Par Jacques Trémolet de Villers.
Aujourd’hui je ne vous parlerai pas de la Justice et de son ministre. Pour un début d’année, c’est un trop triste sujet. Disons simplement qu’au-delà de la révolution numérique, d’une excessive féminisation, des dérives idéologiques et de la scandaleuse européisation des juridictions suprêmes, l’œuvre de justice quotidienne qui consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû se poursuit tant bien que mal ou tant mal que bien, avec la force de la tradition et le poids de la nécessité. Le besoin de justice qui vient du justiciable s’impose pratiquement et les praticiens du droit continuent à le pratiquer. Là est le socle de l’institution et le terrain d’un renouveau qui finira bien, comme le printemps, à fleurir.
Non, je vous parlerai d’une justice plus haute, qui a été célébrée le 21 janvier dernier à Saint-Germain-l’Auxerrois, pour l’anniversaire de la mort du roi Louis XVI. Une injustice inqualifiable a été commise le 21 janvier 1793 mais, de cette injustice, le roi martyr a fait une semence d’éternité. Lors de cette messe célébrée par le Père de Malherbe, l’abbé de Bellescize, avec des mots très justes où passaient le Testament de Saint Louis, la figure souveraine de Louis XIV et le drame moderne que résume parfaitement la « Lettre au Général X » d’Antoine de Saint Exupéry, a su nous faire sentir, voir et comprendre le sens profond de la Royauté française. Elle n’est pas une monarchie comme les autres. Si le roi de France avait été un roi comme les autres, ses armées auraient combattu ; mais sa royauté, comme celle de Jésus-Christ dont il est le lieutenant, ne vient pas d’ici. Si elle s’exerce sur ce monde, comme cela est évident, elle ne vient pas de ce monde. Le roi de France est le lien vivant qui unit sans les confondre le royaume de la terre et le royaume du Ciel. C’était le message joyeux de Jeanne, c’est le message douloureux de Louis XVI.
Ce 21 janvier 2022, la présence de Monseigneur le Comte de Paris, de Madame, de Monseigneur le duc d’Angoulême, du prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, des fidèles de l’Œillet Blanc et d’une foule nombreuse, forte et jeune, ont donné le relief de l’instant présent à cette vérité intemporelle. Les politiciens républicains peuvent s’agiter à la surface du temps qui passe, et il faut bien que nous nous en occupions Mais il reste, plus haut, plus vrai, et toujours vivant ce lien que rien ne pourra trancher ni même distendre entre la Maison de France et le Royaume de Dieu. Ce ne sont pas, comme disait le Père de Bellescize, « des cendres tristes ». C’est une réalité toujours vivante.
À la sortie, dans le froid et clair soleil d’hiver, Madame, très entourée, disait qu’on devrait célébrer cette messe en blanc parce qu’elle dit le caractère vénérable du roi martyr. Je ne sais pas si c’est très liturgique mais l’intuition est vraie. Le blanc est le deuil des rois car, selon le mot de Louis XIV, « le roi n’est pas malade, le roi meurt », et après lui vient le roi. La Royauté France est toujours là. Nous l’avons vue. Nous lui avons parlé. Elle a prié avec nous. Il ne s’agit pas de la rétablir par une élection ou par un coup de force. Il s’agit de travailler à la faire reconnaître. ■
A lire de Jacques Trémolet de Villers
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Je ne vais plus à la messe intégriste du 21 janvier, avec ses patenôtres latines, archaïques et déplaisantes. Lorsque le Prince Jean exigera que la messe soit une messe de notre temps, adaptée, comme la monarchie veut l’être, à son siècle, je commencerai à songer qu’il a peut-être compris quelque chose à la situation.
Sinon, je laisserai les morts enterrer les morts. Mon absence n’a d’ailleurs aucune importance.
Si la monarchie venait à s’«adapter», à coup sur, cela deviendrait de la République coiffée d’un guignol à bascule ; quant à la messe, à vouloir l’adapter à son tour, on parviendrait sans nul doute à la rendre aussi attrayante qu’un culte du ballon rond.
Qu’avez-vous contre le football, David Gattegno ? Je suis un inconditionnel supporter du glorieux Olympique de Marseille et le jeu de longue paume m’est absolument indifférent.
La Monarchie ne doit pas être l’adulation d’un passé fantasmé mais le régime le plus souple qui se puisse ; sinon, quel intérêt a-t-elle ? Le monde évolue ; en bien, en mal ; le rôle du Roi est celui du timonier qui ne prétend pas dompter les tempêtes mais faire en sorte que le vaisseau s’en sorte…
Pierre B***, » Quid obscurum qui divinum ». Il y a une part de mystère dans le sacré.
A vouloir tout comprendre, on finit par ne plus rien respecter. Dans ma jeunesse ( avant 1940) , dans la petite bourgeoisie, où les mâles étaient souvent athées, libre-penseurs, esprtits forts, imprégnés d’Anatole France et de la République triomphante , alors que leurs épouses allaient à la messe le dimanche et communiaient !, on ne parlait jamais de sexe ni d’argent. Les galipettees du grand père ou l’origine exacte de la fortune étaient sous le boisseau. Et ce n’était pas plus mal, car l’enfant a besoin d’admirer pour respecter.
La messe , c’est pareil ! La Grande Simone Weil n’osait franchir le seuil d’une église, et le fameux passage final » et expecto resurrectionem mortuorum » avec l’orgue à pleins tuyaux nous rappelle qu’il est « grand le mystére de la Foi. parcequ’incompréhensible. » Credo quia absurdum «
Pour Pierre Builly : je n’ai rien contre le foot-ball, seulement, je ne supporte pas le CULTE qu’il y a là autour. Votre réflexion m’a instantanément évoqué tout ce qui est aujourd’hui mécanisé sous les rouages de ces pseudo-rites, pseudo-cultes, pseudo-ferveurs… Quant à la monarchie, ce n’est pas exactement assimilable à un «régime politique», tel que cela s’entend de nos jours, à moins bien entendu que l’on ne ravalât ladite monarchie à cela – ce qu’elle n’est pas seulement… Lorsque vous lancez la formule «passé fantasmé», je crois entendre les républicains, démocrates et autres libre penseurs frémir avec la main sur le cœur en invoquant quelque chose de «nauséabond». À cela, je ne peux rien répondre, sauf vous suggérer de réfléchir un instant sur l’idée d’un «lendemain qui chante» ou bien d’un «avenir de progrès», d’une «monde qui évolue», comme vous dites, etc., et vous demander au juste quelle différence vous faites entre les chansons, le progrès, l’évolution et ce que vous semblez qualifié sous l’épithète générique «fantasmé»… Pour ma part, je ne vois rigoureusement nulle différence entre un fantasme, du passé» ou d’autre chose, et des superstitions de l’avenir ou de l’évolution. En revanche, le caractère SACRÉ de certaines choses permet à ceux qui en saisissent les rites de ne pas mettre sur un plan équivalent la «communion autour du ballon rond» et l’Eucharistie, par exemple.
J’avais commenté de manière humoristique, afin de ne pas avoir l’air de donner des leçons, mais comme vous avez opté pour l’idée de marquer quelques-uns d’entre nous au fer du fantasme, en loup fantasque et solitaire que je suis, me voilà bien contraint de répondre à celui qui bêle avec le troupeau.
«D’ailleurs, en ces temps léthargiques, / Sans pitié comme sans remord, / Le seul rire encore logique / Est celui des têtes de mort.» (Paul Verlaine.)
Taratata ! Il n’y a pas lieu de lancer une polémique là-dessus !
Croyez bien que je suis aussi sensible que vous au Sacré et que j’espère fermement que le Roi – s’il vient – sera sacré à Reims (encore faudra-t-il retrouver la sainte ampoule ; Jean Raspail avait des lumières là-dessus).
Mais je voudrais que nous fassions enfin de la POLITIQUE. Il ne vous a pas échappé que le monde avait changé et même si, comme nous tous qui lisons JSF je déteste la plupart de ses aspects, je suis bien obligé de voir que -ainsi que l’écrivait Maurice Jallut il y a un demi-siècle – « la cathédrale est effondrée ». Et plus encore.
C’est bien beau de vouloir revenir aux vertus et aux structures de la société traditionnelle : ce sera un effort dont la durée dépassera notre génération et au delà
J’ai cru saisir que lors d’une allocution récente un jeune dirigeant d’AF avait stigmatisé le divorce. Fort bien ! Moi qui suis marié depuis bientôt 48 ans (avec la même femme, dois-je le préciser ?) je ne suis évidemment pas opposé à ce que le mariage redevienne indissoluble. Mais c’est là une pure vue de l’esprit : à perspective humaine un bon nombre des saletés d’aujourd’hui ne seront pas effacées. La Renaissance (au meilleur sens du terme) mettra même pas mal de décennies.
Quant au latin dans l’Église, ma foi, si vous supportez, grand bien vous fasse.
Cher Pierre Builly, deux choses :
1. S’il n’y a pas lieu de lancer une polémique «là-dessus», permettez-moi de vous demander sur «là-d’quoi» il y aurait donc bien lieu de le faire plus légitimement?
2. Grand bien me fait, en effet – mille mercis.
Mais il y a un 2bis, s’il vous plaît : ce jeune dirigeant de l’A.F. qui a stigmatisé le divorce (je suis pour ainsi dire divorcé, puisque j’ai vécu 9 ans concubin d’une première dame et que voilà tantôt 40 ans [moins un], je me suis fait l’époux d’une seconde), ce jeune de l’A.F. a bien raison de stigmatiser le divorce, cependant, lorsque l’on est dans la débine où nous sommes, quelquefois, ce que l’on stigmatise à juste titre peut parfaitement devenir une extrémité à laquelle l’honneur nous interdit d’échapper. Mais n’allons pas lancer une polémique sur l’honneur : voilà une chose, sans doute, bien dépassée, assurément… Comme je suis moi-même dépassé, tout s’expliquera certainement pour vous.
Cher Pierre Bully,
En quoi un « patenôtre » en latin dévalue-t-il un » Notre Père ». Fausse querelle, chacun a sa beauté et son poids. Mais refuser l’un, c’est un peu refuser l’autre.. Je sui s d’accord avec David sur le divorce. L’honneur nous interdit parfois d’y échapper, même si on peut faire l’éloge de ce que Jacques de Bourbon -Busset appelait non la fusion impossible mais « l’union indissoluble de deux solitudes ». Maintenant dans cette Messe sur Louis XVI suivie avec ferveur les paroles en français -relevées par JTV du Père Luc de Bellescize sur les cendres qui « ne sont pas des cendres tristes », ont un goût d’éternité, qui surplombe notre triste temps et nous permettent de reprendre espoir en ce que nous pourrons enfin fonder… tous ensemble. .