Par Thomas Morales
Cet article écrit avec le talent habituel de Thomas Morales est paru dans FigaroVox le 10 janvier. Il nous change, des sujets de haute politique ? Mais non ! C’en est un. Qu’ajouter à cet article bienvenu ? Identitaire ! Il suffit de lire.
Le communiste Fabien Roussel a déclaré « un bon vin, une bonne viande, un bon fromage: c’est la gastronomie française. Le meilleur moyen de la défendre, c’est de permettre aux Français d’y avoir accès », provoquant le blâme de l’écologiste Sandrine Rousseau et de certains internautes. Thomas Morales défend avec humour l’héritage gastronomique français.
« Quand ailleurs, on mange sur le pouce, à la va-vite, esclaves du temps moderne, la France résiste tant bien que mal grâce au repas en famille. »
« Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : c’est la gastronomie française. Le meilleur moyen de la défendre, c’est de permettre aux Français d’y avoir accès » a déclaré le candidat communiste Fabien Roussel sur France 3, déclenchant des réactions d’hostilité, notamment de la part de Sandrine Rousseau.
Ces gens-là, ridicules compulsifs, n’ont aucune limite. Aucun respect. Aucun doute. Ils s’attaquent aux derniers bastions de notre humanité gourmande avec la mine satisfaite des ascètes revanchards. Ils ont osé salir la trinité sur laquelle repose notre identité millénaire : le vin, le fromage et la viande.
En bloc, ils nient notre carte et notre territoire, nos artisans-bouchers et nos paysans, nos vignerons et nos laitages, nos labourages et nos pâturages. Ils raillent la typicité de nos paysages et les Hommes qui ont façonné depuis si longtemps notre géographie intime ; le dur labeur et l’héritage ; le savoir-faire et l’esprit de partage ; les traditions et la nature toute puissante ; en somme, notre onde nostalgique.
Ils biffent de notre vocabulaire, les plaisirs de la table, forcément coupables selon eux, de notre lamentable passéisme et de notre incurable attachement aux métiers de bouche. C’est une partie de notre culture qu’on veut abattre, raser au nom de l’homogénéisation et de l’assujettissement à toutes ces nouvelles ligues de vertu. Leur aveuglément à transformer nos modes de vie est plus qu’inquiétant. Sans le vin, le fromage et la viande, la France perdrait son âme et aussi son principal attrait touristique. Émanation de ce que nous avons de meilleur et de plus sensible, cette trinité-là a forgé les existences les plus modestes.
Dans une société aussi fracturée, chacun aspire à ces moments de quiétude et de simplicité. Pouvoir s’offrir un fromage fermier, un verre de vin et une viande de qualité, c’est un programme politique ambitieux et hautement respectable. Il y a de plus vaines préoccupations. Nos compatriotes pourraient exiger que cela devienne même un droit inaliénable.
Notre pays, bâtisseur du goût, explorateur des saveurs, inlassable découvreur des infinies variations du palais, se distingue justement par cette civilisation de la bonne table. Chez nous, la chère n’est pas triste. Quand ailleurs, on mange sur le pouce, à la va-vite, esclaves du temps moderne, la France résiste tant bien que mal grâce au repas en famille. Elle le sanctifie même. C’est là, le socle de nos habitudes, échanger avec des convives, débattre parfois avec virulence mais jamais dans l’aigreur, toujours dans le tintement amical. La victoire en trinquant, voilà un slogan de campagne qui fédérerait les hommes et les femmes de bonne volonté. Avec modération, il va de soi.
En France, on accompagne un crottin de Chavignol d’un sancerre, l’un de ces vins de Loire, pas prétentieux pour un sou qui ouvre l’esprit et nourrit l’imaginaire. Un verre de vin, un morceau de fromage et les jours gras, une pièce de Charolais ou de Limousine, la vie retrouve alors des couleurs insoupçonnées. Ces gestes qui paraissent anodins, prennent aujourd’hui, face à la fronde, un merveilleux éclat. Quand je bois un sauvignon, je loue mon terroir argilo-calcaire, je m’incline devant les chèvres et je perpétue mon histoire familiale. En plus de leur négation alimentaire, ces gens-là méconnaissent totalement les trésors de notre littérature française qui fait valser les mets et les mots.
Dans son roman, Le beaujolais nouveau est arrivé, René Fallet sonnait déjà clairons et trompettes : «Ce Te Deum éclatait sur Paris, sur toutes les grandes villes, roulait dans leurs artères, chantait Montmartre et Contrescarpe, défilait dans la rue Saint-Denis, tintait louis d’or sur tous les zincs où se pressait le peuple pour voir et toucher le divin enfant de l’année». Souvenez-vous chez Dumas, dans Les Trois Mousquetaires, la tête de Porthos dans le chapitre «Un dîner de procureur» quand on lui apporte un breuvage indélicat : «Il but aussi un demi-verre de ce vin fort ménagé, et qu’il reconnut pour cet horrible cru de Montreuil, la terreur des palais exercés». Un bon repas guérit tous les maux. Christine de Rivoyre le rappelle dans «La Mandarine». À l’annonce de la mort de ses parents, l’héroïne du livre, la rousse Séverine à l’insatiable appétit, prépare une gigantesque omelette pour se consoler : «Après l’omelette je servis une galantine de volaille avec une salade à l’huile d’olives. Tu vois, ma mémoire est précise», dit-elle. Jusqu’où iront nos tortionnaires de la table ? Après le vin, le fromage et la viande, nous supprimeront-ils le café du pauvre, cher à Alphonse Boudard ? ■
Thomas Morales
Journaliste indépendant et écrivain.
Il va falloir se montrer charitable et lancer une souscription afin de financer la greffe d’un CERVEAU à Sandrine ROUSSEAU qui en a le plus grand besoin