Philippe Conrad met régulièrement en ligne, sur les réseaux sociaux, de brèves notes toujours particulièrement intéressantes, en matière d’Histoire et d’édition. Il s’agit ici (30.12.2021) d’une Nouvelle histoire des Capétiens de l’historien Dominique Barthélemy. Nous ne voulons pas manquer de signaler cet ouvrage aux lecteurs de JSF qui le liront s’ils le souhaitent, avec profit et intérêt.
30 décembre 987 : Hugues Capet fait sacrer son fils Robert
Ces rois qui ont fait la France, (c’est le nom d’une collection L’année 987 est décisive. Elle ouvre « deux siècles où la dynastie fondée en 987 par Hugues Capet a commencé, lentement mais sûrement, de faire la France comme nation », écrit l’historien Dominique Barthélemy. Ancien élève de Georges Duby, professeur à la Sorbonne (Paris-IV) et directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes-études, celui-ci a publié un livre original . Il y revisite les débuts de la dynastie capétienne, sans renoncer ni à la chronologie traditionnelle ni à une vision historique de la monarchie française, mais, développant une perspective résultant de ses travaux antérieurs, en nuançant largement la vision convenue d’une royauté qui aurait été très faible au départ et qui se serait imposée par miracle aux élites dirigeantes du royaume.
Dominique Barthélemy, au contraire, insiste sur l’atout initial dont disposent Hugues Capet et ses successeurs immédiats : la royauté, institution nimbée de sacré et dont le prestige, imprimé de longue date dans les mentalités, était tombé du temps des ultimes Carolingiens. « L’étiage de la royauté en France occidentale, souligne l’auteur, se situe en amont de l’avènement d’Hugues Capet, lequel avènement restaure la préséance royale, et en ce sens contribue à l’ordre féodal et chrétien. »
« Le métier de roi est grand, noble et délicieux »
Barthélemy, au lieu d’opposer la royauté et la féodalité, montre comment le pouvoir royal, même s’il a souvent combattu les féodaux, tel Louis VI bataillant contre les sires de Montlhéry, a bâti sa légitimité en s’insérant dans les cadres de la société féodale, qu’il s’agisse de l’Eglise, de la chevalerie ou des communes, cadres qui n’étaient pas remis en cause. L’historien arrête son étude avec Philippe Auguste. Pour la France, le règne de celui-ci marque, par la spécialisation des fonctions qui s’opère au sein de la cour et par l’émergence d’une authentique administration royale, l’ébauche de l’Etat, au sens moderne du terme. Si cette évolution, encore une fois, ne bouleverse pas le soubassement social de l’époque, qui reste celui de la féodalité, elle amorce, entre les Capétiens et la France, un pacte qui durera jusqu’à la Révolution.
Que les rois aient fait la France, plus aucun historien digne de ce nom, de nos jours, ne conteste cette idée, sans croire devoir ajouter, comme pour s’excuser, une profession de foi républicaine, qui serait hors sujet. Les rois qui ont fait la France, c’est l’intitulé d’une collection que les Editions Pygmalion ont inaugurée il y a plusieurs décennies. Pour réaliser cette entreprise éditoriale sans équivalent, deux auteurs auront été à la manœuvre : Georges Bordonove, disparu en 2007, qui était un historien non universitaire mais qui travaillait selon les meilleures méthodes, et Ivan Gobry, qui fut professeur à l’université de Reims et à l’Institut catholique de Paris. La série représente 52 livres, soit les biographies de tous les rois de France, Mérovingiens, Carolingiens ou Capétiens, de Clovis à Louis-Philippe, et s’adresse à un large public.
« Le métier de roi est grand, noble et délicieux, quand on se sent digne de bien s’acquitter de toutes les choses auxquelles il engage ; mais il n’est pas exempt de peines, de fatigues, d’inquiétudes. » C’est un expert qui parle ici : Louis XIV en personne. Présentant la réédition des célèbres Mémoires pour l’instruction du dauphin, Jean-Christian Petitfils se demande si, en nos temps démocratiques de « gouvernance » et de « management », les réflexions du Roi-Soleil ont encore du sens. La réponse de l’historien de l’Ancien Régime est positive : trois siècles après sa mort, Louis XIV peut encore nous dispenser des « leçons de lucidité et d’énergie. »
Jean Sévillia ■
Aph Aph Philippe Conrad