Par Benoît Rayski
Ce bref, billet, comme souvent ceux de Benoît Rayski, est paru dans Causeur le 14 décembre. À vrai dire, son intérêt est surtout dans sa façon pleine d’humour et en apparence légère, de traiter son sujet. Il fait sourire et ne relève d’aucun sectarisme. Il révèle simplement celui de nos adversaires et leur ignorance. Lisons donc, nous aussi, ce billet avec le sourire. Ajoutons, pour l’exactitude que, condamné à mort, en effet, à la Libération, Abel Bonnard est mort en mai 1968 et que sa peine avait été commuée en 1960, de Gaulle régnant.
Devant des étudiants qui le relançaient sur Vichy, Eric Zemmour a rappelé que le ministre de l’Éducation sous Pétain était notoirement homosexuel, et que les résistants le surnommaient « Gestapette ». Pour ses adversaires, cela est suffisant pour intenter un nouveau procès en homophobie au candidat à la présidentielle…
Le désormais candidat à la présidentielle avait été invité vendredi 10 décembre à parler devant des étudiants de l’ESCP, grande école de commerce. Dans Libération (ça ne pouvait pas être ailleurs), une pétition, signée par d’autres étudiants et anciens étudiants, proteste contre sa présence.
Il est fait grief à la direction de l’ESCP d’avoir, sous couvert de « neutralité », ouvert les portes de l’école à un raciste, nationaliste, fasciste, et j’en oublie.
Mais le principal reproche est que Zemmour est homophobe. En effet, il a fait rire en évoquant : « un ancien ministre notoirement homosexuel qu’on surnommait Gestapette ». Relativisons son crime. L’homme affublé de ce sobriquet c’était Abel Bonnard. Zemmour connaît bien l’Histoire de France et en particulier celle de Vichy. Pour une fois on ne lui cherchera pas querelle sur cette question.
Abel Bonnard fut ministre de l’Education nationale pendant l’Occupation. Homosexuel affiché, il ne dissimulait en rien ses penchants. Car sous Vichy, c’était plutôt bien vu. Ainsi du maréchal Lyautey, célébré comme un héros par Pétain, on pouvait dire : « il a des couilles au cul, mais ce ne sont pas les siennes ».
Farouchement antisémite, Abel Bonnard trouvait le maréchal trop mou à son goût. Il s’engagea donc corps et âme dans la collaboration avec les nazis. Les résistants lui collèrent alors l’appellation de Gestapette. Et aujourd’hui on ne pourrait plus le dire ? Nous espérons que Gestapette, condamné à mort à la Libération, ne figure pas au Panthéon des associations LGBT… ■
Benoît Rayski
est journaliste et essayiste
Merci à Pierre Builly de sa transmission.
Abel Bonnard fut une des plus belles plumes, une des plus formidables intelligences de ces années-là. Mais, mieux encore, il était doué d’âme et communiquait directement avec l’«Esprit» – il y eut quelques têtes ainsi pensantes, alors. Lire impérativement son «Éloge de l’ignorance», probablement le «petit» texte le plus à même de donner rapidement une idée de l’extraordinaire profondeur intellectuelle du bonhomme. Il y a de ces rarissimes types humains (pas «trop humains», justement) qui TÉMOIGNENT de l’existence de Dieu par le seul exercice de ce qu’ils sont ; au XXe siècle, entre autres : Abel Bonnard, Léon Daudet, René Guénon, Knut Hamsun, Hugo von Hofmannsthal, Alphonse de Châteaubriant, Ernst Jünger, Gilbert Keith Chesterton…………………… Grâce à Dieu (justement!), il y en eut beaucoup – tellement, même, que cela rend songeur. Vive Dieu, donc. Et que «Gestapette» conserve au Ciel toute sa délicieuse élégance, élégance que d’aucuns aimaient à brocarder, élégance vestimentaire et sociale, «élégance» et préciosité de bel augure, quoique elles pussent défriser les grossiers bedonnants et frauduleusement musculeux de la gamberge. Vive Dieu, encore et toujours !
« Tout ce qui est exagéré est insignifiant ». C’est, selon moi, le sort de ce commentaire excessif et même exalté. Je suis très partisan de « jeter enfin le voile » sur les engagements des uns et des autres dans les difficultés extrêmes des années 30 et 40. Ne pas tomber dans les hargnes et contre-hargnes prolongées à l’infini. C’était le vœu de Georges Pompidou qu’il a exprimé lors d’une conférence de presse en des termes d’une autorité presque royale. Il avait raison.