Cette tribune de Gilles-William Goldnadel est parue sur FigaroVox le 13.12. On peut discuter du vocabulaire, notamment de l’utilisation hors sol du mot fascisme décontextualisé. Question de tactique, ici. Sur le fond, nous sommes sur la même ligne.
« J’en appelle à une authentique révolution culturelle pour se libérer du joug médiatique de l’extrême gauche toujours en majesté.»
On souligne à juste raison la faiblesse électorale historique de la gauche. On explique que celle-ci a grandement perdu le soutien du peuple depuis qu’elle a perdu le sens du réel et du sol. Mais par un étrange autant qu’injuste paradoxe, cette gauche n’a perdu son pouvoir dans la rue, ni dans les médias dominants.
Dans la rue, Antifas et Black-blocks violents font toujours impunément la loi. Il en est de même dans les universités comme dans certaines salles de rédaction. Cette situation n’a rien de nouveau, mais elle perdure en dépit de ce que la gauche n’est plus, littéralement, populaire. Phénomène psychologique encore plus curieux, les réflexes politiques pavloviens qu’a fabriqués la gauche médiatique depuis des décennies continuent de s’imposer y compris à droite, en dépit de ce qu’elle a largement perdu la bataille des idées.
L’exemple le plus ahurissant vient de nous être servi gratuitement sur un plateau la semaine passée. On se souvient en souriant de la manière dont Madame Hidalgo, changeant d’avis comme de chemisier et de parcours ferroviaire, a proposé à l’ensemble de la gauche, extrémité insoumise et communiste comprise, l’organisation d’une primaire.
Avec le même sourire, on revoit Monsieur Montebourg tentant aussi ostensiblement que vainement de joindre téléphoniquement le responsable du Parti Communiste et son « cher Jean-Luc » Mélenchon pour leur faire la même proposition, au nom du danger « d’extrême droite »… N’insistons pas trop cruellement, rarement le mot « flop » n’aura été autant utilisé dans le vocabulaire politique. Et puis, on ne tire pas sur deux corbillards qui trépassent.
Mais trêve d’ironie, mon propos est ailleurs et combien plus sérieux. Après ces deux propositions, je n’ai constaté aucune réaction d’indignation médiatique ou politique de voir deux membres de la gauche dite républicaine faire des appels du pied à deux responsables politiques d’extrême gauche de surcroît plus que bienveillants envers l’Islam radical et politique. Même la droite est demeurée mutique.
Voilà des années que je m’insurge stérilement contre cette invraisemblable hémiplégie morale et intellectuelle qui fait que lorsque la droite est seulement soupçonnée de regarder à droite, elle est morigénée tandis que la gauche peut entamer un flirt poussé ou même électoralement convoler avec son extrémité, en toute impunité. La droite s’est tellement soumise piteusement à cette iniquité, qu’on se souvient que Gérard Larcher avait sanctionné de jeunes écervelés qui avaient eu le front sans doute trop national de seulement déjeuner avec Marion Marechal.
La raison de cette intolérable intolérance a deux causes, médiatique et politique.
Politique, en raison du fait que la domination intellectuelle et universitaire de la gauche française et sa capacité d’occultation ont interdit un Nuremberg du communisme. C’est ainsi que les amateurs de rappels historiques à géométrie invariable ne répugnent pas à rappeler ad nauseam que certains fondateurs du Front National étaient des nostalgiques de Vichy.
En revanche, pas question d’observer que cette faucille et ce marteau qui sont toujours les emblèmes du PCF, sont ceux d’un totalitarisme coupable de cent millions de morts .
L’explication est aussi médiatique et relève d’une authentique manipulation sémantique à dimension psychologique. L’ensemble du personnel journalistique français s’est arrogé un droit unilatéral d’étiquetage. C’est ainsi, à titre d’exemple, que tel candidat est présenté quasi unanimement comme un « polémiste d’extrême droite » tandis que le candidat de la France Insoumise n’est jamais situé à l’extrême- gauche. Le plus souvent gentiment à gauche , voire quelquefois aimablement « à gauche de la gauche ».
La résignation soumise de la droite, cette voussure intellectuelle et morale acquise avec le temps, explique, à défaut d’excuser, le fait qu’elle ne songe même pas à en appeler au CSA.
On ne fera pas le même reproche à la gauche extrême qui, dans la cruelle adversité, ne lâche rien. Elle ne cède même pas devant la réalité. C’est ainsi, suprême cocasserie, que Fabrice Arfi, talentueux journaliste d’investigation de Mediapart, n’a pas hésité à tweeter : « Les Antifas traités de fascistes : les perversions sémantiques de l’extrême – droite se banalisent ».
« Enfer et damnation ! Crime de lèse-majesté anti gauchiste. Les nervis violents antifascistes autoproclamés traités pour ce qu’ils sont », lui ai-je répondu sur l’oiseau bleu, en poursuivant : « D’authentiques fascistes intolérants. Lisez mon “Manuel de résistance contre le fascisme d’extrême- gauche”. Je sens que vous allez adorer. »
Si seulement on était aussi médiatiquement pugnace à droite, plutôt que d’abandonner le terrain sémantique à l’adversaire intellectuellement défait.
On aura compris qu’il ne s’agit pas que d’une querelle de vocabulaire. Dans l’univers moral virtuel manichéen créé de toutes pièces par la gauche médiatique, il s’agit du combat fantasmé entre le Bien et le Mal.
Voilà pourquoi j’ai tenu à renvoyer le mot dévoyé de fasciste à son envoyeur. Pour que la honte change enfin de camp.
J’en appelle à une authentique révolution culturelle pour se libérer du joug médiatique de l’extrême gauche toujours en majesté.
Rien ne sert de gagner la bataille des idées si l’on ne gagne pas celle de l’émotion.
Rien ne sert de conquérir les esprits si on ne conquiert pas les cœurs aussi. ■
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Son récent ouvrage, Névroses Médiatiques. Le monde est devenu une foule déchaînée, est paru chez Plon. Notons-le : Il vient de publier Manuel de résistance au fascisme d’extrême-gauche (Nouvelles éditions de Passy).
La réponse qui vient spontanément à la question que G.W. Goldnadel pose avec raison et justesse est pour la droite en général contenue dans le vieil adage si évocateur dans sa simple vérité : « les chiens hurlent, la caravane passe ». La droite, une certaine droite, toute faite de raison et du juste bon sens se méfie instinctivement des controverses qui, pense-t-elle, ne servent à rien et lui font perdre du temps et de l’énergie. Une énergie précieuse qu’elle pense mieux employer à des projets concrets ou à la résolution de conflits réels, bref à oeuvrer positivement pour le bien commun. Ce faisant, elle laisse le terrain beaucoup trop libre aux critiques et hurlements hystériques de la gauche, surtout l’extrême, dans des protestations et des débats sémantiques sans fin qui tendent à saturer les champs intellectuels et médiatiques qui sont véritablement les seuls domaines dans lesquelles elle réussi à briller grâce à sa capacité inépuisable de rhétorique généralement fausse mais qui font rendre par lassitude les armes à la droite qui abhorre les controverse. Tout ceci renvoie au souvenir de la vieille inimitié entre les tenant de la pensée de Raymond Aaron, tellement juste mais ennuyeuse, et celle de Jean-Paul Sartre, vibrante et brillante mais tellement fausse en fin de compte s’agissant de la question du communisme: bon pour l’humanité ou au contraire foncièrement mauvais.
superbement dit et analysé, hélas …