Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
La principale décision annoncée par M. Macron, jeudi dernier à Belfort, est sans conteste celle, sur un ton épique, de prolonger la « grande aventure du nucléaire civil en France », en programmant la construction de six, voire quatorze réacteurs. On peut avoir des doutes, se poser des questions ou émettre des critiques sur certains des points présentés par le chef de l’Etat, notamment concernant le calendrier mais aussi le bon équilibre à trouver avec les si peu satisfaisantes énergies dites renouvelables. Reste que l’énergie nucléaire est bien la seule qui peut permettre d’apporter une réponse tant sur le plan qualitatif de la décarbonation que sur le plan quantitatif de l’augmentation considérable (60%) de notre consommation. Pour décarboner mais aussi pour satisfaire la demande des particuliers (chauffage, voiture électrique, etc.) et celle générée par la réindustrialisation du pays, il faut électrifier. Et pour électrifier on a besoin de l’énergie nucléaire.
Or, étant donné la nécessité absolue de procéder à un arrêt pour révision tous les dix ans, la cinquantaine de réacteurs actuels sont insuffisants – sauf à accepter coupures d’électricité et/ou dépendance à une source d’énergie étrangère.
Le nouvel avenir nucléaire proposé constitue un acte très fort en cette fin de quinquennat. On doit d’abord s’en féliciter et espérer qu’il est encore temps de redresser la barre.
Voici donc enfin actée au plus haut niveau de l’Etat la fin du dogme anti-nucléaire : « aucun réacteur en état de produire ne [sera] fermé à l’avenir ». Après un quart de siècle de propos malveillants et de mesures hostiles, le nucléaire civil, fleuron de l’industrie française (2 600 entreprises, 220 000 emplois), méritait bien que l’on fît quelque chose pour lui, sans attendre qu’il soit trop tard. Plus personne, il est vrai, sauf quelques illuminés, ne pensait qu’on allait pouvoir s’en passer aussi vite et aussi radicalement que le prétendait la propagande écologiste : même M. Jadot convient qu’on devra y faire appel au-delà de la fameuse échéance de 2035, celle dont rêvaient les plus fanatiques des Verts à la fin du siècle dernier.
Rappelons ici qu’en 1997 les Verts signent avec M. Jospin, alors premier secrétaire du P.S. et futur Premier ministre de cohabitation, un accord de programme électoral qui comprend notamment l’arrêt de Superphénix et un moratoire sur la construction de réacteurs nucléaires jusqu’en 2010. Avancée considérable pour des Verts qui, désormais, vont influencer de l’intérieur l’ensemble de la gauche (P.C.F. exclu) et instiller leur catéchisme dans une bonne partie du microcosme politicien mais aussi de la société tout entière. Elu en 2012, M. Hollande prendra la décision de fermer Fessenheim (centrale pourtant plus sûre que lors de son entrée en service en 1977 puisqu’elle avait fait l’objet des très sérieuses révisions décennales obligatoires), fermeture finalement effectuée en 2020, M. Macron étant président de la République.
Reprochera-t-on à ce dernier son changement de cap annoncé jeudi dernier à Belfort ? Certes non car cette fois il a retrouvé le nord et remis la France dans la bonne direction. A ceux qui, comme Mme Bécard, journaliste de France Inter (samedi 12 février), relaient les propos de M. Mélenchon dénonçant « le fait du prince », M. Bayrou répond fort justement : « Il n’existe pas de responsable qui, au bout du compte, dans les situations graves, ne prenne les décisions tout seul. » Or, parce qu’elles concernent un domaine essentiel en rapport direct avec la souveraineté nationale (notamment réduire au mieux la dépendance énergétique de la France et assurer le « développement industriel de notre pays ») et qu’elles fixent le cap ( « donner de la visibilité ») pour plusieurs décennies, les décisions de M. Macron relèvent à l’évidence du niveau régalien. M. Mélenchon eût peut-être préféré la délibération d’une assemblée populaire façon révolution française ou d’un soviet à la russe.
M. Macron a changé d’avis. M. Macron a eu raison de le faire. Il était temps. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source.
Monsieur Delanglade ne soyez pas enthousiaste à cette annonce qui est probablement et purement électoraliste. Nous connaissons suffisamment Macron depuis son entrée en politique pour être extrêmement prudent sur ses paroles qui n’engage que lui. Sachant que les verts allemand font du lobbying sur nos élus pour que la France sorte du nucléaire et ainsi nous rendre complètement dépendant de leur approvisionnement en gaz. Le couple mythique franco allemand n’existe pas il ni a que des intérêts.
Ouiche…
Mais les techniciens employés et ouvriers capables de réanimer les morts sont ou partis à la retraite ou ont vogué vers d’autres Cieux !
Défaire va très vite reconstruire des usines de haute technologie prendra du temps beaucoup de temps et les ruptures de réseaux seront imparables sauf à acheter à l’étranger l’électricité que naguère on vendait !!!
Admirable signe d’intelligence 👹👹
C’est le fameux « en même temps »: je ferme Fessenheim et je lance un programme de 6 ou 7 EPR. Inconséquent.
Pire et plus inconsistant cette prétendue Europe dont nous sommes devenus les premier à tirer le chariot des imbécilités, voudrait moins de centrale tout en imposant les véhicules tout électriques, détruisant un siècle de connaissance des moteurs classiques. Au sujet des centrales les vieux ne sont plus la. On reprend tout à zéro. Inconséquent c’est la mot qui convient aussi à la mise en place du grand banditisme. Les Français devraient savoir que l’on ne fait pas de « tortilla »sans casser des oeufs.
Financer des centrales ( outre les compétences nécessaires comme signalé plus haut ) , est une autre affaire que d’annoncer une relance de » la grande aventure du nucléaire civil en France » . E.Macron peut toujours raconter ce qu’il veut mais que n’a t-il commencé à mettre en oeuvre en début de mandat ? Serait il un bonimenteur ?
Merci à vous qui avez suivi et commenté cet article. Et voici nos réflexions après vous avoir lus.
La décision d’Emmanuel Macron de relancer le nucléaire français est bonne en soi : c’est ce que dit cet article à juste titre. Qu’elle soit tardive est une évidence. Cela fait 25 ou 30 ans en effet que – droite et gauche confondues – les gouvernements successifs ont cédé continument à l’idéologie des Verts pour des raisons électoralistes bien-sûr et aussi, parfois, parce qu’ils partageaient cette idéologie. Tous sont responsables du retard très regrettable pris par la France dans un domaine éminemment stratégique où pourtant elle excellait et continue d’exceller. Ainsi, François Hollande avait décidé de fermer Fessenheim et Emmanuel Macron a eu tort de le faire.
Relancer le nucléaire français est néanmoins à ce jour une bonne décision et ce n’est sûrement pas sur ce point précis qu’il convient de critiquer le Chef de l’État. Il y en a assez d’autres.
Son calcul sur cette question est-il électoraliste ? À notre avis, ce n’est pas sûr : sa décision pro-nucléaire peut lui coûter autant que lui rapporter. Prudence conseillée donc sur ce point.
On peut aussi penser de façon plus rationnelle qu’à vrai dire, il n’avait guère le choix. Une défaillance énergétique de la France en matière d’électricité serait pour n’importe quel gouvernement un tsunami valant catastrophe.
Restent des objections peu convaincantes : on ne peut pas à la fois vouloir le nucléaire comme le fait notamment le « camp national » (Zemmour / MLP ou autres) et supputer que la France n’en a plus les moyens humains. Non, elle les a encore pour quelque temps. Et sans-doute pour longtemps, même si tout retard accroît la difficulté. Elle conserve des ingénieurs et des travailleurs de haut niveau, y compris des jeunes, qui sont à la hauteur de l’enjeu. Bien davantage en fait que les politiques eux-mêmes.
Quant à l’UE, si nous avons bien compris, elle vient d’acter le classement du nucléaire comme « énergie verte ». C’est contre la puissance d’EDF que semble s’exercer aujourd’hui son ambition plus que contre le nucléaire en tant que tel. Et au sein de l’UE se déploie bien-sûr l’ambition toute naturelle de l’Allemagne, elle-même terriblement dépendante du gaz russe. Il n’y a pas à s’en étonner. Aucun pays ne doit ignorer qu’il n’existe personne pour défendre ses intérêts autre que lui-même. JSF, notamment Louis-Joseph Delanglade, n’a cessé de le rappeler dans tous ses articles. G.P.