Par Eugénie Bastié
Cet article a été publié dans Le Figaro du 2 février. ANALYSE – De nouvelles émoticônes présentant des hommes enceints ont été intégrées sur Apple. Les « Big tech » qui traquent les « fake news » se font donc le relais de propositions antiscientifiques au nom de « l’inclusivité ». C’est à lire. Le lecteur jugera, commentera.
« Ces mêmes entreprises qui pratiquent la politique de l’intime parviennent à faire oublier l’enrichissement himalayesque de quelques-uns. »
« Le Parti finirait par annoncer que deux et deux font cinq et il faudrait le croire (…) L’hérésie des hérésies était le sens commun » dit le narrateur de 1984. George Orwell pensait au communisme quand il a écrit son chef-d’œuvre dystopique. Il ne savait pas que c’était le wokisme qui accomplirait ses prophéties.
On ne dit pas encore que deux et deux font cinq mais on affirme désormais sans ciller que les hommes peuvent porter des enfants. C’est ainsi qu’Apple a intégré dans sa nouvelle génération d’émojis l’«homme enceint », décliné évidemment sous toutes les couleurs. Anecdotique ? Rigolo ? Inoffensif ? Non, révélateur. Car les émoticônes d’Iphone, présents dans toutes les poches sur tous les continents, sont les marqueurs d’une révolution insidieuse des mentalités, selon une mécanique d’ingénierie sociale visant à nous faire accepter une humanité nouvelle, déconstruite et multiculturelle.
Il est étonnant que les Big tech, qui promeuvent bien souvent un combat pour la science et chassent sans merci de leurs réseaux sociaux quiconque diffuse des « fake news », se fassent les relais de propositions aussi anti-scientifiques. Car l’homme enceint n’existe pas du point de vue de la science. « Pour la biologie c’est une évidence, il n’existe pas de pères qui accouchent : l’utérus masculin n’a pas plus de réalité que le pénis féminin. Ce sont des pures constructions verbales — flatus vocis» notait Claude Habib dans son remarquable essai La question trans(Gallimard) où elle se demandait si un nouveau « droit à l’aberration » était en train de naître. Elle citait également la féministe américaine Camille Paglia : « la froide vérité biologique est que les changements de sexe sont impossibles. Chaque cellule de nos corps, à l’exception des cellules sanguines, contient pour la vie le code de notre genre de naissance ».
Ce n’est peut-être pas scientifique, mais «ça n’enlève rien à personne» répondront les chantres du Progrès, pressés d’enfermer dans la cage aux phobes tous les ronchons qui auraient le mauvais goût de s’opposer à leur smiley sympa. C’est oublier bien vite que l’impératif de l’inclusion marche de concert avec celui de la déconstruction. Ainsi, la promotion de la figure de l’homme enceint contribue à l’effacement du féminin, ce qui est plutôt cocasse à une époque qui prône la «visibilité» des femmes. Le féminisme entendait bousculer les représentations traditionnelles des rapports entre hommes et femmes, il n’a jamais prétendu abolir la biologie, sans laquelle d’ailleurs on n’explique pas grand-chose des inégalités qui subsistent entre les sexes. La maternité est le «privilège exorbitant» (Françoise Héritier) des femmes et leur nier est une régression. Elle n’est pas isolée : de plus en plus d’entreprises et d’administrations, soucieuses de ne pas discriminer l’ultra minorité des trans, usent désormais le vocable «personnes qui menstruent» ou «personnes ayant un utérus» plutôt que le beau mot de «femme».
Le progressisme faussement cool s’accompagne d’une chasse aux sorcières impitoyable. Pour avoir blagué sur ce thème sur les réseaux sociaux : «Personne qui a ses règles».. Je suis sûre qu’il y avait un mot pour ces personnes. Aidez-moi. Wumben ? Wimpund ? Woomud ?», l‘auteur d’Harry Potter J.K Rowling a été conspuée, insultée et même annulée de l’anniversaire de la saga pour transphobie. «Ça n’enlève rien à personne», donc, sauf aux personnes qui ne sont pas d’accord. De plus, s’il n’y a aucune raison de gêner la minorité de personnes ayant une véritable dysphorie de genre, qu’en est-il du tort porté à l’enfant par une filiation ainsi mutilée ? L’enfant est soumis à une dissonance cognitive : on lui dit que sa mère est un homme. La dualité des sexes est au fondement de l’engendrement. Quelles conséquences psychologiques peut avoir un tel mensonge institutionnalisé ?
Enfin, le plus frappant dans cette histoire est l’alliance de l’inclusivité et du capitalisme, du woke et de la Silicon Valley. Le Consortium Unicode, l’association qui décide quels seront les nouveaux émojis est composée de représentants de toutes les plus grandes entreprises technologiques : Facebook, Microsoft, Google, Netflix et Apple. Jean-Luc Mélenchon, l’Insoumis qui veut inscrire la «liberté de genre» dans la Constitution, devrait y réfléchir, le voilà allié des multinationales du numérique qui entendent se faire les relais de la nouvelle morale planétaire. Ces mêmes entreprises qui pratiquent la politique de l’intime parviennent à faire oublier l’enrichissement himalayesque de quelques-uns. Le wokisme permet ainsi d’éveiller les esprits sur de pseudo-inégalités horizontales pour mieux faire oublier (et racheter) les véritables et grandissantes inégalités sociales provoquées par la numérisation de l’économie. ■
Eugénie Bastié
Courte vidéo en complément…. (Cliquer sur l’image)
Et behhhhhh !!!!
Là c’est le ponpon !!
J’avais pas vu les émoticônes en question, mais j’avoue ma perplexité totale
Un homme « enceint », ça s’est déjà vu au cinéma, en 1972, avec le film
« L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune »
avec Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni
Marco et Irene vivent heureux. Marco dirige une auto-ecole, Irene un salon de coiffure.
Un jour Marco est saisi de malaises. Un fait jamais vu se produit, au grand dam des mandarins, Marco est un mutant, il attend un enfant!
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=469.html
Eugénie Bastié est une femme magnifique, intelligente, subtile, agressive envers toutes les conneries de notre monde. Ne serait-elle pas un jour passée par un Camp MRDS ?
Ce qu’elle écrit est parfait, ce qu’elle dit mérite d’être approfondi.
Le « woke » prospère en Amérique du Nord, telle une mode de penser (oui ! une mode, au féminin). Là-bas, plus que chez nous règne, presque sans partage l’éloquence du vendeur, du charlatan, du camelot, du « prophète », ce qu’on enrobe du beau terme de « communication ». Je vois venir le jour, quand « communication » ne passera plus, ce sera de la « culture ». Le puritanisme a peu à voir avec cette gobe-moucherie quasi-généralisée. D’un côté les habiles, maîtres-baratineurs, princes de l’hypocrisie et de l’argutie, lanceurs de modes, manipulateurs et culpabilisateurs, de l’autre les foules (des nouveaux-venus, plus que des « puritains ») cherchant désespérément à suivre, à se conformer, à bien faire…, proies faciles. A Wall-Street on s’encourage ainsi : « chaque jour naît un pigeon », il suffit de trouver les mots, le point faible… Le « woke », c’est un coup de maître des héritiers de l’esclavage !
Nous sommes encore protégés par un puissant scepticisme hérité des « paysans », des « poilus », de lecteurs de La Fontaine, La Bruyère, Molière…, de Céline et du Canard. Mais pour combien de temps ?
Ce dernier commentaire : beau et intelligent. Merci !