Rédacteur en chef du New York Times, John Swinton se fâche – lors d’un banquet, le 25 septembre 1880 -lorsque quelqu’un propose de boire « à la liberté de la presse ». On méditera sa réaction, ses propos iconoclastes au regard du médiatiquement correct. Un brûlot. Et les lecteurs de Maurras rapprocheront ce que dit ici John Swinton de ce qui était exposé vingt-cinq ans plus tard dans l’Avenir de l’intelligence sur la condition des intellectuels de l’ère démocratique. Certes, la dite condition ne s’est pas améliorée, à l’exception de cette sorte particulière de liberté de publication que ménage Internet, où tout paraît à volonté. A satiété. Le meilleur et le pire, dans un grand désordre.
« Il n’existe pas, à ce jour de l’Histoire du monde, en Amérique, de presse indépendante. Vous le savez et je le sais.
Il n’y en a pas un seul parmi vous qui ose écrire ses franches opinions et si vous le faisiez, vous savez très bien qu’elles ne elles ne seraient jamais imprimées.
On me paye chaque semaine pour que je garde mes franches opinions hors du journal pour lequel je travaille. Vous autres aussi vous percevez des salaires pour la même chose et celui d’entre vous qui serait assez fou pour écrire ses franches opinions se retrouverait dehors, dans les rues, à chercher un autre travail. Si je laissais mes franches opinions apparaître sur une édition de mon journal, avant vingt-quatre heures mon emploi se serait envolé.
Le travail du journaliste est de détruire la vérité, de mentir sans limite, de pervertir, d’avilir, de ramper aux pieds de Mammon, et de vendre son pays et sa race pour son pain quotidien. Vous le savez et je le sais. Alors qu’est-ce que c’est-ce que cette folie de vouloir porter un toast à l’indépendance de la presse ?
Nous sommes les outils et les vassaux des puissants et des riches, qui sont derrière la scène. Nous sommes leurs marionnettes, ils tirent les ficelles et nous dansons. Nos talents, nos facultés et nos vies sont la propriété d’autres hommes. Nous sommes des prostitués de l’intellect.
Tout cela vous le savez aussi bien que moi .» ♦
[Source : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer et Herbert M. Morais, publié par United Electrical, Radio & Machine Workers of America, New York, 1955 – 1979)]
Tout est dit, c’était vrai, c’est vrai et ce sera vrai aussi demain. Cela dit même si la France avait un gouvernement légitime, la presse continuerait à fonctionner ainsi. Car cet organisme s’attache spontanément à ce qui flatte les sentiments les plus bas: ce qui est effrayant, ce qui divise, ce qui détruit, ce qui choque, ce qui est ragot, ce qui fait, en un mot, évènement. Quand un organe de presse donne le signal de la curée, tous les autres se lancent sur leur victime, au mépris de la vérité et de la justice. Et même quand certaines informations sont l’objet d’un black-out par les autorités idéologiques qui la tiennent d’une main de fer, elles ne peuvent pas longtemps garder la consigne du silence, surtout avec les flux concurrents des réseaux sociaux et qui ne valent pas beaucoup mieux. Un gouvernement de bon sens doit laisser la presse cantonnée dans son domaine, comme tout ce qui est nécessaire, mais inférieur par nature.
Théophraste Renaudot ( médecin, Fondateur de la Gazette),: « La rétention de l’information est une forme de constipation du savoir. »
On peut lire sur le site journalisme.com cette autre citation tirée d’un de ces ouvrages :
« L’histoire est le récit des choses advenues, la gazette seulement le bruit qui en court […]. Je prie les princes et les États étrangers de ne point perdre inutilement le temps à vouloir fermer le passage à mes nouvelles dont le commerce ne s’est jamais pu défendre et qui tient en cela de la nature des torrents qu’il se grossit par la résistance. »