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En 1978, Eugène Ionesco en colère s’insurge contre les fondements du monde moderne, la politique, les gouvernants, l’inculture, l’abrutissement de ce monde-là. Le nôtre – celui des années 2020 – lui ressemble en bien pire, de sorte que le propos de Ionesco semble prononcé pour aujourd’hui.
Lorsqu’il explique comment les politiques divisent, alors que la culture unit, on ne peut manquer de pointer l’erreur originelle singulière des hommes qui ont voulu commencer de bâtir l’Europe sur l’économie, alors que son unité culturelle eût offert un fondement bien réel, plus solide, plus naturel, par delà, ou même grâce, à sa riche diversité. L’économique, puis le politique pour aller à marche forcée vers le fédéralisme, furent préférés. L’argent et la politique divisent ? C’est l’évidence d’aujourd’hui. On avait voulu, faire l’Un trop vite.
Eugène Ionesco, comme Cioran, était né Roumain, comme Thomas Molnar Hongrois ou Stefan Zweig et Joseph Roth Autrichiens. les uns et les l’autres produits de cette vieille Europe, de cette Mitteleuropa en particulier, qui a tant contribué à la culture et à l’art de vivre européens.
Si l’on accepte, parmi bien d’autres façons, de classer les intellectuels, les artistes et même le commun des mortels, en modernes et antimodernes, à ce crible-là, tous les précités peuvent être dits antimodernes. Ce sont, comme dirait Boutang, des esprits modernes justement parce qu’affrontés au monde moderne.
Regardons autour de nous, le chaos qu’évoque Ionesco est partout. Nous saurions tous en nommer les divers aspects. Les peuples qui ne veulent pas mourir ont du pain sur la planche.
Le texte des propos de Ionesco
Les gens qui sont à la tête de l’État sont également de mauvaise foi. Ils continuent de gouverner un monde qui est dans le chaos, qui est ingouvernable. C’est d’ailleurs le fait de l’homme moderne, comme le dit mon ami Emil Cioran, qui disait “l’homme moderne bricole dans l’incurable.” Eh bien c’est ce que je fais moi aussi, et c’est ce que nous faisons tous.
Je crois que nous assistons à un énorme abrutissement dont les intellectuels sont en grande partie coupables. Nous ne vivons pas un moment de culture. Qu’est-ce que c’est que cette vie culturelle ? Eh bien c’est de faire que les gens puissent penser chacun dans sa solitude et apportant au groupe le fruit de ses méditations, pour que l’individu s’épanouisse, pour qu’il pense.
Eh bien dans ce mode de civilisation dans lequel nous sommes entrés, et dans lequel les scientifiques ont une grande part, ce sont les scientifiques justement qui s’éveillent à la vie culturelle, c’est-à-dire à l’humanisme.
Vous savez que maintenant, pendant que nous parlons, le monde est en feu et en flammes, et je vous avoue que malgré tout, moi-même, je suis heureux quand minuit arrive et que je peux me coucher, et dormir. »
Première publication et intégration à nos éphémérides le 26.XI.2020
Dans le sillage d’Ionesco, une modeste suggestion.: Pour ceux, rares, qui ne le connaissent pas je recommande le site « science étonnante » de David Louapre. Comment le dire autrement? Il anoblit la vulgarisation. Il n’est pas le seul, notamment si on tient compte des sites de langue anglaise. Par son foisonnement, ses généralisations, ses abstractions, ses ambitions, la science s’éloigne toujours un peu plus de l’entendement commun. A défaut de suivre, on peut s’émerveiller et oublier, un moment, le chaos, la politique, l’argent, et la terreur sanitaire
J’aime Ionesco depuis longtemps avec sa vision de l’absurde époque que nous vivons mais je remercie MarcVergier pour le site intéressant et surtout « je suis Français » qui nous conserve en vie.