsi à la destruction en bonne et due forme de notre capital commun. La richesse collective des Français, obtenue par un effort soutenu et maintenu depuis des générations, est annihilée afin de sauver les banques privées, qui, pour le coup, méritent la qualification de « parasites », de sangsues pompant lʼénergie des forces vives du peuple.
Outre lʼhyperinflation, auquel ce méga-prêt va inéluctablement contribuer, le bien commun des Français est littéralement volé. Et Macron de sʼenorgueillir dʼêtre le chef dʼorchestre de ce qui relève de la rapine dʼÉtat. Ponce Pilate sʼen lavait les mains, lui sʼen poudre le nez, son grand nez quʼil aime chatouiller si souvent.
Nous sommes les témoins dʼune époque similaire à la mise en place des assignats. Si la Terreur, la persécution de lʼÉglise et le populicide des Chouans furent les horreurs politiques de la Révolution, les assignats en furent les horreurs économiques.
En octobre 1790 Mirabeau ralliait Talleyrand à son projet de nationalisation des biens du clergé. Le 2 novembre il fut approuvé par lʼAssemblée. Ces biens furent progressivement aliénés, les paiements étant échangés contre lʼémission de papier-monnaie.
La Caisse de lʼExtraordinaire fut créée, émettant, « pour la somme de 400 millions, des assignats divisés en coupures de mille francs et produisant un intérêt de 5 %. Ces assignats seraient, pour une part, remis à la Caisse dʼEscompte en remboursement de ses avances et, pour le reste, reçus de préférence dans le paiement de biens nationaux »[1], indique Pierre Gaxotte.
Initialement conçu comme un produit financier assimilable à une obligation hypothécaire, lʼassignat devient rapidement du véritable papier-monnaie, une monnaie fiduciaire. Dès lors, lʼinflation devient le politique financière de la Révolution : « Tous les acheteurs de bien ecclésiastiques seront personnellement intéressés à lʼabaissement définitif du clergé »[2], note Gaxotte.
Les assouplissements quantitatifs – pour reprendre le langage de la B.C.E. – sʼenchaînent. Le 18 mai 1791, des billets dʼune valeur nominale de 600 millions sont imprimés. Le 17 décembre, 300 millions. Le 30 avril 1792, 300 millions également. Le 31 juillet, la même chose. Le 24 octobre, 400 millions. Le 1er février 1793, 300 millions. Le 7 mai, 1 milliard 200 millions. Et le 28 septembre, 2 milliards.
Gaxotte explique : « Moins les billets ont de la valeur, plus il en faut. Plus on en imprime, plus ils baissent. Chaque dépréciation nécessite une nouvelle émission. Chaque émission en entraîne une dépréciation. »[3]
Cette politique de gribouille ne profita pas quʼà la « bande noire des spéculateurs et des intermédiaires »[4] dénoncée par lʼévêque de Boisgelin et lʼabbé Maury. Elle fut une aubaine pour les fermiers, les laboureurs, tonneliers, marchands de vin et aubergistes qui purent acheter à vil prix des terrains et des demeures.
« Comme lʼÉtat reprenait son papier au pair, il suffisait dʼattendre la baisse, pour profiter de la différence entre la valeur nominale et la valeur réelle. En septembre 1793, lʼassignat perdait 71 % de sa valeur. En 1796, un assignat de 100 livres, qui valait six sous, était accepté aux guichets officiels en paiement de 1 000 livres de bonne terre. Les paysans qui, en échange de leur blé ou de leur beurre, recevaient des quantités croissantes de vignettes, pouvaient avoir une ferme au prix dʼun pigeonnier. »[5]
Nous nous dirigeons donc, à moyen terme, vers une situation économique et financière analogue, de laquelle sortira une infime minorité de gagnants et une vaste majorité de perdants.
Nous seulement lʼusure est moralement condamnable[6] mais elle est maintenant aussi devenue une aberration économique. ■
[1]Pierre Gaxotte, La Révolution française, Paris, Tallandier, 2014, p. 176.
[2] Ibid., p. 180.
[3] Idem.
[4] Ibid., p. 175.
[5] Ibid., p. 182.
[6] Comme le soulignait Aristote dans le livre I des Politiques, thèse reprise par lʼÉglise.
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À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
Publié le 26.06.2020 – Actualisé le 10.11.2021
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